En Europe il y a deux semaines et en Chine ces derniers jours, des épisodes de pluies exceptionnelles ont causé des inondations dévastatrices. Selon plusieurs bilans nationaux encore provisoires, 280 personnes y ont péri. S’il n’est pas possible de faire un lien direct entre chacun de ces événements météorologiques et le changement climatique, le réchauffement de la planète les rend bien de plus en plus en plus probables.
« Cette inondation dépasse notre imagination, quand nous voyons ses effets », a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel mardi 20 juillet. Elle venait rencontrer les sinistrés et les secouristes à Bad Münstereifel, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, suite à des crues monstres.
Des inondations dans de nombreux pays européens
Le même jour, la Belgique rendait hommage aux victimes des inondations du 14 et 15 juillet, dans l’est du pays et la région de Liège, en décrétant une journée de deuil national. Dans la semaine du 14 juillet, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la France, la Suisse et le Luxembourg ont connu des cumuls de pluie exceptionnels. Vendredi 16 juillet, treize départements français étaient placés en vigilance orange « crues ». 17,1 million de personnes habitent dans des zones exposées à des inondations par débordement ou cours d’eau dans notre pays.
Ces derniers jours, des précipitations record ont frappé Zhengzhou, la capitale de la troisième province de la Chine, le Henan. Partout dans les rues, des torrents de boue se sont déversés. Ce sont les pires intempéries survenues dans la région depuis le début des relevés météorologiques il y a 60 ans.
Et la situation pourrait encore empirer. L’est de la Chine a été touché ce dimanche par le typhon In-Fa, au moment où le pays commence à nettoyer les dégâts de ses inondations dévastatrices. Cette tempête tropicale a atteint la région du port de fret de Ningbo, dans la province du Zhejiang. Des rafales de vents soufflant jusqu’à près de 137 km/h ont été mesurées. L’agence météorologique chinoise estime que le typhon va provoquer des pluies intenses dans l’est pendant plusieurs jours. Certaines d’entre elles toucheront des régions déjà sinistrées par les crues.
De lourds bilans humains et matériels
180 personnes ont trouvé la mort lors de ces inondations en Allemagne, et le bilan est toujours provisoire. C’est la plus grande catastrophe climatique dans la région depuis 100 ans. En Belgique, le bilan est de 37 décès. Au moins 51 personnes sont mortes en Chine, et les recherches se poursuivent. La province du Henan où ont lieu ces inondations est la troisième de Chine en termes de population. Elle compte près de 100 millions d’habitants.
Les autorités municipales chinoises ont annoncé que ces pluies diluviennes ont causé pour plus de 8,5 milliards d’euros de dégâts ce vendredi 23 juillet. Côté allemand, le directeur général de la Fédération allemande des sociétés d’assurances (GDV) a déclaré que les pertes assurées pourraient atteindre de 4 à 5 milliards d’euros. En Belgique, on attend encore un première estimation des dégâts.
Une lien avec le changement climatique
Jeudi 22 juillet, la chancelière allemande Angela Merkel a réitéré son appel à « accélérer » la lutte contre le changement climatique. En se rendant dans l’ouest du pays, la chancelière avait déjà appelé le 18 juillet à plus de rapidité. Elle avait alors assuré que « l’addition de tous les événements auxquels nous assistons en Allemagne et la force avec laquelle ils se produisent, tout cela laisse penser (…) que cela a un lien avec le changement climatique. »
« En l’état actuel de la science, il est très difficile d’attribuer un événement précis au changement climatique. » C’est ce qu’estime le chercheur François Gemenne, membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dans Le Soir. Mais l’évolution de ces événements climatiques correspond à ce que les météorologues prévoient comme conséquence de l’élévation des températures. Ils s’appuient pour cela sur la loi de Clausius Clapeyron.
Cette loi relie la quantité maximale de vapeur d’eau que peut contenir l’atmosphère et la température de cette dernière. Elle prévoit, pour chaque degré Celsius supplémentaire, une augmentation de 7% de la quantité totale de vapeur d’eau dans l’atmosphère. Les systèmes météorologiques qui régissent notre climat sont ainsi de plus en plus chargés en eau. Ils peuvent donc causer de plus grosses pluies.
Dans un article publié en juillet 2020 dans la revue Nature, le professeur Günther Blöschl est revenu sur les inondations en Europe depuis 500 ans. Il a conclut que, si la période actuelle n’est pas unique dans l’histoire de l’Europe par l’abondance des phénomènes de crues et d’inondations, elle est unique par sa température.
Les effets du changement climatique de plus en plus visibles
Ces inondations sont à mettre en lien avec d’autres événements météorologiques extrêmes favorisés par le changement climatique. Fin juin, le Canada et les Etats-Unis ont dû faire face à une vague de chaleur extrême. Au Canada, la ville de Lytton a battu le record maximal de température. On y a enregistré une température de 49,6°C. Une autre vague de chaleur a touché l’Ouest des Etats-Unis moins de trois semaines plus tard.
Un groupe de chercheurs internationaux a estimé que cette première vague de chaleur aurait été « presque impossible » sans le changement climatique. Plus récemment, une vague de chaleur similaire a touché l’Espagne. Le thermomètre affichait 44°C à Séville le 11 juillet.
Dans un rapport apocalyptique qui a fuité dans la presse le 23 juin, le groupe d’experts climat de l’ONU (GIEC) alertait sur la multiplication d’événements météorologiques extrêmes en raison du changement climatique. Selon ce rapport, des catastrophes météorologiques simultanées pourraient frapper certaines régions et presque toutes les zones côtières. Ces régions sont l’est du Brésil, l’Asie du Sud-Est et la Chine centrale. Inondation, canicule, sécheresse, cyclone, incendies… Trois ou quatre de ces phénomènes pourraient toucher en même temps ces territoires.
Jérémy Hernando