L’examen du texte de la loi Climat débute aujourd’hui au Sénat. Durant les travaux en commission qui l’ont précédé, les sénateurs ont adopté près de 700 amendements. S’ils ont obtenu des avancées significatives sur certains points, le bilan reste mitigé.
L’examen du texte de la loi Climat et résilience débute ce lundi 14 mai au Sénat. Inspirée des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) voulue par Emmanuel Macron, cette loi reste « perfectible« , juge l’opposition de droite qui domine la chambre haute. En commission, les sénateurs ont adopté près de 700 amendements. Ils s’engagent dès aujourd’hui dans l’examen de la loi en première lecture jusqu’au vote d’ensemble le 29 juin.
Une loi Climat insuffisante à renforcer au Sénat
Porté par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, ce projet de loi traduit une partie des 146 propositions de la CCC qu’avait retenues Emmanuel Macron. Parmi elles, la suppression de certaines lignes aériennes intérieures en cas d’alternatives en train, ou encore l’interdiction de mise en location des logements passoires thermiques en 2028.
Le texte devait permettre à la France d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés en application de l’Accord de Paris. La France s’engage ainsi à réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. Un objectif revu à la hausse en avril au niveau européen (réduction d’au moins 55% en 2030). Comme le Haut Conseil pour le climat ou le Conseil économique, social et environnemental, les écologistes jugent cette loi insuffisante.
L’opinion publique se mobilise également sur le sujet. Fin mars, près de 110.000 personnes avaient manifesté pour réclamer une « vraie loi climat ». A l’issue du vote de la loi en mai dernier, l’association Extinction Rebellion avait protesté devant l’Assemblée nationale pour dénoncer « une insulte pour la démocratie ».
Des avancées à espérer au Sénat
Le sénateurs devraient marquer le coup en adoptant en séance un amendement visant à créer un article préliminaire au projet de loi. Selon lui, « la France s’engage à respecter les objectifs » en cours de révision au niveau européen. En adoptant près de 700 amendements en commission, les sénateurs ont dessiné les grandes directions vers lesquelles ils entendent faire évoluer ce texte « perfectible ». Parmi les objectifs : « réconcilier les transitions écologique, économique et sociale » ou encore « fixer un cap clair pour engager durablement notre économie dans la transition bas carbone ».
Les sénateurs ont obtenu des avancées significatives dans plusieurs secteurs. Dans le domaine des transports, un amendement prévoit la baisse de la TVA sur les billets de train à 5,5%. Par ailleurs, les sénateurs ont obtenu la création d’un chèque alimentaire ou encore le développement du prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule peu polluant. Mise de côté par l’Assemblée nationale, la protection des forêts est revenue sur la table. Les sénateurs ont introduit plusieurs dispositions visant à les protéger.
D’autres avancées sur la publicité et rénovation
Le Sénat a également récupéré une proposition de la CCC. Elle prévoit d’ajouter une mention alertant sur le fait que la surconsommation nuit à la préservation de l’environnement. Les sénateurs ont adopté un amendement qui interdit les publicités pour les véhicules les plus polluants dès 2028. Concernant la rénovation thermique, les sénateurs ont restreint le champ des logements considérés comme ayant une « rénovation énergétique performante« . Seuls les logements présentant une étiquette A ou B après rénovation pourront revendiquer cette appellation. L’Assemblée nationale l’avait étendue à l’étiquette C, voire D.
Le groupe écologiste, qui compte douze sénatrices et sénateurs, a porté plusieurs amendements. Parmi les amendements adoptés, citons la création d’une dotation financière d’un milliard d’euros à destination des collectivités locales, pour accompagner la mise en œuvre des plans climat-énergie territoriaux. Les sénateurs écologistes ont également obtenu la réduction de l’usage des engrais azotés pour les pratiques non agricoles.
Mais aussi de nombreux reculs : exit la taxe sur les engrais azotés et l’écocide
Si certains amendements constituent des avancées réelles pour la préservation de l’environnement, des reculs sont aussi à déplorer. La mise en place des zones à faible émission a ainsi été retardée de cinq ans. Un nouveau dispositif concernant le transport routier des marchandises remplace l’écotaxe régionale. Les sénateurs prévoient une contribution dans le cas où le secteur n’aurait pas réduit significativement ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2038.
La généralisation de l’expérimentation des menus végétariens à la cantine n’aura pas lieu. Les seules collectivités volontaires pourront la prolonger de deux ans. Le sujet avait suscité de vifs débats au sein de la sphère politique. La redevance sur les engrais azotés est quant à elle enterrée. Le terme d’écocide également. Les sénateurs ont en effet « sécurisé juridiquement » le dispositif pénal sanctionnant les atteintes graves aux milieux physiques. Ils ont créé pour cela deux délits, l’un intentionnel et l’autre non intentionnel. Ils ont souhaité réserver le terme d’écocide au droit international.
Reculs sur les vols intérieurs, le Oui pub et les emballages en polystyrène
Dans le domaine des transports, les vols domestiques entre deux villes qui se situent à moins de 2h30 en train resteront autorisés si la moitié des passagers sont en correspondance. Seule la ligne Orly-Bordeaux fermerait définitivement si les sénateurs retiennent ce critère. Concernant la publicité, les sénateurs ont supprimé l’expérimentation pendant trois ans du dispositif « Oui pub » pour les collectivités volontaires. Le Sénat n’a pas non plus retenu l’interdiction des emballages en polystyrène ou autres polymères pour 2025. Enfin, les sénateurs ont introduit le nucléaire dans le texte de loi, qui en était absent jusqu’ici. Ils ont fixé comme principe qu’un réacteur nucléaire ne pouvait pas être arrêté « en l’absence de capacités de production équivalentes fournies par des énergies renouvelables ».
Les sénateurs vont débattre du texte en séance plénière cette semaine. Pierre Cannet, responsable climat de WWF France note « de bonnes surprises » sur la publicité. Mais il déplore le « détricotage » des dispositifs visant à réduire l’usage des engrais azotés, et le recul sur les repas végétariens à la cantine. Le vote final du projet de loi devrait intervenir le 29 juin.
Jérémy Hernando avec AFP