En 2020, les déplacements forcés de population ont atteint de nouveaux records sous l’effet du changement climatique et des conflits. Les personnes devant se déplacer à l’intérieur de leur pays sont désormais deux fois plus nombreuses que les réfugiés se déplaçant hors de leurs frontières d’origine. Une catastrophe qui se déroule loin des caméras.
Fin 2020, 55 millions de personnes vivaient en déplacement au sein de leur pays, suite à un déplacement forcé. « Ce chiffre est le plus élevé jamais enregistré », alerte le Rapport mondial sur le déplacement interne, réalisé par l’Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC) et le Norwegian Refugee Council (NRC). Un record de 48 millions de personnes dans 59 pays vivaient encore en déplacement interne suite à des conflits. Au moins 7 millions de personnes vivaient encore déplacées à cause d’une catastrophe naturelle. Désormais, les déplacés internes sont deux fois plus nombreux que les 26 millions de réfugiés qui ont dû traverser une frontière internationale pour tenter de se mettre à l’abri.
Ce nouveau record risque bien d’être encore sous la réalité, explique Alexandra Bilak, la directrice de l’IDMC. La pandémie a en effet rendu difficile la collecte des données et a pu inciter plus de gens à éviter les refuges de peur de s’infecter. En plus, elle a aggravé la situation socio-économique de ces déplacés. « Ce nombre pourrait croître encore plus au fur et à mesure que les pays s’enfoncent dans la crise », avertit-elle.
40,5 millions de nouveaux déplacements internes en 2020
Tout au long de l’année, les conflits et catastrophes ont entraîné 40,5 millions de nouveaux déplacements internes dans 149 pays et territoires. C’est 7,1 millions de plus qu’en 2019 malgré les restrictions aux déplacements liées à la pandémie de Covid-19. Cela signifie que chaque seconde,au moins une personne dans le monde se voit obligée de fuir.
Durant l’année, les trois quart de ces nouveaux déplacements internes étaient dues à une catastrophe naturelle et en particulier des phénomènes météorologiques extrêmes. Heureusement, les déplacements pour cause de catastrophes naturelles sont généralement momentanés. Les déplacés reviennent en général assez rapidement chez eux pour reconstruire. Mais il n’en va pas de même pour ceux qui fuient la guerre ou les violences. Leur exil est en général beaucoup plus long. C’est ainsi que si les déplacements pour cause de catastrophes naturelles constituent la plupart des déplacements durant l’année 2020, à l’heure du bilan de fin d’année qui fait un point à date de la situation mondiale, les conflits figurent de loin en tête des causes de déplacements.
Des catastrophes naturelles amplifiées par le changement climatique
Le rapport fait le point sur les nouveaux déplacements dus aux catastrophes naturelles en 2020. En tête, plus de 5 millions de personnes ont été forcées à se déplacer en Chine, près de 4,5 millions aux Philippines, 4,5 millions au Bangladesh et 3,9 millions en Inde. Cyclones, moussons, pluies torrentielles et inondations ont frappé des zones densément peuplées en Asie et dans le Pacifique. Une exceptionnelle saison des ouragans dans l’Atlantique a également forcé les gens à fuir pour se mettre à l’abri. Au Moyen-Orient et en Afrique sub-saharienne, les pluies prolongées ont fait des ravages.
Lire aussi : 2020, année la plus chaude à égalité avec 2016
« Nous ne pouvons que nous attendre à ce que l’impact futur du changement climatique ne rende ces événements catastrophiques plus fréquents et plus violents, et par conséquent de voir le nombre de personnes déplacées internes encore augmenter », prédit Alexandra Bilak, la directrice de l’IDMC.
Des conflits qui seront aussi aggravés par le changement climatique
En plus, quelque dix millions de personnes déplacées internes qui ont été forcée de fuir à cause de conflits ou d’explosions de violence, comme la guerre au Tigray, une région éthiopienne en proie à un conflit dévastateur, des attaques de jihadistes dans le Nord du Mozambique ou au Burkina Faso. Les guerres sans fin comme en Syrie, en Afghanistan ou dans la République démocratique du Congo continuent elles aussi à forcer les gens à fuir en nombre et souvent pour longtemps.
Lire aussi : Le réchauffement climatique multiplie déjà les maladies
95% des déplacements liés à des nouveaux conflits se sont produits dans des pays vulnérables au changement climatique. « Le changement climatique et la surexploitation des ressources naturelles pourrait aggraver l’instabilité et les conflits et provoquer des déplacements forcés », ajoutent les ONG. Voici encore une raison supplémentaire s’il en fallait pour s’attaquer d’urgence à la crise climatique.
Matthieu Combe avec AFP