Ce mercredi, les jeunes militants étaient de retour Place Édouard Herriot pour convaincre les députés d’adopter des amendements ambitieux. Le tribunal administratif de Paris a en effet annulé mardi la nouvelle interdiction que Didier Lallement, le préfet de Paris, leur avait adressée. Reportage.
Mercredi, 17 heures. Place Édouard Herriot, une cinquantaine de jeunes discutent, masqués et sérieux. L’ambiance est plus proche du cours de sociologie que de la manifestation endiablée. « À la base, c’était une vanne. On n’était que cinq. On s’est dit on va devant l’Assemblée, on plante nos tentes et on y reste », se rappelle Hugo Viel, co-organisateur du rassemblement et membre de l’ONG CliMates. Depuis le 29 mars, lui et six de ses amis ont réussi à faire de cette place qui jouxte l’Assemblée nationale un lieu de débat autour de la loi climat dont ils souhaitent relever l’ambition.
Sur l’un des bancs de cette placette, les manifestants ont déposé une dizaine de pancartes. On y lit « no planet, no future », ou encore « loi Climat en détresse ». À l’instar des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat, ces militants pacifistes estiment que le projet de loi en discussion à l’Assemblée nationale n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique. Ils en attendent plus des députés, et ils sont bien décidés à le leur dire. Alors, ils ont décidé de se rassembler sur ce triangle de bitume, à l’ombre des platanes.
Place Édouard Herriot : plus qu’une lieu, un symbole
Chaque jour, ils échangent avec les parlementaires qui acceptent de se prêter à l’exercice. Plusieurs d’entre eux, députés de la majorité, de gauche ou écologistes, sont passés débattre. Il y a même eu des échanges houleux avec la Police lorsque le Préfet de Paris a interdit aux jeunes de se rassembler sur la Place durant deux semaines. Il a alors fallu redoubler d’ingéniosité. « Lorsque le préfet de police nous a retiré le droit de venir, on a fait des squats et du vélo autour de l’Assemblée ensemble », raconte amusée Stacy Algrain, acolyte d’Hugo Viel et fondatrice du média Penser l’Après. Ses grands yeux bleus rieurs pétillent à l’évocation de ce souvenir.
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Depuis, le tribunal administratif de Paris leur a rendu le droit de se rassembler place Herriot. L’eurodéputé Raphaël Glucksmann (Place publique) en profite pour venir. Dès son arrivée, un attroupement d’une trentaine de personnes se forme autour de lui. Le parlementaire est écouté religieusement. « En réalité, ce serait possible de reprendre le pouvoir aujourd’hui », leur lance-t-il avec vigueur. « Le pouvoir a changé de main », lui répond alors d’une voix franche un jeune homme au sweat-shirt gris et casquette à l’envers. Au même moment, ils sont une dizaine à discuter avec Manon Aubry. « Moi je pense qu’ils ne représentent plus le peuple », assène l’eurodéputée (LFI) en pointant l’Assemblée nationale voisine. Autour d’elle, l’auditoire acquiesce avec enthousiasme.
Aussi le lieu d’une sociabilité retrouvée
Autour du groupe central, trois trios bavardent. La Place Herriot est aussi le lieu d’une sociabilité retrouvée. « Se parler, se voir, se toucher, ça change tout. Ça fait une agora, on fait vivre la démocratie », constate Hugo Viel, ému. Loin du confinement, des liens se tissent. Avant, la plupart ne se connaissaient pas. Désormais, de nouvelles amitiés se créent. « On donne un nouveau sens à l’espace public. L’occuper pour en faire un espace de débat, c’est hyper fort », déclare Mathis, 19 ans. « On a même un groupe Telegram qui regroupe tous ceux qui sont venus ici, on est 101 maintenant », s’enthousiasme Charlotte, 18 ans. « Le fait d’être sur une petite place favorise les rencontres », reconnaît Grégoire, un autre militant de 23 ans venu débattre.
17h40. Au bout de la place, quatre policiers surveillent le groupe mais ne bougent pas. Hugo Viel commence à s’agiter nerveusement. Il sort son téléphone de sa poche à plusieurs reprises pour vérifier l’heure. Dans vingt minutes, tout le monde devra être parti sous peine de sanctions. « On ne veut pas de nouveau perdre le droit de se rassembler », avertit-il. 18 heures. L’organisateur disperse les troupes. À peine le temps pour Raphaël Glucksmann de prendre quelques photos et de saluer l’initiative de ces jeunes. « Ils ont, dans la joie, sauvegardé notre liberté et notre démocratie. Débattre avec les élus sur la place publique, c’est fondamental. » Il est 18h03, la place est de nouveau totalement vide. Ils savent qu’ils reviendront demain et une dernière fois vendredi pour un pique-nique végétarien avec les parlementaires. Ce pique-nique joyeux signera la fin de la première séance publique à l’Assemblée nationale, avant un retour le 4 mai, jour du vote en première lecture de la loi Climat.