Loïc Dombreval, député des Alpes-Martimes et l’un des dépositaires de la proposition de loi contre la maltraitance animale, confie à Natura Sciences ses réactions suite aux modifications du texte apportées par le Sénat. S’il reconnaît quelques avancées, il revendique son désaccord sur la place de la faune sauvage dans les cirques itinérants. Entretien.
Le Sénat a examiné et voté jeudi 30 septembre la proposition de loi contre la maltraitance animale du 29 janvier 2021. Toutefois, plusieurs mesures très attendues par les défenseurs de la cause animale subissent des modifications majeures. Le député Loïc Dombreval revient sur ces évolutions pour Natura Sciences.
Lire aussi : Au Sénat, la portée du texte contre la maltraitance animale recule
Natura Sciences : Les sénateurs ont étudié jeudi dernier la proposition de loi contre la maltraitance animale que vous avez déposée avec Laëtitia Romeiro et Dimitri Hourbon. C’est la première fois que les animaux sont au cœur des débats politiques au Sénat. Au-delà d’une avancée pour la cause animale, peut-on parler d’une victoire ?
Loïc Dombreval : On peut effectivement parler d’une première victoire puisqu’autant de temps a été passé à l’Assemblée nationale et au Sénat sur des questions liées à la condition animale. Maintenant, la vraie victoire, c’est quand la loi est votée. Or, elle ne l’est pas. Les sénateurs ont reculé par rapport à ce que nous avons voté à l’Assemblée. La victoire, c’est le résultat final. Et le résultat final, c’est qu’il y ait une amélioration des conditions de vie des animaux.
Des mesures que vous défendez dans votre livre « Barbaries », telles que la fin de l’exploitation sauvage dans les cirques et la fermeture des delphinariums, ont été modifiées. Suite à ce vote, vous êtes-vous entretenu avec les sénateurs ?
Certains d’entre eux m’ont appelé. Je pense qu’ils étaient extrêmement surpris de l’ampleur des messages envoyés sur les réseaux sociaux. Beaucoup se disaient outrés par le recul du Sénat. Ils ne se sont peut-être pas rendus compte qu’en remettant en question, par exemple, la faune sauvage dans les cirques, ils allaient heurter l’opinion.
Sur ce point, le Sénat a justifié le maintien des animaux sauvages dans les cirques car, selon le rapport législatif d’Anne Chain-Larché, « toute décision de fermeture d’établissement n’aboutira pas à une réduction du bien-être de l’animal ». Comprenez-vous cet argument ?
Je ne partage pas leur opinion. Ce n’est pas en laissant des animaux dans des camions et dans des cages à travers les routes de France que l’on va améliorer leurs conditions. Je ne vois pas très bien ce qu’ils veulent dire en disant ça. Je pense que ces animaux ne sont pas fait pour l’itinérance. On peut même se demander s’ils sont véritablement faits pour la sédentarité. Cet argument prouve bien que les sénateurs n’ont pas compris les enjeux. Ils n’ont pas compris non plus que de nombreux pays autour de nous ont commencé à interdire la faune sauvage dans les cirques. La France est en retard là-dessus. Avec ou sans la loi, il arrivera un jour où ces animaux auront disparu des cirques. Les gens ne veulent plus voir ça, car ce sont des spectacles anti-pédagogiques qui génèrent des souffrances chez l’animal.
Pourtant, en dépit de toute considération sur la maltraitance animale, les circassiens affirment que les spectacles sans animaux sauvages attirent moins de public …
Le problème avec les cirques c’est que l’on ne dispose d’aucun chiffre. Par exemple, quand vous leur demandez s’ils respectent la loi en identifiant électroniquement leurs animaux sauvages, ils vous répondent que oui. Cependant, ils ne le font pas avec une puce électronique, mais avec un cahier et un crayon. On ne connaît ni leur nombre d’entrées, ni le chiffre d’affaires qu’ils réalisent. Ce que je sais en revanche, c’est que la plupart des pays européens ont mis fin au dressage d’animaux sauvages. Est-ce que c’est une bonne idée, à l’heure où la biodiversité s’éteint, de montrer un singe sur un vélo ? Moi, je suis convaincu du contraire, ce n’est pas un spectacle pour les enfants.
