Le gouvernement a enterré mardi 6 juillet le projet de référendum pour inscrire la protection de l’environnement et l’urgence climatique dans la Constitution. Ce projet de révision impulsé suite aux propositions de la Convention citoyenne sur le Climat (CCC) a été enterré, faute d’accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Les Français ne voteront pas pour inscrire la préservation de l’environnement et de l’urgence climatique dans la Constitution. C’est ce que l’exécutif a annoncé mardi 6 juillet, faute d’accord entre les deux chambres du Parlement. Ce projet de référendum était né suite aux propositions de la CCC. Lundi, le Sénat à majorité de droite avait adopté en deuxième lecture une formulation différente de celle votée par l’Assemblée. Les parlementaires ne sont jamais parvenus à se mettre d’accord sur une formulation commune.
Justine Ripoll est responsable de campagne au sein de l’association de lutte contre le changement climatique Notre Affaire à tous. En 2018, cette association en a rejoint trois autres pour former le collectif Notre Constitution Ecologique. Il milite depuis 2018 pour inscrire le climat dans la Constitution. Justine Ripoll ne cache pas que cette annonce était « assez prévisible » au vu des « oppositions très fortes sur une formulation unique« . Mais elle exprime aussi sa « déception » face à des débats « qui n’étaient pas à la hauteur des enjeux de l’urgence climatique« .
Pas d’entente entre Assemblée et Sénat
Le projet a été abandonné lors d’une séance de questions au gouvernement. Elle se déroulait ce mardi 6 juillet à l’Assemblée. « Ce vote met hélas un terme au processus de révision constitutionnelle dont nous continuons à penser qu’il était indispensable à notre pays« , a lancé le Premier ministre Jean Castex. La Constitution prévoit que le texte doit être adopté en des termes identiques par députés et sénateurs.
Pour le rapporteur La République en Marche (LREM) Pieyre-Alexandre Anglade, c’est évidemment une déception. La majorité sénatoriale « sacrifie l’urgence climatique sur l’autel d’intérêts partisans et politiciens« , a-t-il critiqué. Devant les membres de la CCC, Emmanuel Macron avait annoncé en décembre vouloir soumettre ce projet à référendum.
Il s’agissait initialement d’étoffer l’article 1er de la Constitution, qui pose les principes fondateurs de la République (égalité, laïcité…). La mention que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique » y aurait été ajoutée.
« Garantit » : mot compte triple
Les deux chambres parlementaires se sont livrées à une bataille de mots débouchant sur une impasse. Le Sénat a réécrit en mai le projet de loi constitutionnelle. Il s’opposait au terme « garantir » voulu par le chef d’Etat, qui aurait institué une « quasi obligation de résultat« . La majorité à l’Assemblée a alors dit faire « un pas » en remplaçant en deuxième lecture le verbe « lutter » par le verbe « agir« . Lundi, les sénateurs ont pourtant adopté une formulation excluant toujours le terme « garantit« .
La République française « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004« , adoptée sous Jacques Chirac, ont suggéré les sénateurs. La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a dit sa « consternation« , fustigeant « des climato-inactifs« , « des climato-résignés« .
Justine Ripoll regrette une réforme qui aurait pu avoir « un réel impact« , notamment pour faciliter le travail des juges. « Avec l’Affaire du siècle et celle de Grande-Synthe, les juges font valoir dans la jurisprudence des décisions très novatrices et ambitieuses en termes de protection de l’environnement. En inscrivant cette garantie, on leur aurait donné une légitimité supplémentaire« , poursuit la militante. L’impact juridique concret du terme « garantit » a cristallisé les débats au sein des deux chambres du Parlement. Justine Ripoll estime qu’une précision de l’exécutif au sujet de la portée de ce mot aurait pu « empêcher les différents camps d’utiliser des arguments juridiques faux« .
La militante fait notamment référence à l’argument du Sénat selon lequel le terme « garantit » aurait risqué de faire primer l’écologie sur les autres libertés fondamentales. Mais, comme le rappelle Justine Ripoll, ce terme existe déjà dans la Constitution concernant l’égalité homme-femme. Or « on voit bien que l’égalité homme-femme ne prime absolument pas sur les autre libertés fondamentales« , assène-t-elle.
Un contexte électoral trop explosif
La navette parlementaire aurait pu se poursuivre en théorie éternellement. Mais le temps presse, à moins d’un an de la présidentielle. Et « il ne s’agit pas de consulter les Français sur une formule tarabiscotée ou édulcorée« , fait valoir le rapporteur Pieyre-Alexandre Anglade.
Pour Justine Ripoll, « il y a une querelle politique évidente entre deux majorités : LREM à l’Assemblée et LR au Sénat. Chacun cherchait à faire peser l’échec sur l’autre« . La militante associative constate également « un problème de perception de l’urgence écologique au centre et à droite« .
Suppression de certaines lignes aériennes intérieures, interdiction de location de logements passoires thermiques… Une partie des 146 autres propositions de la Convention citoyenne font l’objet d’un projet de loi distinct « climat et résilience ». Il y a encore peu de chances que députés et sénateurs trouvent un compromis sur ce texte. Mais cette fois, l’Assemblée aura le dernier mot.
Jérémy Hernando