Schisme de réalité, court-termisme, hypocrisie, irresponsabilité, avidité… les qualificatifs et les expressions ne manquent pas pour expliquer l’incohérence flagrante, et pourtant trop peu mise en évidence (mais est-ce bien surprenant?), entre objectifs climatiques et environnementaux d’une part, et politiques de développement économique d’autre part. Une bonne partie de l’incapacité des hommes à résoudre l’équation climatique et environnementale trouverait bel et bien des réponses dans une meilleure compréhension de la nature et de la psyché humaines. Mais laissons la nature humaine de côté pour l’instant et concentrons notre propos sur ce que nous proposons d’appeler le « paradoxe climatico-économique ».
Le développement économique se heurte inéluctablement aux limites physiques… D’un côté, la communauté internationale appelle à décrocher un accord “historique” sur le climat en décembre prochain à l’occasion de la 21ème conférence des parties (COP 21) afin de “sauver” le climat. Un “sauvetage” somme toute relative si l’on songe à la vitesse à laquelle ce réchauffement s’opère (contenir le réchauffement global en deçà de 2 degrés Celsius d’ici à 2100 implique une vitesse de réchauffement sans précédent), d’une part, et le seuil de 2°C fixé comme un objectif en soi à atteindre et dont les experts du GIEC ont tôt fait de rappeler qu’il comporte déjà des “risques considérables” pour les sociétés humaines, d’autre part. Notons au passage un point important : celui que l’accord climatique tant espéré fait la part belle aux émissions de gaz à effet de serre, et notamment les émissions de dioxyde de carbone, alors que la préservation d’un climat vivable requiert la préservation du « vivant », la biosphère, dans son intégralité : préservation des écosystèmes en place (océans, forêts, etc.), restauration des écosystèmes dégradés, préservation de la biodiversité des espèces (élargissement des zones d’exclusion commerciale dans le secteur de la pêche par exemple, limites à l’urbanisation croissante, etc.), préservation des ressources, et réduction des pollutions (lesquelles endommagent la vitalité des écosystèmes), enfin. En somme, il n’y a pas de climat vivable sans une limite à l’expansion économique. C’est tout le sens du propos mainte fois développé par le Club de Rome depuis le début des années 1970 dont les auteurs n’ont eu de cesse d’alerter les décideurs sur « les limites à la croissance » (traduction du célèbre ouvrage « The Limits to Growth »). Cette maîtrise de l’expansion humaine, que ce soit au travers de ses ponctions dans le capital naturel ou dans sa production de déchets (les émissions de gaz à effet de serre étant un déchet parmi d’autres) est au cœur du paradoxe climatico-économique.
D’un autre côté, tous les Etats restent engagés dans un combat économique acharné pour réduire le chômage et désendetter les économies (rien qu’entre 2007 et 2014, la dette mondiale a explosé de 57 000 milliards de dollars). Dans un système d’économie ouvert où la concurrence entre Etats et entreprises est mondiale et exacerbée, l’unique solution avancée pour répondre à ces objectifs consiste à tout mettre en œuvre pour faire croître les économies à un rythme suffisant. Suffisant pour palier aux effets du progrès technique, lequel a pour effet de nécessiter moins de main d’œuvre pour produire un bien dans une même unité de temps, et aux besoins engendrés par la croissance démographique (l’Inde doit par exemple générer 10 millions d’emplois chaque année pour absorber sa croissance démographique). C’est ainsi que les « besoins en croissance » varient selon le pays dans lequel on se trouve : rythme de l’innovation technologique et rythme de la croissance démographique sont deux des principaux facteurs du besoin de croissance.
Le « temps économique » d’imposer son rythme au « temps naturel »
Le problème fondamental posé par le « sauvetage du climat » est celui de la réconciliation entre ces deux univers : univers biologique ou univers du vivant, d’une part, et univers économique, d’autre part. Au cœur de cette réconciliation figure le « Temps ». L’univers biologique (le système terrestre) évolue selon son propre temps : un temps long et globalement stable nécessaire à la production des services éco-systémiques, à la reproduction des espèces, à l’absorption des pollutions et à la production de ressources (par exemple et schématiquement, on n’accélère pas la croissance des arbres ni la vitesse des photons qui tombent sur des panneaux photovoltaïques).
