Malgré les différents points de blocage, les pays en développement et émergents ont finalement accepté la déclaration finale de la COP26. Mais à l’heure du bilan, il faut constater que les pays riches n’ont cédé sur quasiment aucun point. L’enveloppe des 100 milliards de dollars reste inchangée, un accord sur l’article 6 de l’Accord de Paris est finalement adopté.
Après treize jours entièrement dédiés à la COP26, les dirigeants se sont finalement accordés sur une déclaration collective. Lors d’un passage express au sommet mondial du climat le 5 novembre dernier, Laurent Fabius, ancien président de la COP21, a alerté sur trois points de blocage majeurs : la limite des températures à moins de 2°C, l’article 6 de l’Accord de Paris et l’aide de 100 milliards de dollars envers les pays émergents. S’ajoute à cela, depuis quelques jours, la réduction des énergies fossiles. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le texte proposé par la présidence britannique après de laborieuses négociations, reprend sans changement l’appel aux États membres à relever leurs engagements de réduction d’émissions plus régulièrement que prévu dans
l’accord de Paris, et ce dès 2022, mais avec la possibilité d’aménagements pour « circonstances nationales particulières« .
L’enveloppe des 100 milliards inchangée pour les pays du Sud
La promesse financière envers les pays émergents sème toujours la discorde entre les dirigeants mondiaux. Les moins responsables du réchauffement sont également, et souvent, les plus exposés aux impacts climatiques. Les pays industrialisés n’ont pas respecté l’aide de 100 milliards de dollars promise en 2009. Cette somme devait être atteinte en 2020. Il manquait encore 20 milliards de dollars avant l’ouverture de la COP26.
Considérant l’enveloppe de 100 milliards déjà obsolète, les pays émergents insistaient pour la relever. Les calculs du groupe Afrique demandent alors jusqu’à 1.300 milliards par an. Cette aide financière devrait aider les pays du Sud dans l’adaptation au changement climatique, en prenant en compte « les préjudices » qu’ils subissent déjà. Les pays en développement avaient notamment mis sur la table une proposition pour créer un mécanisme spécifique de prise en compte des « pertes et préjudices« , c’est-à-dire les dommages déjà causés par les impacts ravageurs des tempêtes, sécheresses et canicules qui se multiplient. Mais les États-Unis notamment s’opposaient à une telle prise en compte
spécifique. Le texte final ne fait pas évoluer l’enveloppe financière et ne crée pas de mécanisme spécifique. Le compromis adopté met en place un « dialogue » annuel jusqu’à 2024 pour « discuter des modalités pour le financement des activités« .
Limiter les financements « inefficaces » aux énergies fossiles
Alors qu’elles ne sont pas mentionnées dans l’Accord de Paris, les énergies fossiles figuraient au cœur des négociations à Glasgow. Pour la première fois, les mots « combustibles fossiles » et « charbon » apparaissent dans la décision adoptée. Nommer enfin charbon et pétrole s’est fait dans la douleur, l’Inde et la Chine parvenant au dernier moment, dans la salle même où devait résonner le coup de marteau final, à atténuer encore la formulation en « réduction » au lieu de « sortie » du charbon, poussant un Alok Sharma en larmes à présenter ses excuses au monde.
Le texte adopté appelle finalement à « intensifier les efforts vers la réduction du charbon sans systèmes de capture (de CO2) et à la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles ». La captation du carbone, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ne convainc pas toujours les écologistes. « Tout fonder sur ces technologies [de captation carbone] serait une erreur », a déclaré Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, lors d’une conférence de presse. Lors du dernier jour de la COP26, la France s’est engagée à ne plus financer les énergies fossiles à l’étranger.
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Le projet final appelle également les États membres à relever leurs engagements de réduction d’émissions et ce dès 2022. Mais cette question reste contentieuse, puisque certains pays restent encore producteurs ou dépendants du charbon pour leur production d’énergie. Jeudi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a fustigé « les promesses (qui) sonnent creux quand l’industrie des énergies fossiles continue de recevoir des milliers de milliards de subventions (…) ou quand des pays continuent à construire des centrales à charbon ».
Pressions autour de l’article 6
L’article 6 de l’accord de Paris concernant le fonctionnement des marchés carbone empêchait de conclure le « manuel d’utilisation » de l’accord de Paris. Un accord a finalement été obtenu à Glasgow pour définir les conditions dans lesquelles les gouvernements peuvent échanger des réductions d’émissions pour aider à atteindre les objectifs climatiques. Le texte témoigne de toute son importance, puisqu’il pourrait stimuler un marché de crédits carbone déjà en expansion. Aujourd’hui, les mécanismes de compensation séduisent de plus en plus les entreprises à fort impact environnemental.
Le texte adopté permet de « combler certaines des failles scandaleuses, comme le double comptage », qui permettrait à une tonne de CO2 d’être comptabilisée à la fois par l’acheteur et le vendeur, a commenté Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris. « Mais ce n’est pas suffisant pour empêcher les entreprises et les Etats de mauvaise foi de contourner le système« , a-t-elle indiqué à l’AFP, réclamant un organe de surveillance de la mise en œuvre de ces marchés. Clara Alibert de Caritas France voit l’accord sur l’article 6 comme « un moindre mal » et explique que l' »on a évité le pire« .
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Vers un réchauffement de 2,7°C
« L’humanité ne sera pas sauvée par les promesses! », s’est exprimée Vanessa Nakate, jeune militante ougandaise lors de la COP26. Si des engagements se sont multipliés ces derniers jours, les 1,5°C visés par l’Accord de Paris sont loin d’être atteints. Fin septembre dernier, Antonio Guterres a alerté sur un réchauffement “catastrophique” de 2,7°C d’ici la fin du siècle.
La COP26 se démarque pourtant comme un sommet crucial pour imiter « en deçà des 2 °C », voire à 1,5°C, la hausse des températures en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle. Mais certains pays n’ont toujours pas déposé leurs Contributions nationales déterminées (CDN). Celles-ci étaient pourtant demandées avant le 30 juillet 2021. À ce jour, 151 pays ont rendu leurs contributions, sur 191 signataires. Il n’est pas improbable que les négociations entre les pays membres se prolongent pendant la nuit.
Sophie Cayuela avec AFP