Jeudi 21 octobre, La Poste présentait l’innovation Hipli en cours de déploiement pour les commerçants. La start-up Hipli développe une enveloppe réutilisable jusqu’à 100 fois pour réduire l’impact environnemental du e-commerce. Explications.
Va-t-on vers la fin des enveloppes en papier et des boîtes en carton pour les colis? C’est l’ambition de la start-up Hipli. Pour ce faire, elle propose aux acteurs du e-commerce de revoir leurs emballages d’expédition. L’idée est simple: l’acheteur commande sur internet en choisissant l’option de livraison Hipli. Le marchand envoie alors la commande dans l’enveloppe réutilisable de la start-up. Le client reçoit son colis, et il lui suffit alors de plier l’enveloppe, de la glisser dans sa pochette préaffranchie, comme un k-way, et de la renvoyer. Cette idée est née il y a deux ans. « On avait une idée en tête, celle de s’attaquer aux déchets générés par le e-commerce. Des colis qu’on utilisait une seule et unique fois nous semblaient complètement aberrants. Très concrètement, cela représente 137.000 tonnes de déchets, c’est considérable », explique Léa Got, cofondatrice de Hipli.
Pour mener à bien ce projet, la start-up a travaillé avec La Poste. Donc, aucun problème pour glisser la pochette de l’enveloppe repliée dans l’une des boîtes aux lettres jaune du groupe. « Avec La Poste, nous avons une position à la fois de leader et de responsabilité pour promouvoir toutes ces solutions d’éco-responsabilité, même si nous ne sommes pas nous-mêmes forcément producteurs de tous les colis et emballages », souligne Philippe Dorge, directeur général adjoint du groupe La Poste en charge de la branche services courrier-colis. « Pendant des mois, nous avons fait des tests pour pouvoir passer à grande échelle. Notamment pour que cela passe dans nos machines de tri, mais aussi pour la traçabilité dans les systèmes, ou encore pour la solidité de l’enveloppe et le cycle de retour. On a donc travaillé pour que cela puisse passer simplement dans la fente de n’importe quelle boîte aux lettres », explique-t-il.
Une enveloppe réutilisable jusqu’à100 fois
Une fois réceptionnée dans les entrepôts Hipli, situés au Havre, l’enveloppe est nettoyée, désinfectée, et son état est vérifié. Après sa remise en forme, elle retourne au commerçant qui pourra alors l’employer pour une autre livraison. En suivant ce processus, l’enveloppe est utilisable jusqu’à 100 fois, lorsqu’un carton ou une enveloppe ne connaît qu’une seule vie avant de terminer à la poubelle. Selon Hipli, lorsque leur enveloppe atteint ce taux de réutilisation, cela permet d’éviter 25 kg de carton. Une économie non négligeable alors que le nombre de colis expédiés entre novembre 2019 et novembre 2020 a augmenté de 50% selon Médiamétrie.
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Cet engouement pour l’e-commerce implique une augmentation de la production de papier et de carton pour les colis. « Au-delà du recyclage, il faut vraiment aller sur de la réutilisation. On a des solutions, mais il faut qu’elles passent à l’échelle, et c’est pour cela que nous avons travaillé avec ces producteurs d’emballages réutilisables », raconte Philippe Dorge.
Amoindrir l’impact carbone de nos colis
L’objectif d’Hipli revient à ne plus fabriquer ces enveloppes en papier ou du carton. « L’objectif est que le colis réutilisable devienne la norme de demain. Aujourd’hui on choisit un colis réutilisable lorsqu’on passe commande en ligne chez l’un de nos partenaires. Demain, ce qu’on aimerait, c’est qu’il faille cocher une case quand on veut un colis à usage unique », espère Léa Got.
D’après la start-up, leur solution « a moins d’impact qu’un carton dès la seconde utilisation ». Pour afficher ces chiffres, l’entreprise a fait une étude d’impact. Selon les chiffres qu’elle affiche en ligne, leur enveloppe représente 1,84 kg équivalent CO2, lorsqu’une enveloppe kraft en affiche 4,68 et un colis en carton 29,47. « Pour concevoir ce projet, on s’est entouré d’experts. On s’est entouré de Citéo, de l’Ademe, d’une agence spécialisée dans l’éco-conception. On a vérifié aussi, tout simplement, si c’était une vraie bonne idée sur le plan de l’impact », précise Léa Got.
Le concept ne fonctionne toutefois que si les clients jouent le jeu de renvoyer l’enveloppe. « Ce qui compte, c’est que les retours soient les plus importants possible pour avoir la réutilisation la plus massive possible », souligne la co-fondatrice.
L’ombre du plastique
Hipli affiche fièrement une baisse de 83% d’impact carbone, mais son enveloppe est fabriquée en polypropylène. « Elle est fabriquée en Bulgarie avec des billes plastiques grecques. Le nouveau colis rigide qu’on a lancé le 1er juillet dernier est fabriqué au Portugal avec la même matière première, mais cette fois-ci elle aussi portugaise », explique Anne-Sophie Raoult, co-fondatrice de Hipli. Le plastique étant une matière non biodégradable, contrairement au carton ou au papier, l’impact environnemental s’en trouve pénalisé. Cependant, pour Hipli, « tout ce qui ne dure pas est un problème plus important qu’un colis en plastique, qui sera massivement réutilisé« , peut-on lire sur leur site. « Tout est pris en compte dans notre ACV », assure par ailleurs Anne-Sophie Raoult.
Si l’enveloppe est vraiment réutilisée 100 fois ou plus, arrive un moment où elle devient trop dégradée pour continuer à être utilisée. À ce jour, aucune solution de recyclage, en fin de vie, n’est possible. « Pour l’instant on est 100% recyclable, mais pas recyclé. Pour la technique qu’on utilise dite du non-tissé, le recyclage est très très peu présent sur le marché, voire pas du tout en Europe. On étudie d’autres hypothèses et d’autres conceptions pour passer au recyclé. L’objectif est de continuer à s’améliorer », souligne la co-fondatrice.
Accessibles à tous?
« Aujourd’hui on a utilisé une offre qui était existante à La Poste, et qui plaçait notre colis à un tarif qui ne permettait pas d’être compétitif par rapport à usage unique. Mais grâce aux engagements de La Poste, ces tarifs baissent, donc nous pouvons aussi diminuer nos tarifs pour les rendre plus abordables », précise Léa Got. Aujourd’hui, l’enveloppe réutilisable Hipli coûte aux e-commerçants entre 1,65 et 1,95 euros en fonction des formats, pour chaque utilisation.
Pour l’instant, certaines marques prennent en charge ce coût supplémentaire, lorsque d’autres le facture aux clients, ce qui peut en refroidir certains. « Lorsque cela est proposé gratuitement, on est à 88% d’adoption. Lorsque l’option réutilisable est facturée 1 euro au consommateur, on est à 56%. Donc les gens la choisissent moins », déplore Léa Got. « On espère poursuivre cette baisse des tarifs. Ainsi, nos colis ne seraient pas seulement accessibles à des personnes sensibilisées ou des personnes qui en ont les moyens. On veut que cela soit abordable pour tous et que cela devienne la norme », explique-t-elle.
Pour l’instant, seuls les commerçants peuvent bénéficier de cette solution pour expédier des colis. Les particuliers ne peuvent donc pas se rendre à La Poste pour choisir ce mode d’expédition pour le moment. Anne-Sophie Raoult indique qu’il s’agit d’une solution « que nous souhaitons voir se développer et nous allons y travailler, c’est l’une des prochaines étapes du projet ».
Ouns Hamdi