Pour la journée internationale des droits des femmes, lumière sur les impacts du dérèglement climatique sur les femmes des pays émergents. Renforçant les inégalités de genre et durcissant les conditions de vie quotidienne, ces impacts restent difficilement pris en compte sur les territoires touchés. Ces femmes, alors plus vulnérables, s’affichent souvent en arrière plan des décisions politiques locales.
Le constat est clair. Plus les années défilent, plus le changement climatique rend les femmes vulnérables, notamment dans les pays émergents. Selon l’ONU Femmes, les situations les plus marquantes se trouvent dans le pourtour méditerranéen, en Asie occidentale, dans de nombreuses parties de l’Amérique du Sud, et de l’Afrique, ainsi que l’Asie du Nord-Est. « Les femmes représentent la majorité des pauvres dans le monde et dépendent davantage des ressources naturelles menacées », affirme le Dr. Balgis Osman-Elasha, scientifique de haut niveau dans une chronique rédigée pour les Nations Unies. Un contexte très présent dans le secteur de l’agriculture.
Les communautés agricoles durement touchées
Pour Verona Collantes, spécialiste intergouvernementale à l’ONU Femmes, les dérèglements climatiques touchent le plus durement les femmes qui « dépendent fortement de la terre pour leurs moyens de subsistances ». En effet, les deux premiers volets du 6e rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sont formels. Le réchauffement climatique entraîne la dégradation des terres suite à la multiplication des inondations, de la sécheresse ou du stress thermique.
Pour le secteur de l’agriculture, ces impacts entraînent alors une hausse des prix des denrées, ainsi qu’une insécurité alimentaire accrue. « Dans les sociétés rurales et agricoles des pays en développement, les femmes sont nombreuses à s’occuper de l’agriculture, de la production alimentaire, de la collecte d’eau et de combustible, explique Verona Collantes. Femmes et filles devront consacrer davantage d’heures et de jours à l’agriculture et devront faire face à la diminution des rendements agricoles ».
Ces rendements, plus faibles, affectent alors la distribution de la nourriture au sein des ménages, puisque les hommes ont« la priorité sur les femmes », selon la spécialiste. « En Afrique de l’Ouest et en zone rurale, traditionnellement les femmes et les hommes ne détiennent pas les mêmes rôles et les mêmes responsabilités au sein des ménages et de l’exploitation agricole », confirme à son tour Camille Le Bloa, chargée de mission pour l’Agence Française de Développement (AFD). Les inégalités, déjà très présentes sur le continent africain ou en Asie du Sud Est, se creusent alors davantage.
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Les femmes « moins mobiles » que les hommes
Le réchauffement climatique, qui atteindrait +2,7°C à la fin du siècle si les engagements pris par la communauté internationale étaient tenus, selon les estimations de l’ONU, n’est pas le seul responsable de la vulnérabilité renforcée de ces femmes. « Malheureusement, aucun pays n’aborde systématiquement les droits, les besoins, la voix et l’action des femmes et des filles dans sa politique sur le changement climatique, déplore Verona Collantes. Il s’agit simplement d’efforts plutôt passifs qui ne rendent pas justice au leadership des femmes et des filles dans les actions climatiques, au niveau des ménages ».
Ce manque de considération semble alors affaiblir davantage la situation de ces femmes, n’ayant pas eu, pour la plupart d’entre elles, accès à l’éducation. Leurs besoins ne sont pas toujours pris en compte dans les décisions locales et leur taux de survie se montre « plus faible en cas de catastrophe naturelle », selon la spécialiste.
Des femmes davantage exposées aux risques
En plus de cela, leur mobilité plus restreinte les expose à un plus grand risque en cas de tsunamis, de cyclone ou de séisme. « Dans beaucoup d’endroits, il est beaucoup plus difficile de courir, de nager, de grimper quand on est une femme qu’un homme car ce sont des choses qu’elles n’ont pas apprises », rappelle Camille Le Bloa. L’adaptation au changement climatique reste alors plus problématique que celle des hommes.
« Les déplacements induits par le climat créent souvent des conditions propices à la violence sexiste et à d’autres violations des droits de l’homme, comme le harcèlement sexuel ou les violences physiques », ajoute Verona Collantes. À titre d’exemple, l’experte revient sur le cyclone Nargis de 2008 au Myanmar. Les femmes vivant dans les zones touchées par le cyclone ont subi « une augmentation des incidents de violence sexuelle et domestique, de prostitution forcée et de trafic sexuel ». Ainsi, les catastrophes liées au climat peuvent augmenter les risques de violence sexiste, notamment en raison d’une diminution de qualité et de disponibilité des services de santé.
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Un rôle important dans la lutte climatique
Et pourtant, les femmes jouent bel et bien un rôle dans la lutte contre le changement climatique. Le rapport du Giec le reconnaît bien. « L’efficacité de la prise de décision et de la gouvernance est renforcée par l’implication des parties prenantes locales, en particulier (…) les femmes (…) dans la sélection, l’évaluation, la mise en œuvre et le suivi des instruments politiques pour l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets sur les terres. » C’est pourquoi des institutions mondiales, tels que les Nations Unies, l’AFD ou encore les récentes discussions à la COP26, visent à canaliser des efforts de sensibilisation pour promouvoir une « politique climatique sensible à la dimension de genre » ainsi que le « leadership des femmes dans les négociations sur le changement climatique ».
Dans les pays les plus vulnérables, les femmes se transmettent les savoirs ancestraux dans divers domaines. C’est par exemple le cas dans l’agriculture, la gestion de l’eau ou encore la conservation de l’énergie. Selon une étude de la Banque mondiale, les femmes chercheraient ainsi davantage que les hommes à développer des actions concrètes pour leurs communautés face au changement climatique. « Les femmes ne sont pas seulement les victimes des changements climatiques, prévient le Dr. Balgis Osman-Elasha. Elles peuvent aussi agir activement et efficacement et promouvoir les méthodes d’adaptation et d’atténuation ».
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Des négociations en cours
Face à ces constats, l’ONU Femmes, guidée par le Plan d’action de la Convention Cadre des Nations Unies (CCNUCC), multiplie les initiatives afin d’intégrer les perspectives de genre au changement climatique. Le Pacte de Glasgow, adopté en novembre 2021 encourage « les Parties à accroître la participation pleine, significative et égale des femmes à l’action climatique et à garantir une mise en œuvre et des moyens de mise en œuvre tenant compte de la dimension de genre, qui sont essentiels pour accroître l’ambition et atteindre les objectifs climatiques ».
Pour parvenir à une égalité entre les genres, plusieurs mécanismes multilatéraux de financement du climat font des propositions. Ainsi, le Fonds vert pour le climat, le Fonds pour l’environnement mondial et le Fonds d’adaptation, exigent que les propositions de projet internationaux reflètent les perspectives de genre. Parmi les nombreuses initiatives mises en œuvre par les organisations mondiales, Verona Collantes précise que d’autres efforts sont également « déployés par les banques régionales, nationales et locales et d’autres institutions financières« . Des projets sont ainsi menés pour faciliter l’accès des femmes et des filles au financement climatique. En parallèle, l’ONU Femmes travaille notamment avec les gouvernements dans le but de « s’assurer de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes ». Un défi de taille, dans la lutte contre le réchauffement climatique.