« On ne va pas laisser passer cette occasion avec des demi-mesures »
Je pense que la relation que doit établir l’être humain avec la nature n’est pas une relation de prétendue domination. Ça a été important pour l’Homme de montrer à quel point il est supérieur à la nature pendant de très nombreuses années, mais évidemment c’est faux. Et en plus, ça n’a aucune forme d’intérêt. C’est même pire que ça. Ce sont de mauvais messages qui sont véhiculés, notamment auprès de notre jeunesse. J’observe par ailleurs que la jeunesse est la première à ne plus aller au cirque. Elle a de moins en moins envie de voir les animaux sauvages. Par contre, comme les enfants, j’adore les trapézistes, les clowns, les jongleurs. Il existe des spectacles extraordinaires dans les chapiteaux. Par contre, l’animal sauvage dans les cirques est pour moi une grande douleur, une peine. Et pas que moi, pour de plus en plus de gens.
L’Assemblée nationale a le dernier mot pour l’adoption définitive de la proposition de loi. Pensez-vous qu’elle cédera au Sénat ou, au contraire, restera-t-elle fidèle au texte ?
Il y a des lignes rouges. Celle des cirques en est une. Les delphinariums en sont une autre. Si on n’arrive pas à se mettre d’accord sur ces mesures ainsi que sur la vente d’animaux en animalerie, il y aura une deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Avec mes collègues, on ne baissera pas la garde sur ces points-là. Encore une fois, c’est une chance historique. On ne va pas laisser passer cette occasion avec des demi-mesures. Il faut rattraper notre retard.
Lire aussi : Les animaux sauvages dans les cirques itinérants divisent députés et sénateurs
Hormis ces grandes mesures, que manque-t-il au texte selon vous ?
J’aurais voulu qu’on arrête de vendre des animaux sur les sites Internet généralistes. On peut toutefois admettre que les dispositions qui ont été prises au Sénat concernant les animaux domestiques vont dans le bon sens et renforcent le texte. L’interdiction de ventes d’animaux en animalerie votée à l’Assemblée nationale aurait entraîné de gros problèmes [Selon les sénateurs, la vente d’animaux en animalerie favoriserait un trafic d’animaux NDLR]. Les sénateurs ont préféré une interdiction de les exposer en vitrine. Par contre, la stérilisation des chats dans les communes est un sujet sur lequel le Sénat ne va pas assez loin. Il faut que l’État, en plus des collectivités locales en partenariat avec les associations de protection animale, prennent des responsabilités sur les chats errants.
« Les associations ont un rôle majeur dans l’information qu’elles véhiculent »
Selon vous, la question de la maltraitance animale fera-t-elle partie des sujets centraux de l’élection présidentielle à venir ?
C’est absolument certain. Cela fait des années que je le dis. Il n’y aura pas un candidat à l’élection présidentielle qui ne présentera pas dans son programme des propositions sur cette question. Ça, je vous le parie !
Emmanuel Macron a visité un refuge de la SPA lundi dernier. S’agit-il d’une action pour sensibiliser les Français ou d’une stratégie électorale ?
Il faudrait lui poser la question. Ce que je sais, c’est qu’il y a dans l’actualité une proposition de loi contre la maltraitance animale, avec de vraies avancées. La quasi totalité des associations animales le confirment. Puis, il y a cette seconde actualité avec la journée mondiale des animaux, qui avait lieu le même jour. Ensuite, le président de la République semble considérer que c’est un enjeu important. Cela n’a pas toujours été le cas. Il faut être positif et se réjouir de ça. Nous l’avons convaincu. Il s’est rendu compte que c’est un vrai sujet de société. Pas un jour ne se passe sans que l’on en parle dans les médias ou les réseaux sociaux. En s’intéressant à ces questions, le chef de l’État s’adresse à une très forte partie de la population française. Donc tout cela va dans le bon sens.
Beaucoup d’associations organisent des manifestations et s’expriment sur ces sujets. Parviennent-elles à faire bouger les lignes ?
Oui bien sûr. Toutes les associations sont indispensables. Bien évidemment, je ne parle pas des associations extrémistes qui vont casser les vitrines des bouchers et insulter les éleveurs. Celles-ci sont contre-productives. Elles compliquent terriblement notre tâche, à nous, parlementaires. En revanche, toutes les autres ont un rôle absolument majeur dans l’information qu’elles véhiculent, dans l’appui qu’elles ont vis-à-vis des parlementaires, quand on doit prendre des dispositions. Elles sont essentielles à la protection effective des animaux.
Propos recueillis par Sophie Cayuela