Le troisième débat de la primaire de la droite et du centre a rappelé les positions traditionnelles de la droite sur le nucléaire et l’environnement. De quoi saborder la loi de transition énergétique pour la croissance verte, l’une des rares avancées environnementales du quinquennat.
La question de Flora, étudiante en psychologie, posée via Facebook était pourtant simple. Suite à l’élection de Donald Trump, climato-sceptique connu, « comment maintenir une politique environnementale qui soit claire à l’échelle européenne et à l’échelle internationale? ». Dès lors, les candidats se sont perdus dans des explications perturbantes.
Si les Etats-Unis dénoncent l’accord de Paris, Nicolas Sarkozy et François Coppé proposent une taxe carbone de 1 à 3 % à l’entrée de l’Europe pour les produits provenant des Etats-Unis. Mais plus globalement, ils proposent une taxe similaire pour l’importation de produits provenant d’autres pays du monde, « dès lors qu’ils sont plus carbonés que les produits européens ». Une bonne idée afin de compenser aux frontières de l’Europe l’existence du marché ETS , mais complexe à mettre en oeuvre.
Ce dispositif nécessiterait la majorité qualifiée des Etats Européens. En effet, il relève de négociations commerciales internationales, selon une le think-thank la Fabrique Ecologique. Nathalie Kosciusko-Morizet répond à cette proposition : « Pour pouvoir imposer des droits douaniers sur les produits des pays qui ne mènent pas de politiques environnementales, il faut être crédible, c’est-à-dire avoir une politique nationale interne de qualité » et « ne pas professer des opinions climato-sceptiques ». La candidate tacle alors Sarkozy sur ses déclarations récentes où il remettait en cause la part de l’Homme dans le réchauffement climatique.
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Non, sortir du nucléaire n’augmente pas le charbon!
Evidemment Sarkozy ne répond pas à cette attaque. Il montre alors sa méconnaissance des questions environnementales, distillant des idées reçues sur le nucléaire. S’il est élu, il souhaite poursuivre le développement de la filière nucléaire « qui est une filière propre », mais aussi supprimer le principe de précaution au profit d’un principe de responsabilité. « Si nous sommes le pays d’Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre, c’est parce que nous avons une filière nucléaire qui fait notre honneur, qui a fait l’objet d’un consensus de tous les présidents de la Ve [République], à l’exception de Monsieur Hollande », vante-t-il. Non, la France n’est pas le pays le moins émetteurs de gaz à effet de serre en France. Selon l’Insee, chaque français émettait 7,35 tonnes de CO2 en 2013. C’est moins qu’un Allemand )11,43 tonnes), mais plus qu’un suédois (5,9 tonnes).
Réduire la part du nucléaire et diversifier le mix énergétique? Très peu pour lui. Car suite à la sortie du nucléaire programmée pour 2022, « les Allemands viennent de rouvrir toutes leurs centrales à charbon, qui envoient leurs particules jusqu’à Paris qui nous inondent ». Une contre-vérité évidente, lorsque l’on sait que les Allemands n’ont récemment construit aucune nouvelle centrale à charbon. En Allemagne, la fermeture des réacteurs et la baisse de la production nucléaire ont entraîné un recul de production d’origine nucléaire de 51,7 térawattheures (TWh) entre 2008 et 2014. En parallèle, entre 2008 et 2014, la production à base de charbon a perdu 15,6 TWh. Celle à base de gaz a perdu 30,8 TWh. Le fioul a perdu 3,7 TWh, lorsque la production à base de lignite a augmenté de 5,2 TWh.
Au global, entre 2008 et 2014, la production à base d’énergie renouvelable et la hausse de l’efficacité énergétique (94 TWh) ont pleinement permis de contrebalancer la diminution de la production nucléaire et la baisse des énergies fossiles (93,6 TWh). Dire que le recours au charbon augmente en Allemagne est donc faux. Dire que cette hausse est due aux énergies renouvelables l’est encore plus !
Non, le nucléaire n’est plus l’énergie la plus compétitive
François Fillon rejoint Nicolas Sarkozy sur le nucléaire. Sa priorité sera de fermer toutes les centrales à énergies fossiles et de les remplacer par des énergies renouvelables. Mais en maintenant les centrales nucléaires. Diminuer la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75% à 50% en 2025? Une ineptie pour lui. Car « le nucléaire est un avantage compétitif pour l’économie française ». Une approximation encore hasardeuse. « Certaines installations d’énergies renouvelables ont aujourd’hui des coûts inférieurs à ceux des nouveaux réacteurs nucléaires et comparables à ceux des réacteurs existants », recense une autre note de la Fabrique écologique. Voici la nouvelle réalité que les candidats à la Présidentielle doivent désormais prendre en compte.
François Fillon propose de moderniser le nucléaire, mais de ne « surtout pas arrêter des centrales ». Il ajoute : « On ne ferme pas Fesseinheim, on ne ferme aucune centrale tant que l’Autorité de Sûreté nucléaire ne demande pas la fermeture de ces centrales, il n’y a aucune raison de le faire ». Il semble donc que François Fillon soit passé à côté de plusieurs rapports. 7 réacteurs sont actuellement à l’arrêt jusqu’à début janvier, suite à la détection d’anomalies sur les générateurs fabriqués dans l’usine Areva du Creusot. Une mise à l’arrêt qui pourrait engendrer des coupures d’électricité cet hiver.
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Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com