Le Sénat a examiné et voté jeudi 30 septembre la proposition de loi contre la maltraitance animale du 29 janvier 2021. Toutefois, plusieurs mesures très attendues par les défenseurs de la cause animale subissent des modifications majeures. Parmi elles, le maintien des animaux sauvages dans les cirques constitue le principal objet de désaccord. Les députés n’entendent pas renoncer au texte initial, pendant que les circassiens se défendent.
Entre l’Assemblée nationale et le Sénat, les décisions vont à contre courant. La fin de l’exploitation des animaux sauvages dans les cirques figurait parmi les mesures phares de la proposition de loi contre la maltraitance animale déposée par les députés Loïc Dombreval, Laëtitia Romeiro Dias et Dimitri Hourbon. Or, les sénateurs redoutent « une réduction du bien-être animal » comme le souligne le rapport législatif de la sénatrice Anne Chain-Larché (LR). À l’instar des delphinariums, la fermeture des cirques avec animaux sauvages serait effective uniquement si « l’existence d’un manquement est avéré et que l’on est en mesure de faire mieux ». Les sénateurs précisent aussi « tenir compte des « capacités d’accueil en sanctuaire ou en refuge ». Une décision contestée par les députés et les associations animales.
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Ne pas revenir en arrière
« On a une ligne directrice, on ne renoncera en aucun cas à ces mesures, déclare la députée Aurore Bergé, présidente déléguée de La République en Marche (LREM) à Natura Sciences. On s’est battus pour une loi ambitieuse, on ne peut pas rester à la traîne de tous les pays européens ». S’exprimant elle aussi sur les modifications apportées concernant l’exploitation d’animaux sauvages dans les cirques, la députée affirme que les pratiques ont pourtant évolué. « Il faut que le cirque se réinvente. Un animal sauvage ne doit pas faire l’objet d’une distraction pour le public ». Elle confirme que l’État « accompagnera financièrement les institutions si la règle du jeu doit changer ». En attendant le retour du texte à l’Assemblée nationale, Aurore Bergé et Loïc Dombreval, confirment l’existence études scientifiques prouvant des besoins physionomistes pour l’animal.
Ces études scientifiques, Cyrille Emerey, délégué général de l’Association de défense des cirques de famille, les conteste. « Je mets au défi les individus qui se basent sur des études scientifiques pour justifier la maltraitance, s’exclame-t-il. Les animaux dans les cirques n’ont pas été capturés à l’étranger, ils vivent avec nous de générations en générations ». Il affirme que les espèces présentes dans ces spectacles témoignent d’un « comportement heureux ». Il dénonce dans le même temps les images relayées par les associations animales « La plupart sont mensongères. Les vidéos partagées sur Internet présentent des cirques de Russie ou d’Hongrie, tout sauf la France. Certaines montrent des ours sur un vélo, mais il n’y a pas d’ours dans les cirques français ».
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Insistant sur la différence entre les animaux sauvages et domestiques, Cyrille Emerey rappelle que le dromadaire est considéré comme un animal domestique. Il insiste en plus sur la place du cirque avec animaux dans les milieux ruraux. « On va tuer la profession. Il est économiquement démontré que les cirques animaux attirent plus de clients ». Se disant attentif aux prochaines décisions du Parlement, Cyrille Emerey reste satisfait de la proposition du Sénat. « Je remercie Anne Chain-Larché pour avoir visité des cirques alors que les autres n’ont pas eu cette idée ». Le délégué général cite notamment le député Loïc Dombreval. Selon lui, il aurait refusé l’invitation de Solovich Dumas, secrétaire général de l’association.
La mesure la plus attendue pour les défenseurs de la cause animale
Selon les personnes interrogées par Natura Sciences, dont Hélène Thouy, candidate à l’élection présidentielle pour le parti animaliste, l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques reste l’une des mesures les plus attendues. « C’est l’une des initiatives sur lesquelles les citoyens se sont mobilisés depuis longtemps« , témoigne la candidate. Même les spectateurs se rendent compte de ce qu’implique le dressage de ces animaux mis en détention ». Dénonçant une « pression des circassiens » sur les sénateurs, elle juge cette mesure comme un « symbole » de la proposition de loi votée à l’Assemblée nationale le 29 janvier dernier, tout comme Iris Douzet. « Les cirques qui exhibent des animaux sauvages doivent prendre leurs responsabilités, soutient la porte parole de PETA. l y a une vraie urgence à ce que cette proposition de loi soit effective ».
Le député des Alpes-Maritimes, Loïc Dombreval, a quant à lui exprimé à Natura Sciences son incompréhension sur cette suppression. « Je ne comprends pas ce point de vue. Cela prouve bien qu’ils n’ont pas compris les enjeux », a-t-il résumé. Affirmant qu’il n’existe aucune donnée sur le succès de ces spectacles d’animaux, il maintient que « la jeunesse est la première à ne plus aller au cirque ». Selon un sondage IFOP, et relayé par la fondation 30 millions d’amis, 72% des Français sont favorables à l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques. Désormais, et en vue de la présidentielle à venir, la captivité animale pourrait s’inscrire comme un sujet électoral. Les débats continuent.
Sophie Cayuela