Réunis en commission mixte paritaire, les députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur le projet de loi Climat et résilience. Le texte devrait être adopté définitivement cet été.
Les discussions entre députés et sénateurs auront duré neuf heures, dans la nuit du lundi 12 au mardi 13 juillet. Neuf heures au terme desquelles les parlementaires sont finalement parvenus à un accord sur le projet de loi Climat et résilience.
Députés et sénateurs étaient réunis en commission mixte paritaire (CMP). La CMP est une commission composée de sept députés et sénateurs. Elle peut être réunie en cas de désaccord persistant entre les assemblées sur un projet ou une proposition de loi. Sa mission est d’aboutir à la conciliation des deux assemblées sur un texte commun.
Les parlementaires ont donc trouvé un compromis sur ce projet de loi inspiré des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Pourtant, quelques jours plus tôt, Jean Castex avait renoncé au projet de loi constitutionnelle en raison de leur désaccord. D’après le ministère de la Transition écologique, cet accord ouvre la voie à une adoption définitive du projet de loi climat dès cet été.
« Il faut saluer cette capacité à dépasser les clivages politiques pour faire avancer l’écologie toujours plus loin« , s’est félicitée sur Twitter la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. « Nous allons faire entrer l’écologie dans nos vies » a poursuivi celle qui a porté le projet de loi au Parlement.
Les « lignes rouges » n’ont pas été dépassées
« Ce nouvel accord redonne toute sa force au projet de loi« , se réjouit-on dans l’entourage de Barbara Pompili. Le ministère de la Transition écologique avait énoncé plusieurs « lignes rouges« à ne pas franchir, notamment sur la question des zones à faible émission (ZFE) et de la rénovation des logements qualifiés de passoires thermiques. Les sénateurs souhaitaient en effet reculer leurs dates de mise en place. « Aucune de ces lignes n’a été franchie » assure le ministère de la Transition écologique.
« Les piliers de la loi ont été restaurés dans leur version d’origine« , poursuit-on dans l’entourage de la ministre. Concernant l’interdiction de louer des logements identifiés comme passoires thermiques, les sénateurs sont ainsi revenus sur leur position. Ils souhaitaient que les logements classés E soient interdits à partir de 2040. Ils seront finalement interdits dès 2034, comme souhaité par les députés.
Une des autres lignes rouges du gouvernement concernait l’extension des ZFE. Les députés souhaitaient étendre ces zones, sans véhicules polluants, aux agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants d’ici le 31 décembre 2024. Le Sénat, qui voulait retarder cette échéance de cinq ans, a finalement accepté la mesure des députés. Les sénateurs ont en revanche ajouté un prêt à taux zéro pour les particuliers. Il sera testé dans les ZFE dès 2023 pendant deux ans, et servira à financer des véhicules électriques et des véhicules hybrides rechargeables.
Autre mesure emblématique des désaccords entre les deux chambres du Parlement, le menu végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires. Les sénateurs souhaitaient jusque-là poursuivre l’expérimentation à ce sujet. Les députés souhaitaient quant à eux la traduire en mesure pérenne. La mesure sera finalement bien pérennisée. Le ministère ajoute que le Sénat a complété le texte de loi par différents éléments. Ils visent à développer l’hydroélectricité et impliquer davantage les collectivités locales.
Nucléaire, éolien et agriculture
Un des amendements déposés par le Sénat visait à mettre en place un droit de veto pour les maires concernant l’implantation d’éoliennes sur leur territoire. Il a finalement été abandonné lors de cette CMP. Le maire pourra en revanche apporter ses observations au porteur de projet éolien. Députés et sénateurs se sont en revanche mis d’accord sur un objectif pour l’éolien en mer. Il vise à l’installation chaque année d’une production d’électricité par l’éolien offshore équivalente à 1 gigawatt.
Sur le sujet nucléaire, les sénateurs ont aussi reculé. Ils souhaitaient conditionner l’arrêt de réacteurs nucléaires sur un territoire à la mise en place d’une filière de production d’énergies renouvelables équivalente. La mesure n’a pas été retenue par la CMP. Mais du côté du ministère de la Transition écologique, on assure qu’on « ne peut pas fermer de réacteurs nucléaires si la sécurité d’approvisionnement électrique n’est pas garantie« .
Autre grand point de blocage entre les deux chambres, la mise en place d’une redevance sur les engrais azotés. Cette mesure était voulue par les députés. Les sénateurs proposaient quant à eux de mettre en place un plan « Eco-Azot » pour accompagner les agriculteurs. Finalement, le dispositif discuté à l’Assemblée a été réadopté par la CMP.
Le difficile respect des objectifs européens
Le ministère de la Transition écologique est clair : « la loi a été pensée pour l’objectif français de -40% d’émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030« . Or les Etats de l’Union européenne se sont accordés en avril sur un objectif plus ambitieux. Il vise à une réduction nette des émissions de GES d’au moins 55% d’ici 2030. L’entourage de Barbara Pompili salue tout de même « un pas immense pour notre politique climatique« .
La loi Climat traduit une partie des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat retenues par Emmanuel Macron. Parmi elles, la suppression de certaines lignes aériennes intérieures en cas d’alternatives de moins de 2h30 en train. Ou encore l’interdiction de location des passoires thermiques. Un projet critiqué par les ONG environnementales et les écologistes pour son « manque d’ambition« .
Le 1er juillet, le Conseil d’Etat a donné neuf mois à la France pour prendre « toute les mesures utiles » afin de respecter ses engagements dans le cadre de l’accord de Paris. La plus haute juridiction administrative française a relevé que les trajectoires actuelles du pays ne permettaient pas d’atteindre les objectifs de l’accord.
Jérémy Hernando