L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté mardi 20 juillet le projet de loi climat. Comment cette loi va-t-elle changer vos habitudes ? Natura Sciences vous présente les principales mesures concrètes de ce texte vanté par le gouvernement comme un « tournant écologique« , mais vivement critiqué par les ONG pour son « manque d’ambition« .
Après de longs mois de débats et querelles politiques, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi « Climat et résilience » ce mardi 20 juillet. L’Assemblée nationale a largement le soutenu le texte par 233 voix contre 35, après un vote à main levée au Sénat. Députés et sénateurs étaient parvenus à se mettre d’accord sur un texte commun lors d’une commission mixte paritaire la semaine dernière.
Cette loi, qui s’inspire des travaux des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat, est vantée par le gouvernement comme « un tournant écologique« . Mais les ONG et associations environnementales dénoncent son « manque d’ambition« .
Interrogée mardi matin sur franceinfo, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a assuré que « cette loi va faire entrer l’écologie dans la vie des gens« . Mais comment, au juste ? Transport, éducation, logement… Natura Sciences vous présente les mesures concrètes de cette loi climat longuement discutée.
Logement
Si votre logement est considéré comme une « passoire thermique« , vous ne pourrez plus le louer dans quelques années. La performance énergétique d’un logement est évaluée selon une notation par lettres. Chaque lettre, allant de A à G, représente une « classe d’énergie« . Plus l’on s’éloigne de la classe A, moins votre logement est performant énergétiquement.
Les classes F et G regroupent les logements considérés comme « passoires thermiques« . On en compte près de 4,8 millions en France. Si votre logement est classé G, vous ne pourrez plus le louer à partir de 2025. En revanche, s’il est classé F, vous aurez jusqu’à 2028 pour réaliser une rénovation énergétique. Pour ceux qui ont un habitat classé E, vous pourrez le louer jusqu’en 2034. Enfin, pour les propriétaires de passoires thermiques, vous devrez réaliser des travaux de rénovation énergétique si vous souhaitez augmenter le loyer de votre logement en location. Et ce dès 2023.
Que vous soyez bailleur ou simplement propriétaire, de nombreuses aides sont proposées par l’Etat pour vous accompagner dans la rénovation énergétique de votre logement. Le ministère de l’Economie les liste sur son site internet. Parmi elles, l’aide « Habiter mieux sérénité » de l’Agence nationale de l’habitat. Destinée aux ménages dont les ressources sont modestes ou très modestes, elle peut atteindre jusqu’à 18 000 €.
Consommation
Les rayons de vos supermarchés vont un peu changer avec cette nouvelle loi. Vous verrez par exemple arriver un « éco-score » sur certains produits comme les vêtements. Vous connaissez déjà le « nutriscore« , qui permet de mesurer les bienfaits ou méfaits d’un aliment sur votre corps. Avec cet éco-score, vous pourrez évaluer l’impact environnemental d’un produit ou d’un service sur l’environnement. Pas sûr en revanche qu’il envahisse vos supermarchés tout de suite. La loi prévoit en effet une expérimentation sur le sujet, qui devrait se faire en 2022 ou 2023 selon le gouvernement. Cet éco-score sera ensuite uniformisé et rendu obligatoire.
Pâtes, céréales et même croquettes pour chien : la vente de produits en vrac fleurit depuis plusieurs années. Vous la verrez sûrement se développer dans vos supermarchés durant les neuf prochaines années. D’ici 2030, le gouvernement a pour objectif d’atteindre 20% de surface de vente consacrée à la vente en vrac dans les commerces de plus de 400 m2.
On les utilise pour les yaourts, les plats à emporter… A compter de 2025, vous ne trouverez plus d’emballages alimentaires à usage unique en polystyrène en faisant vos courses. La loi climat prévoit en effet leur interdiction à cette date. Enfin, si vous achetez un vélo, une tondeuse à gazon ou un autre engin de jardinage, les constructeurs auront l’obligation de vous fournir des pièces de rechange avec le produit neuf.
Publicité
Confortablement assis devant votre télévision, vous ne verrez bientôt plus de publicité en faveur des énergies fossiles. Le gouvernement les interdira dès le second semestre 2022. Et à partir de 2028, il étendra cette interdiction aux publicités pour les véhicules polluants. Les véhicules concernés sont ceux qui émettent plus de 123 grammes de dioxyde de carbone (CO2) par km. De quoi vous préparer à la fin de la commercialisation des véhicules à moteur thermique, prévue pour 2040 en France.
