Ce mardi 4 mai, c’est le vote solennel de la loi Climat et Résilience à l’Assemblée nationale. Alors que le gouvernement vante une avancée historique, les ONG du Réseau Action Climat dénoncent un « double échec écologique et démocratique » et un « rendez-vous manqué pour le climat et la justice sociale ». Explications.
C’est une première étape importante dans l’examen des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Ce mardi 3 mai, les députés ont voté en première lecture le projet de loi Climat et Résilience avec 332 voix pour, 77 contre, et 145 abstentions. Le groupe LREM et Modem ont voté pour, les socialistes, LFI, les communistes et Liberté et Territoires ont voté contre. Les Républicains et l’UDI se sont abstenus.
Tout au long de l’examen de la loi Climat à l’Assemblée nationale, nous avons assisté au recul des propositions de la Convention citoyenne. Quelques mots suffisent pour qualifier ce texte : « cruel manque d’ambition » et « double échec écologique et démocratique », dénonce le Réseau Action Climat. L’examen du texte a été marqué par l’organisation de 180 rassemblements en France pour réclamer une Vraie loi Climat. Des jeunes militants sont allés à la rencontre des députés Place Édouard Herriot pour faire du lobbying citoyen.
Mais la mobilisation citoyenne n’a pas suffi « à dépasser le blocus du Gouvernement et d’une partie de la majorité au Parlement qui s’opposait à rehausser l’ambition du texte », regrette le Réseau Action Climat. « Les enjeux de justice sociale restent absents du projet de loi et la France n’est toujours pas en situation d’atteindre ses objectifs sur le climat », ajoute-t-il. Le texte est attendu au Sénat en juin.
Reculs sur la rénovation et les transports
Le constat est flagrant : sur la rénovation, la majorité ne veut pas pousser “le bouchon trop loin». Les députés se sont notamment prononcés en faveur de l’interdiction de louer des passoires thermiques. L’obligation de rénovation, elle, a été retoquée. Au lieu de la notion de « crime » d’écocide que les écologistes et les militants ont défendu becs et ongles, il s’agira d’un “délit” d’écocide. Une différence notoire.
Si la réforme du code minier avance enfin, les amendements dans le domaine des transports risquent de ne contenter personne. Finalement, la durée de vol retenue passe de 4h30 à 2h30, s’il existe une alternative en train. Concrètement, la mesure n’impacterait que les lignes Paris-Bordeaux, Paris-Nantes et Paris-Lyon, hors correspondances. Une version édulcorée qui désespère la député écologiste Delphine Batho, au micro de France inter. « La loi Climat, c’est l’échec de la dernière tentative de concilier écologie et productivisme (…) Cette loi est à mille années lumière de ce que disent les scientifiques ». « L’objectif concernant la fin de vente des véhicules polluants ne concerne au final qu’1 à 3 % des véhicules mis sur le marché », calcule pour sa part le Réseau Action Climat.
Publicité et engrais azotés toujours pas à la hauteur
Les députés ont aussi pris des mesures a minima sur la publicité. Ils ont interdit la publicité pour la « commercialisation et la promotion » des énergies fossiles. Mais ils ont refusé d’étendre l’interdiction à l’ensemble des produits polluants ou qui consomment ces énergies fossiles. Les députés ont toutefois assimilé le greenwashing à une « pratique commerciale trompeuse ». Ils ont aussi interdit, dans une publicité, « le fait d’affirmer à tort qu’un produit ou un service est neutre en carbone ». Ou d’affirmer qu’un produit ou service est « dépourvu de conséquences négatives sur le climat ». Et ils ont voté l’interdiction de « la publicité diffusée au moyen d’une banderole tractée par un aéronef » au 1er janvier 2022.
Les députés ont adopté la possibilité de taxer l’utilisation d’engrais azotés minéraux. « Il est envisagé de mettre en place une redevance sur les engrais azotés minéraux si les objectifs annuels de réduction de ces émissions (de -13% d’émissions d’ammoniac par rapport à 2005) ne sont pas atteints (en 2030) », indique le texte qui a suscité un vif débat. Tandis que les syndicats agricoles et quelques députés issus de circonscriptions agricoles ont dénoncé une « menace » qui risque « d’achever la filière”, les écologistes dénoncent une fois de plus l’absence de « portée normative” et une mesure encore revue à la baisse par rapport à celle de la Convention citoyenne pour le climat.
Barbara Pompili dénonce une « polarisation stérile »
Dans une tribune parue le 18 avril dans Le Monde, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, souhaite sortir d’une « polarisation stérile mais omniprésente dans les débats entourant le projet de loi Climat et résilience ». Elle serait le fait d’attentes trop ambitieuses de la part des ONG. Mais les ONG ne sont pas les seules à dénoncer le manque d’ambition du projet de loi climat en l’état. C’est aussi le cas des 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat, du CESE et du Haut Conseil pour le Climat.
Le projet de loi climat rend impossible en l’état l’atteinte des objectifs climatiques pour 2030.Le Réseau Action Climat conclut que « la communication du Gouvernement cachait une fois de plus la défense des intérêts de certains acteurs privés, éloignant ainsi encore un peu plus notre pays de la transition écologique juste, dont nous avons pourtant urgemment besoin ».
Désormais la question est la suivante : « quelle sera la direction prise par les sénatrices et sénateurs ?« , s’interroge France Nature Environnement. Une nouvelle journée de mobilisation nationale se tient le dimanche 9 mai pour inviter à relever l’ambition du texte lors de la première lecture au Sénat. Pour l’instant, la journée recense 131 événements.
Matthieu Combe