Le Sénat a adopté ce mardi en première lecture un projet de loi Climat revu et corrigé, après deux semaines de débats intenses. La majorité sénatoriale de droite se félicite d’un texte à l’ambition « réhaussée« . Mais, du côté du ministère de la Transition écologique, on déplore au contraire de « nombreux reculs« .
Depuis deux semaines, les sénateurs examinaient en première lecture le projet de loi « climat et résilience ». Ce mardi, le Sénat a finalement adopté ce texte, à 193 voix pour et 100 voix contre. La majorité de droite de la chambre haute du Parlement qualifie l’ambition du projet de loi de « réhaussée« . Mais le gouvernement regrette au contraire de « nombreux reculs » opérés par le Sénat.
Ce projet de loi est porté par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Il traduit une partie des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat qu’avait retenues Emmanuel Macron. Parmi les mesures envisagées, la suppression de certaines lignes aériennes intérieures en cas d’alternatives de moins de 2h30. Ou encore l’interdiction de la mise en location des logements passoires thermiques en 2028.
La difficulté d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat
« Le Sénat a pas mal enrichi le texte » a affirmé lundi Marta de Cidrac (Les Républicains), une des rapporteurs de la commission de l’Aménagement du territoire. « On était attendus au tournant, on a montré qu’on pouvait être force de proposition » sur l’écologie, a renchéri son collègue de droite Philippe Tabarot. Le rapporteur considère que « le Sénat a montré son envie de protéger l’environnement, tout en ayant conscience des enjeux économiques et des questions de justice sociale« .
De nombreux points forts du texte de l’Assemblée nationale ont été revus par les sénateurs. Autant de sujets qui risquent d’être source de blocage dans la recherche d’un accord sur un texte commun, en commission mixte paritaire. Si chacune des chambres du Parlement affiche sa volonté de parvenir à un accord, elles ont aussi défini des « lignes rouges« .
La réunion de la commission mixte paritaire a été fixée au 12 juillet prochain. Le temps de travailler en amont sur les modalités d’une entente. Le texte pourrait être validé avant la fin du mois si un accord est acté. Sinon, il repartira en nouvelle lecture en commission à l’Assemblée dès le 19 juillet, a indiqué à l’AFP le rapporteur général La République en Marche (LREM) Jean-René Cazeneuve. Le nouvel examen de l’Assemblée nationale aurait alors lieu à la rentrée de septembre.
De « nombreux reculs » pour le gouvernement
Le député LREM Jean-René Cazeneuve « craint que les sénateurs aient succombé à la mode du « green talking » avec « un discours très vert » qui porte « quelques avancées sans réel impact« , mais cache « des reculs » sur tous les volets du texte. L’avis est le même du côté du ministère de la Transition écologique. « Les sénateurs ont travaillé sur la carrosserie, mais en dépeçant le moteur« , déplore le ministère. Il regrette « de nombreux reculs » sur « le cœur du texte« , notamment sur les zones à faibles émissions (ZFE), les engrais azotés ou encore les menus végétariens à la cantine.
Les sénateurs ont en effet reculé de cinq ans la généralisation du dispositif de ZFE sur la pollution de l’air. Ce dispositif limite la circulation dans les agglomérations. Dans le secteur agricole, les sénateurs n’ont pas retenu le principe d’une taxe sur les engrais azotés. Les sénateurs proposent en réponse la mise en place d’un plan Eco-Azot pour accompagner les agriculteurs. Du côté des cantines scolaires, les sénateurs ont privilégié la poursuite de l’expérimentation d’un menu végétarien hebdomadaire. Les députés souhaitaient pérenniser la mesure.
Sur le sujet clé de la rénovation énergétique des logements passoires thermiques, des reculs sont aussi à constater. Les sénateurs ont en effet repoussé l’interdiction de louer des logements « passoires thermiques » de classe E de 2034 à 2040. Cette classe concerne 2,5 millions de logements en France. Le ministère de la Transition écologique y voit un « signal extrêmement négatif« . Il rappelle que le secteur du bâtiment représente à lui seul un quart des émissions de gaz à effet de serre en France.
Les sénateurs écologistes et socialistes ont voté contre
Pour le chef de file du groupe écologiste du Sénat Ronan Dantec, « il y a des avancées assez fortes« . Il cite par exemple l’abaissement de 10% à 5,5% de la TVA sur les billets de train. Mais les écologistes ont tout de même voté contre le texte. Il ne permet toujours pas selon eux d’atteindre l’objectif européen d’une réduction d’au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. Le groupe socialiste du Sénat avait lui aussi annoncé lundi s’orienter vers un vote négatif.
Pierre Cannet, le directeur du plaidoyer au WWF France, partage l’avis des sénateurs écologistes. « Les sénateurs ont inscrit le nouvel objectif européen climatique de -55% pour 2030, sans toutefois apporter les moyens de concrétiser en France cette nouvelle ambition« , déplore Pierre Cannet. L’homme relève « quelques petites avancées » mais surtout « d’importants reculs« , comme « les freins mis au développement des énergies renouvelables« .
Le projet de loi climat et résilience s’articule avec un volet constitutionnel. Il s’agit d’inscrire le climat dans la Constitution. Emmanuel Macron souhaitait un référendum sur cette question. Mais le sujet bute sur des divergences de formulation entre députés et sénateurs. Ce projet de révision reviendra le 5 juillet dans l’hémicycle du Sénat.
Ce vote intervient après la publication, il y a quelques jours, d’un nouveau rapport alarmant des experts climat de l’ONU. Il estime que, quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du changement climatique sur la nature et l’humanité vont s’accélérer. Ils pourraient devenir douloureusement palpables bien avant 2050.
Jérémy Hernando avec AFP