Votre collectivité territoriale prendra peut-être part à l’expérimentation « Oui pub ». Seuls les foyers ayant affiché sur leur boîte aux lettres cette étiquette recevront de la publicité. Jusqu’à 15 collectivités volontaires expérimenteront pendant 36 mois le dispositif. Enfin, vous verrez très vite apparaître l’impact climatique des produits dans les publicités. Il sera en effet obligatoire de l’indiquer, avec une application immédiate dans les secteurs de l’automobile et de l’électroménager.
Transports
La pollution de l’air, générée à 70% par la circulation des voitures, est responsable de 40 000 morts par an. La France a prévu de mettre fin à la vente de véhicules à moteur thermique en 2040. Mais elle interdira certains véhicules bien plus tôt. En effet, dès 2030, vous ne pourrez plus acheter de voitures émettant plus de 95 gCO2/km.
Si vous habitez dans une agglomération de plus de 150 000 habitants, votre lieu de vie deviendra une zone à faible émission mobilité (ZFE-m) d’ici 2025. L’exécutif prévoit la création de 33 nouvelles ZFE-m dans le pays. Si vous habitez dans l’une des 10 métropoles qui enregistrent des dépassements réguliers des valeurs limites de qualité de l’air, vous risquez de devoir changer de véhicule. Le gouvernement a en effet prévu des interdictions de circulation automatiques dans ces zones. Elles concerneront les véhicules Crit’Air 5 en 2023, Crit’Air 4 en 2024 et Crit-Air 3 en 2025.
Pour vous aider à changer de véhicule, un prêt à taux zéro sera expérimenté pendant deux ans à partir de 2023. Il sera destiné aux ménages les plus modestes qui vivent dans des ZFE-m. Ce prêt viendra compléter les aides déjà prévues comme la prime à la conversion ou le bonus écologique. Si vous souhaitez abandonner totalement la voiture, il sera possible de mettre un vieux véhicule thermique à la casse et de bénéficier d’une aide pour l’achat d’un vélo à assistance électrique.
Si vous êtes adepte de l’avion pour des courtes distances, vous allez devoir vous réhabituer au wagon-bar des TGV. Quand il existe une alternative en train en moins de 2h30, vous ne pourrez plus emprunter l’avion. Et ce à partir de mars 2022. Le gouvernement a cependant prévu une exception. Elle concerne les vols majoritairement empruntés par des passagers en correspondance vers une destination plus lointaine. En réalité, cette mesure concernera très peu de trajets. Les vols impactés seront ceux entre Orly et Nantes, Lyon ou Bordeaux.
Éducation
De la primaire au lycée, cette loi climat renforcera l’éducation de vos enfants et adolescents au développement durable. Un comité dédié dans chaque établissement programmera des activités de sensibilisation à l’environnement. Elles viendront compléter les projets déjà mis en place dans le milieu scolaire comme les éco-délégués et les sorties découvertes en pleine nature. Cette mesure entrera en vigueur dès la promulgation de la loi.
Si vos enfants mangent à la cantine de leur établissement, on devra leur proposer un menu végétarien au moins une fois par semaine. Et ce dès que la loi climat sera effective. Les cantines de l’Etat devront et des universités devront aussi proposer une option végétarienne dès 2023.
La justice serre la vis
Pour Cécilia Rinaudo, coordinatrice de l’association Notre Affaire à Tous, ces mesures ne permettront pas à la France de respecter ses objectifs climatiques. « Le gouvernement se contente une fois de plus de mesures symboliques », regrette la membre de cette association qui utilise le droit comme levier d’action climatique. Notre Affaire à Tous avait fait partie des associations à assigner l’Etat français en justice pour inaction face aux changements climatiques. En février, dans une décision historique, le Tribunal administratif de Paris avait reconnu la faute de l’Etat.
Le 1er juillet dernier, le Conseil d’Etat a donné neuf mois au gouvernement pour prouver que ses actions de lutte contre le changement climatique sont suffisantes. La France s’est engagée à réduire de 40% ses émissions de CO2 d’ici à 2030, par rapport à 1990. Mais elle devra bientôt revoir sa copie. En effet, dans le nouveau plan climat européen présenté le 14 juillet, l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de 55% d’ici à 2030.
Jérémy Hernando