La Commission Européenne a présenté à Bruxelles une proposition de loi pour enrayer la déforestation. Elle souhaite aller plus loin que l’accord signé par une centaine de pays lors de la COP26 à Glasgow. La stratégie de l’Europe consiste alors à verdir ses importations, en garantissant des produits non responsables de la dégradation des forêts.
La Commission Européenne le reconnaît. La déforestation lui est « imputable ». L’Union Européenne a présenté, mercredi 17 novembre, de nouvelles initiatives pour lutter contre la destruction des forêts. Les mesures adoptées doivent également permettre d’innover pour la gestion durable des déchets et assainir les sols. Cette proposition de loi vient à la suite du Pacte vert pour l’Europe, présenté par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, en décembre 2019.
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L’Union Européenne deuxième importateur de matières premières liées à la déforestation
« Quand les Européens consomment, les forêts se consument« , a déclaré Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France. Une phrase faisant écho aux dernières observations scientifiques. Sur chaque rapport publié, les chiffres alertent. Parmi eux, la dernière étude du WWF reste formelle. « Les importations de l’Union européenne représentent 16% de la déforestation liée au commerce mondial. Cela fait d’elle la deuxième destructrice mondiale de forêts tropicales derrière la Chine et devant les Etats-Unis. ». Parmi les produits importés se trouvent toute une liste de matières premières, comme le bœuf, le soja, le café, le cacao, le bois, ainsi que leurs dérivés. La première place revient à l’huile de palme, « premier vecteur de déforestation » selon le WWF.
Les conséquences sur la nature et les écosystèmes restent alors nombreuses. « La déforestation se fait principalement en Indonésie, en Malaisie, mais aussi avec de nouveaux fronts de déforestation qui arrivent dans le Bassin du Congo, prévient Romain Deveze, expert en matières premières au WWF Suisse. C’est souvent dans ces endroits où la déforestation atteint son paroxysme, en plus des forêts, souvent tropicales. Celles-ci abritent de grands habitats naturel pour de grandes espèces comme l’orang-outan ». Sans préciser de données exactes sur l’impact de sa propre politique, la Commission Européenne rappelle via un communiqué que « le monde a perdu 420 millions d’hectares de forêts, une superficie plus vaste que celle de l’Union européenne », entre 1990 et 2020.
Garantir des produits non responsables de la déforestation
Pour enrayer la déforestation et mieux protéger la nature, la Commission Européenne propose de nouvelles règles. Elle envisage d’imposer sur son marché des produits qui « ne participeraient pas à la déforestation et à la dégradation des forêts dans le monde ». Cela signifie que seuls les produits conformes à la législation seraient autorisés. Un « système d’évaluation comparative » serait alors mis en place par l’Union pour évaluer le risque de dégradation forestière causé par le produit présenté. Cette évaluation de conformité prendra également en compte le respect des droits de l’Homme. L’attention sera particulièrement mise en avant sur la protection des peuples indigènes et des communautés locales. Ces dernières restent fortement impactées par les problématiques environnementales et la déforestation.
Mais l’Europe ne compte pas agir seule. « La Commission intensifiera le dialogue avec d’autres grands pays consommateurs et s’engagera de façon multilatérale pour que les efforts soient conjugués », précise un communiqué de Bruxelles. Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la perte de la biodiversité, la Commission Européenne a l’intention de promouvoir la consommation de produits « zéro déforestation ». Cette initiative passera, selon la proposition de loi, par un travail sur le partenariat avec les pays producteurs, « en offrant de nouveaux types de soutien et d’incitations en matière de protection des forêts, d’amélioration de la la gouvernance et le régime foncier » ainsi que sur les techniques agricoles utilisées sur les sols forestiers.
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Malgré des efforts considérables, des lacunes semblent persister
Reconnaissant des efforts et des « mesures fortes » de la part de l’Europe, les ONG environnementales observent quelques lacunes. « La législation ne doit pas se limiter aux forêts et assurer dès maintenant la protection des autres écosystèmes naturels (savanes, prairies, tourbières, etc.) » a réagi le WWF lors de la publication du texte de loi. Elle maintient que l’Union Européenne est « responsable » de leur destruction. Pour le justifier, elle s’appuie sur l’exemple des importations de soja d’Amérique du Sud. En 2018, 23% d’entre elles provenaient du Cerrado, l’un des écosystèmes les plus menacés au monde.
Le WWF déplore également que la mise en marché des produits ne contribuant pas à la déforestation ne n’appliquerait qu’à une liste fixe (soja, huile de palme, cacao, café, boeuf et bois). « Si les règles s’appliquent au bœuf, elles doivent s’appliquer pour le poulet. Si elles s’appliquent au soja et au café, elles doivent s’appliquer pour le caoutchouc, le maïs, le sucre, etc. » signale l’ONG. « Il faut aller plus loin », exige Greenpeace.
Enfin, sur le respect des droits de l’Homme, le WWF souligne qu’aucune mention de protection des peuples dépendants des écosystèmes ne figure sur le projet de législation. « Nous comptons sur le Parlement et les Etats membres pour renforcer la proposition de la Commission et garantir que la législation inclue tous les produits concernés et protège tous les écosystèmes », a déclaré Véronique Andrieux. Une responsabilité « particulièrement forte » est par ailleurs attendue pour la France, en temps que future présidente de l’Union Européenne.
Sophie Cayuela