Le changement climatique pourrait forcer jusqu’à 216 millions de personnes à quitter leur région d’ici 2050. En cause, le manque d’eau disponible ou une production agricole insuffisante. L’urgence appelle à diminuer fortement les émissions de gaz à effet de serre dès maintenant.
« Le changement climatique est un moteur de migration de plus en plus puissant« , notent des experts de la Banque Mondiale dans un rapport publié lundi. Ils relèvent « l’urgence à agir » alors que « les moyens de subsistance et le bien-être humain sont de plus en plus mis à rude épreuve« .
D’ici 2050, l’Afrique subsaharienne pourrait compter jusqu’à 86 millions de migrants climatiques, l’Afrique du Nord, 19 millions. L’Asie de l’Est et le Pacifique pourraient en recenser 49 millions, l’Asie du Sud, 40 millions. L’Europe de l’Est et l’Asie centrale en recenseraient alors 5 millions, l’Amérique latine, 17 millions. Cela donne « une estimation mondiale » pour les pays pauvres, explique Juergen Voegele, vice-président de la Banque mondiale chargé du développement durable dans le rapport. Les 216 millions représentent « près de 3% de la population totale » de ces régions, précisent les auteurs du rapport.
Ce chiffre pourrait s’aggraver. En effet, la Banque mondiale ne comptabilise pas les migrants d’Amérique du Nord, des pays riches d’Europe ou du Moyen-Orient. Pourtant, des catastrophes climatiques y sévissent déjà et devraient s’y amplifier.
Agir pour éviter la multiplication des migrants climatiques
Mais il est toujours temps d’éviter cette catastrophe. « Si les pays commencent maintenant à réduire les gaz à effet de serre, les écarts en matière de développement, à restaurer les écosystèmes vitaux et aider les gens à s’adapter, la migration climatique pourrait être réduite d’environ 80%, à 44 millions de personnes d’ici 2050« , explique Juergen Voegele.
Lire aussi : Climat : les déplacements forcés franchissent un nouveau record en 2020
À l’inverse, sans action décisive, il y aura « des points chauds » de migration climatique, met-il en garde. Il y aura alors des répercussions importantes pour les régions d’accueil, souvent mal préparés à recevoir de nombreux migrants supplémentaires.
« La trajectoire des migrations climatiques au cours du prochain demi-siècle dépend de notre action collective sur le changement climatique et le développement au cours des prochaines années« , conclut Juergen Voegele, appelant à agir « maintenant ».
« Toutes les migrations ne peuvent pas être évitées« , note-t-il par ailleurs. Mais en les gérant bien, « les changements dans la répartition de la population peuvent faire partie d’une stratégie d’adaptation efficace, permettant aux gens de sortir de la pauvreté et construire des moyens de subsistance résilients« , dit-il.
Des « points chauds » à considérer
Le rapport évoque le cas de l’Afrique du Nord, où la question de la disponibilité en eau constitue le principal moteur de la migration interne.Le manque d’eau pousse ainsi les populations des zones non côtières et de l’intérieur à partir, « ralentissant la croissance démographique dans les points chauds d’émigration climatique le long de la côte nord-est de la Tunisie, la côte algérienne, l’ouest et le sud du Maroc, et les contreforts centraux de l’Atlas déjà soumis à un stress hydrique« .
En Égypte, les parties orientale et occidentale du delta du Nil, y compris Alexandrie, pourraient devenir des « points chauds » de départs de population en raison à la fois de la diminution de la disponibilité de l’eau et de l’élévation du niveau de la mer. Au contraire, Le Caire, Alger, Tunis, Tripoli, le corridor Casablanca-Rabat et Tanger pourraient devenir « des points chauds d’influx migratoire« .
Sans surprise, la plus grande menace des effets du changement climatique plane sur les régions les plus pauvres et vulnérables. Ses effets pourraient anéantir les progrès en matière de développement réalisés ces dernières décennies.
Matthieu Combe avec AFP