Le Conseil d’État avait ordonné au Gouvernement de « prendre toutes mesures utiles » pour respecter ses engagements climatiques d’ici le 31 mars 2021. Un mois après l’échéance, l’État défend son bilan climatique dans un mémoire de 18 pages. Mais les ONG déplorent l’absence de nouvelle mesure pour baisser plus rapidement les émissions de gaz à effet de serre.
Plus d’un mois après l’échéance, le Gouvernement a apporté une réponse au Conseil d’État, saisi par la commune de Grande-Synthe en novembre 2020. En juillet dernier, la Haute juridiction administrative avait donné un délai de neuf mois au Premier ministre pour « prendre toutes mesures utiles » concernant ses objectifs climatiques. Suite à l’Accord de Paris signé en 2015, la France s’est engagée à baisser ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40% d’ici 2030 par rapport à 1990.
Au lieu du 31 mars, le Gouvernement a finalement envoyé un dossier de réponse le mercredi 4 mai. Jusqu’à présent, le Ministère de la Transition écologique avait justifié son droit de ne pas répondre. « Si les plaignants ne demandent pas formellement au Conseil d’État l’apport de preuves par l’État lui-même, ce dernier n’est pas censé en apporter », avait indiqué le cabinet de Barbara Pompili à Natura Sciences le 31 mars dernier.
Pas de nouvelle mesure communiquée
En réponse à la décision de justice, le Gouvernement a détaillé dans un mémoire de 18 pages les mesures adoptées et annoncées depuis le début du quinquennat. Loi Egalim, loi Agec, Convention citoyenne pour le climat, Programme d’investissement d’avenir (PIA)… La liste s’allonge, mais semble contraster avec la demande du Conseil d’État. La Haute juridiction administrative a enjoint au Gouvernement d’adopter des « mesures supplémentaires » pour respecter ses engagements climatiques.
Après consultation de cette réponse, les ONG déplorent l’absence de prise en compte du chiffrage des mesures adoptées. « Ce mémoire dresse en réalité la liste des mesures déjà prises par le gouvernement, alors que leur application ne permettra pas à l’État d’infléchir suffisamment sa trajectoire d’émission de gaz à effet de serre pour qu’elle soit compatible avec l’Accord de Paris » , a réagit dans un communiqué le collectif L’Affaire du siècle.
Des mesures « ni chiffrées ni planifiées »
Au-delà des mesures utiles, les ONG relèvent dans les éléments de réponses des annonces qui n’ont pas fait l’objet d’une adoption parlementaire. « Beaucoup de ces mesures ne sont que des annonces, comme les plans d’investissements ou la constructions de nouveaux EPR. Elles ne sont ni chiffrées ni planifiées », réagit Elise Naccarato, responsable de campagne Climat Sécurité Alimentaire chez Oxfam France.
Emmanuel Macron a annoncé la construction de nouveaux EPR le 10 février dernier à Belfort. « Ce sont des installations qui ne seront pas prêtes d’ici 15 ou 20 ans », ajoute Justine Ripoll, chargée de campagne pour Notre Affaire à Tous. Or, le temps est compté pour l’Etat. Dans le cadre d’une autre affaire, celle de l’Affaire du siècle, « le Tribunal Administratif de Paris a donné jusqu’au 31 décembre à l’Etat pour agir, rappelle Elise Naccarato. Le temps des promesses et des paroles est révolu ».
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Le gouvernement affirme que les objectifs climatiques seront respectés
Le Gouvernement s’appuie de son côté sur un argument chiffré pour justifier le respect de ses engagements climatiques. « La France n’a jamais réduit aussi rapidement ses émissions de gaz à effet de serre », rapporte le mémoire. Cette affirmation s’accompagne de quelques données. Celles-ci soulignent que les émissions de GES auraient diminué de « -4,1 % en 2018, -1,9% en 2019 et -9,4% en 2020 ».
Selon le Gouvernement, les estimations de l’outil Citepa témoigneraient de cette même tendance pour l’année 2021. Il ajoute également qu’« une étude menée début 2021 a montré que la réduction des émissions de gaz à effet de serre permise par le train de mesures engagées depuis 2017 permettra d’atteindre l’objectif fixé ». Or, cette étude en question n’est pas sourcée.
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De leur côté, les ONG démentent cette affirmation. « Les émissions vantées par le gouvernement sont en grande partie dues aux restrictions liées au Covid, comme l’a montré le Haut Conseil pour le climat. On constate un rebond dès 2021 », ajoute Elise Naccarato.
Rehausser les ambitions climatiques
À la fin de son résumé, le Gouvernement admet néanmoins qu’il reste « un long chemin à parcourir pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ». Suivant les objectifs climatiques européens, revus à la hausse au printemps 2021, « la France demandera un nouveau doublement du rythme de réduction d’émissions de GES pour la décennie à venir ». Par conséquent, les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) du Gouvernement connaîtront, eux-aussi, une réévaluation. Pour Justine Ripoll, ce sont surtout les décisions de justice qui vont « contraindre à rehausser les ambitions » de l’Etat.
Face à l’urgence climatique, les ONG attendent des mesures supplémentaires, en dépit des actions réalisées depuis 2017. « Même en appliquant toutes les mesures proposées par le programme d’Emmanuel Macron, celles-ci ne permettent pas de remettre la France sur une trajectoire climatique compatible avec l’Accord de Paris« , souffle Elise Naccarato.
Les études fournies par les ONG ainsi que le Haut Conseil pour le Climat confirment que les mesures déjà existantes ou prévues « ne constituent pas un véritable outil de pilotage permettant d’atteindre les objectifs climatiques de la France ».
Ainsi, le collectif L’Affaire du siècle, constitué de quatre ONG, regrette un manque de rapidité dans la lutte contre le réchauffement climatique. « On ne dit pas que le gouvernement n’a rien fait mais plutôt qu’il propose des solutions qui sont de l’ordre de pas de fourmis alors qu’on a un marathon à courir », formule Justine Ripoll pour Notre Affaire à Tous.