L’élection de Donal Trump à la présidence américaine inquiète les négociateurs. Climato-septique et pro-énergie fossile, sortira-t-il de l’Accord de Paris? Sa politique énergétique devrait remettre en cause la transition vers les énergies fossiles, au profit du charbon, du pétrole et des gaz de schistes américains.
Durant la campagne électorale américaine, Donal Trump n’a pas caché son climato-scepticisme. Pour lui, le réchauffement climatique est un « canular », une invention du gouvernement chinois pour affaiblir l’économie américaine. Il ne s’est pas non plus caché de vouloir annuler l’Accord de Paris, signé à l’occasion de la COP21. Car pour lui,« cet accord donne à des bureaucrates étrangers le contrôle sur la façon et la quantité d’énergie que nous pouvons consommer dans notre pays » et sa mise en oeuvre tuerait l’emploi et le commerce. Cette perspective inquiète les négociateurs présents actuellement à Marrakech pour la COP22 jusqu’au 18 novembre.
L’Accord étant entré en vigueur le 4 novembre 2016, Donald Trump ne pourra pas « dénoncer l’Accord de Paris » et « il ne peut pas empêcher sa mise en oeuvre », a affirmé Ségolène Royal sur RTL le 9 novembre. Il pourra en revanche s’en retirer. Pour cela, la procédure est longue et compliquée, puisque le texte proscrit toute sortie de l’accord sur une période de trois ans, à quoi il faut ajouter une année de préavis. Mais dans les faits, l’Accord n’étant pas juridiquement contraignant, rien n’empêche les Etats-Unis de rester dans les négociations mais simplement de ne pas respecter leurs engagements.
Les négociations climatiques dans la tourmente
David Levaï, chercheur en coopération internationale sur le climat à l’IDDRI et ancien membre de l’équipe française de négociations chargé du suivi du Gouvernement américain, veut néanmoins rester optimiste. « Pendant les négociations de la COP21, l’ambassadeur de France à Washington estimait qu’en cas d’administration Trump, les Etats-Unis seraient sur un strapontin pendant quatre ans dans les négociations, confie-t-il. Ils se marginaliseraient comme le Canada l’a fait avec le Gouvernement Harper pendant un certain nombre d’années, mais cela n’empêcherait pas le reste du monde de se mettre en ordre de bataille ».
La situation est donc complexe, mais la lutte contre le changement climatique continue actuellement à la COP22 de Marrackech. Et elle continuera, avec les Etats-Unis, de près ou de loin. « Il va falloir redoubler de combativité pour gagner la bataille contre le climat, prévient la ministre de l’environnement. Il va falloir être extrêmement vigilant et riposter à chaque fois que des tentatives seront faites pour affaiblir cet accord ».
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Trump et sa politique pro énergies fossiles
Outre ses positions sur le réchauffement climatique, Donald Trump a donné quelques pistes sur ce que sera sa politique énergétique. Celle-ci visera à augmenter l’extraction et la production des énergies fossiles et à assouplir les normes. Il compte bien annuler plusieurs réglementations prises par l’administration Obama. Contrairement à son prédécesseur, Trump pourra compter sur le soutien du Congrès, à majorité républicaine, pour ne pas freiner ses réformes.
Durant la campagne, Trump a annoncé qu’il dérégulerait le secteur énergétique et assouplirait la réglementation qui pèse sur l’extraction des énergies fossiles aux Etats-Unis. L’objectif : exploiter au maximum les énergies fossiles présentes dans le sous-sol terrestre, mais aussi en milieu marin, y compris en Arctique. « Trump, largement considéré comme un partisan important de l’industrie du pétrole et du gaz naturel, rejettera probablement toute tentative écologiste de freiner la production nationale de combustibles fossiles », estime le cabinet d’analyses S&P Global Platts. Le futur président américain devrait finalement autoriser TransCanada à construire le pipeline Keystone XL, alors que l’administration Obama l’a rejeté fin 2015, après des années de débat. Ce pipeline reliera le Canada au Golfe du Mexique pour transporter les sables bitumineux de l’Alberta vers les raffineries américaines.
Stopper l’efficacité énergétique
Trump annulera probablement les efforts visant à instaurer de nouvelles normes d’émissions de gaz à effet de serre pour les raffineries de pétrole. Il pourrait également affaiblir les normes futures de consommation de carburant pour les voitures et les camions. Malgré tous ses efforts futurs pour faire rebondir la demande en pétrole, la transition est néanmoins en marche. « Les gains d’efficacité déjà en place dans le parc automobile américain devraient déjà réduire la demande d’essence de 500.000 barils par jour d’ici 2020 », tempère S&P Global Platts.
Trump n’est pas fondamentalement contre les énergies renouvelables. En revanche, il compte bien laisser le marché décider quelles technologies sont dignes d’intérêt. Il pourrait ainsi mettre fin aux aides qui accompagnent le développement des énergies renouvelables. « Par exemple, une réduction du crédit d’impôt à l’investissement à 10%, contre 30% actuellement, réduirait la demande d’installation solaire de 60% », estime S&P Global Platts. David Levaï tempère ces prévisions. « Lorsque l’on dit quelque chose en campagne, on ne le concrétise pas forcément. On voit bien que toute l’économie s’est tournée vers les énergies renouvelables. Ce n’est pas dit qu’une adminitration Trump veuille vraiment remettre ça en cause », analyse-t-il.
Supprimer les normes environnementales
Trump a promis de démanteler, ou du moins réduire très fortement le pouvoir de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) qui, selon lui, crée « des normes à tout-va » et freine l’économie. Il devrait, par exmple, abandonner ou au moins affaiblir les efforts de l’EPA pour réglementer les émissions de méthane provenant des activités pétrolières et gazières. Il compte aussi annuler les règlements de l’administration Obama qui visent à freiner la pollution de l’industrie du charbon. Les anciennes centrales au charbon les plus émettrices de gaz à effet de serre pourront rester en activité.
Enfin, Trump aura le pouvoir de nommer entre un et trois juges à la Cour suprême pour influencer les décisions concernant les règlements environnementaux, si le Sénat approuve ces nominations. « Cela pourrait façonner l’équilibre idéologique de la cour pendant des décennies », prévient S&P Global Platts, car ces juges sont nommés à vie. Trump affectera aussi des postes clés à la tête de l’EPA, du Département de l’Energie et d’autres agences qui prennent des décisions touchant l’énergie.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com