Pour rappeler son engagement envers la protection des forêts d’Afrique Centrale, la ville de Paris a organisé une conférence intitulée « Initiative de Paris pour la préservation des forêts d’Afrique centrale » ce mercredi 6 octobre à l’Hôtel de Ville. À cette occasion, ministres, maires, experts et scientifiques sont revenus sur le rôle majeur des peuples autochtones pygmées dans la conservation du Bassin du Congo. Leurs droits ne sont pourtant pas reconnus par leur pays d’origine.
On les nomme « les gardiens de la forêt ». Les peuples autochtones, et plus précisément les Pygmées, joueraient bel et bien un rôle dans la conservation des forêts d’Afrique centrale, lourdement menacées par le réchauffement climatique. Experts, spécialistes et représentants sont revenus sur l’enjeu de leur protection au cours d’une table ronde ce mercredi 6 octobre, organisée à la Mairie de Paris. La conférence « Initiative de Paris pour la préservation des forêts d’Afrique centrale » mettait en avant la lutte pour la préservation des écosystèmes pour laquelle la ville de Paris s’est engagée en faveur du climat. « Le sort et l’avenir des forêts d’Afrique centrale ne sont jamais loin de nous, a déclaré Anne Hildalgo, maire de Paris (PS), lors de la plénière d’ouverture. Ils conditionnent nos vies quel que soit l’endroit où l’on habite sur la planète ». Ainsi figurait au programme l’intégration des peuples autochtones, problématique majeure du bassin du Congo, deuxième forêt tropical du globe.
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Les Pygmées en « première ligne de la protection des forêts »
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La République démocratique du Congo (RDC), qui recouvre la majorité du bassin du Congo, a perdu 490 000 hectares de forêt primaire en 2020, selon le rapport Global Forest Watch 2020. Il s’agit de la superficie la plus élevée du monde après le Brésil, dont la déforestation et les incendies ont détruit 1,5 million d’hectares. Si ces territoires sont activement menacés par les activités humaines, les communautés locales figurent aussi parmi les premières victimes de la crise climatique. Pourtant, leur engagement dans la préservation des espaces forestiers demeure capital. « Les peuples autochtones sont en première ligne de la protection des forêt » rappelle Geneviève Garrigos, conseillère de Paris et déléguée au maire du 20ème arrondissement. Mais ils sont menacés, harcelés, voire assassinés par ceux qui détruisent les forêts », alerte Geneviève Garrigos.
Pour préserver ces forêts primaires, la RDC investit dans des solutions de conservation et de lutte contre le réchauffement climatique, telle que l’amélioration des pratiques agricoles. En effet, l’agriculture itinérante et la demande en bois de chauffage constituent les premiers facteurs de réduction du bassin du Congo. S’ajoute à cela la création d’aires protégées et de parcs naturel, dont la plupart ont été crées « ces vingt dernières années« , selon Bertille Mayen Ndiong, spécialiste de gouvernance et politique publique.
Un peuple menacé
Toutefois, ces aires protégées intègrent des interventions humaines pour exploiter certaines ressources naturelles, telles que le miel, le bambou, le bois ou les plantes médicinales. Ceci constitue un problème majeur pour les communautés pygmées, dont les terres ancestrales sont parfois « polluées au profit des aires protégées et des parcs nationaux », selon Patrick Saidi, coordinateur de la Dynamique des PACDF (Projet d’appui aux communautés dépendantes des Forêts). Les communautés locales se retrouvent alors chassées de leurs propres terres. « L’autochtone fait partie de cet écosystème, insiste Patrick Saidi. Le priver de cet écosystème, c’est remettre en question son identité, son mode de vie, et ce serait le condamner à une extinction lente et programmée« .
Victimes de discrimination, les Pygmées sont exclus de leur propre territoire, dans un objectif de conservation des forêts. Ils participent pourtant à la préservation de l’écosystème. Blair Byamum Kabonge, représentant de population autochtone de la RDC, donne un exemple précis. « Aujourd’hui, dans la réserve de faune à Okapis, beaucoup d’Okapis sont en captivité pour des raisons scientifiques. Mais pour les nourrir, on fait appel aux peuples autochtones, car ce sont eux qui détiennent les connaissances sur l’alimentation et le mode de vie de la biodiversité« . Il précise que, sans l’intervention des Pygmées, certains savoirs seraient encore ignorés.
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Les droits des Pygmées ne sont ni reconnus, ni garantis
Ces aires protégées n’empêchent pas l’exclusion juridique des peuples autochtones. Blair Byamum Kabonge, représentant de population autochtone de la RDC, a témoigné de leurs difficultés d’intégration lors de cette table ronde. « Les communautés locales ne sont pas vraiment respectées par rapport à la justice environnementale » raconte-t-il. Au sein des parcs naturels, les activités quotidiennes des Pygmées restent autorisées par la loi. Ils peuvent par exemple accéder aux soins, à la prière, à l’éducation et à l’alimentation. Mais leurs droits ne sont ni reconnus ni garantis dans aucune législation congolaise.
Depuis longtemps, ces communautés se battent pour la reconnaissance de leurs droits culturels, fonciers, forestiers et environnementaux. « Cela fait fait dix ans que l’on travaille sur la mise en place de lois spécifiques pour la promotion de ces peuples », détaille Patrick Saidi. Et ce combat commence tout juste à porter ses fruits. Le 7 avril dernier, une proposition de loi proposant la promotion et la protection des droits des peuples autochtones pygmées a été votée à l’Assemblée nationale de RDC. Elle prévoit notamment la reconnaissance de leur communauté, la protection contre toute forme de discrimination, l’application de droits civils, politiques, culturels. Cette proposition de loi est actuellement à l’étude au Sénat. Elle est perçue comme « historique » pour le pays, selon l’ONG Agir ensemble pour les droits humains. « Les peuples autochtones pygmées ne sont pas considérés comme égaux au reste de la population majoritaire » précise-t-elle par voie de comuniqué. Grâce au rôle des Pygmées dans la conservation des forêts, la sécurisation des terres autochtones permet également la protection du Bassin du Congo et des écosystèmes. Si la proposition de loi est adoptée par le Sénat, elle devra être promulguée par le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshiesekdi.
Sophie Cayuela