L’univers économique, lui, dans sa recherche d’expansion et de croissance (en allant conquérir des ressources toujours plus loin et profondément), stimule et se nourrit de l’accélération en visant la maximisation du temps (car le temps c’est de l’argent). Qu’est-ce qu’un gain de productivité, sinon que de produire plus dans une même unité de temps ou bien produire autant en moins de temps ? La thèse très concrète et pratique développée par le philosophe allemand Hartmut Rosa dans Accélération : une critique sociale du temps est que la « modernité tardive » (notre époque) est caractérisée par trois formes d’accélération : accélération technique (permise par le progrès technique dans les transports, les moyens de communication et de traitement de l’information, etc.), accélération du changement social, et accélération des rythmes de vie (ou « densification du temps »). Un exemple concret et récent d’une accélération des rythmes de vie est l’élargissement du travail du dimanche que la loi Macron prévoit d’instaurer : cette mesure s’inscrit dans la logique de densification du temps par une emprise croissante de l’univers économique sur le temps disponible, aux fins d’accroître la production (ou le PIB) ou de contribuer à « libérer l’économie » de ses contraintes.
Le besoin d’accélération des économies aboutit même à imposer le « temps économique » au « temps naturel » : il en va par exemple des techniques et pratiques déployées en élevage industriel pour faire grossir les porcs, poulets ou saumons dans un laps de temps plus court, ou encore des manipulations hormonales et génétiques utilisées pour faire croître des espèces vivantes plus rapidement.
Les économies modernes, et plus encore les systèmes financiers qu’elles ont engendrés (et qui s’appuient eux aussi sur l’accélération du progrès technique comme l’illustre par exemple le développement rapide du Trading Haute Fréquence), fonctionnent donc « hors sol », comme si elles pouvaient s’abstraire du temps naturel. Hors sol au sens ou les externalités environnementales qu’elles génèrent sont très largement et insuffisamment mesurées, facturées,… et payées. Or le carbone n’est que l’une de ces nombreuses externalités associées à l’expansion économique et humaine. Et s’il est déjà difficile d’imposer une tarification du carbone (soit au niveau des Etats soit au niveau d’industries ou secteurs particuliers), et même vain d’escompter un prix du carbone mondial et uniforme, c’est bien parce qu’une tarification du carbone réduit les « potentialités » économiques » ou la « croissance potentielle », tout du moins à court terme. D’une certaine manière, une telle tarification contribuerait à ralentir les économies en imposant une contrainte à leur expansion quasi naturelle (« un capitalisme sans croissance est une contradiction dans les termes » disait Schumpter). Débridée, la croissance accroît donc la « dette écologique » en dépassant toujours plus le rythme naturel. Seulement, plus l’endettement écologique grandit, et plus la probabilité d’un effondrement des écosystèmes – et par conséquent des productions industrielles – grandit elle aussi.
Lire aussi : L’effondrement de la civilisation occidentale
Une forme de croyance dans la « croissance économique » et le progrès technique a remplacé le vide créé par le « désenchantement du monde »
Un accord à l’issue de la COP 21 sera évidemment une très bonne nouvelle dans une période où les difficultés économiques ont malheureusement, et fort logiquement, accru la primauté de l’univers économique sur l’univers biologique. Mais quel que soit l’accord et son niveau d’ambition, il ne résoudra pas le problème fondamental du paradoxe climatico-économique consistant dans l’écart entre le temps biologique et le temps économique. Tout du moins tant que les décideurs qui prêchent pour un accord sur le climat seront ceux-là même qui continueront de concevoir la « gestion de notre maison » (« économie » en grec ancien) dans une forme d’urgence économique. Auquel cas il y a fort à parier que l’objectif de 2°C sera littéralement explosé au cours de ce siècle. L’accélération et l’expansion économiques engendrant effectivement une accélération de la dégradation de la biosphère (le rythme du réchauffement s’accélère, le rythme d’extinction des espèces s’accélère, etc.). Ceci appelle à d’autres réflexions sur la capacité des démocraties à gérer ce paradoxe et sur la capacité des systèmes économiques à financer rapidement la transition énergétique et écologique.
Nous parlions de la nature et de la psyché humaines au début de cet article. Les systèmes de croyances et les religions ont un rôle important à jouer. Avec la désacralisation ou le désenchantement du monde propre à la modernité, une nouvelle forme de croyance est apparue qui aurait supplanté, pour une part, les croyances religieuses. Il s’agit de la croyance dans la « croissance économique » et le mythe selon lequel le progrès technologique sauvera les hommes de leurs excès. Un extrait de Aliénation et accélération, de Hartmut Rosa, traduit bien cette idée : « L’accélération sert ainsi de stratégie pour effacer la différence entre le temps du monde et le temps de notre vie. La promesse eudémoniste de l’accélération moderne réside par conséquent dans l’idée (tacite) que l’accélération du « rythme de vie » est notre réponse (c’est-à-dire celle de la modernité) au problème de la finitude et de la mort ». Que le Pape François appelle dans une encyclique parue le 18 juin 2015 à une « véritable conversion écologique », soulignant les excès du « consumérisme » et du « relativisme », « cancer de la société », est tout un symbole.
Auteur : Vincent Pichon, spécialiste des questions de développement durable au sein d’une institution publique, contribution volontaire
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