Un récent rapport prévoit un développement important du solaire et de l’éolien dans le monde d’ici 2040. Ce qui va fortement faire reculer la part du charbon, sans pour autant la faire disparaître. D’ici là, les émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique auront baissé de 4%, très loin des besoins pour respecter l’Accord de Paris.
Dans son rapport New Energy Outlook 2017, Bloomberg New Energy Finance (BNEF) prévoit une augmentation de la demande électrique mondiale de 58% entre aujourd’hui et 2040. Soit une hausse de 2% par an. Les investissements nécessaires pour accompagner le développement des nouveaux modes de production s’élèvent à 10,2 billions d’euros d’ici 2040. En tête, la Chine et l’Inde apporteront respectivement 28% et 11% du total. Surtout, ce sont les énergies renouvelables qui tireront leur épingle du jeu. Elles accapareront en effet 72% des investissements dans le monde, dont 27,5% pour le solaire et 32,4% pour l’éolien. L’éolien et le solaire représenteront 48% et 34% de la puissance installée pour la production électrique en 2040. Contre 12% et 5% actuellement.
Les experts prévoient une augmentation de 10% des émissions du système électrique mondial pour atteindre un pic en 2026 à hauteur de 14,1 gigatonnes. Puis, elles baisseront lentement, d’environ 1% par an. En 2040, les émissions seront 4% plus faibles qu’en 2016. Une baisse largement insuffisante pour limiter le réchauffement climatique à 2°C en 2100. Pour être compatible avec cet objectif, BNEF estime qu’il faudrait un investissement supplémentaire de 5,6 billions de dollars. De quoi installer 3.900 gigawatts (GW) supplémentaires d’énergies renouvelables
Seb Henbest, auteur principal de l’étude à BNEF voit néanmoins une transition « inarrêtable, grâce à la baisse rapide des coûts de l’énergie solaire et éolienne, et un rôle croissant pour les batteries, y compris celles des véhicules électriques, pour équilibrer l’offre et la demande ». Les auteurs prévoient un taux de pénétration des énergies renouvelables de 74% en Allemagne, 55% en Chine, 49% en Inde et 38% aux États-Unis d’ici 2040.
Bloomberg voit des énergies renouvelables de plus en plus compétitives
Le coût des énergies renouvelables va continuer sa chute vertigineuse dans les prochaines années. Alors que le coût du solaire photovoltaïque a déjà baissé de 25% depuis 2009, il encore perdre 66% d’ici 2040. « Le solaire est déjà aussi peu cher que le charbon en Allemagne, en Australie, aux Etats-Unis, en Espagne et en Italie, analyse BNEF. D’ici 2021, il sera aussi moins cher que le charbon en Chine, en Inde, au Mexique, au Royaume-Uni et au Brésil ».
Du côté de l’éolien, les coûts pour les installations terrestres vont encore perdre 47% d’ici 2040, alors qu’ils ont déjà perdu 30% ces 8 dernières années. Pour l’éolien offshore, la chute sera encore plus importante, avec -71% au même horizon.
La sentence est lourde pour le charbon. La production d’électricité à base de charbon va s’effondrer en Europe et aux États-Unis: respectivement -87% et -45% d’ici 2040. Et ce malgré l’optimisme de l’administration Trump. Le charbon devrait néanmoins continuer à se développer en Chine, mais atteindre un sommet d’ici 2026, à un niveau environ 20% plus élevé qu’aujourd’hui. Malgré tout, la Chine reste le plus gros consommateur de charbon, avec une part dans la production d’électricité encore autour de 30% en 2040.
BNEF s’attend à ce que seulement 35% des nouvelles centrales actuellement prévues voient réellement le jour. Ainsi, 369 gigawatts de nouvelles centrales planifiées dans le monde devraient être annulées, dont un tiers en Inde. Au niveau mondial, la demande en charbon devrait baisser de 15% entre 2016 et 2040.
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La flexibilité poussée par le développement du solaire et de l’éolien
Les centrales au gaz connaîtront un investissement de 804 milliards de dollars. La puissance des centrales installées en 2040 aura augmenté de 16%. Mais elles serviront plus comme moyen de flexibilité pour assurer la demande de pointe et assurer l’équilibre du réseau que comme moyen pour remplacer les centrales au charbon en« production de base ».
À côté de ces centrales au gaz, les batteries lithium-ion vont fortement se développer. Ce marché pour le stockage énergétique devrait atteindre 20 milliards d’euros en 2040. Les batteries accompagneront notamment le développement du marché du photovoltaïque sur toitures. Cette technologie décentralisée contribuera fortement au développement de nouvelles capacités. Elle produira par exemple jusqu’à 24% de l’électricité en Australie et 15% en Allemagne. « Les batteries de petite échelle installées par les ménages et les entreprises aux côtés des systèmes photovoltaïques représenteront 57% du stockage dans le monde d’ici 2040 », prévoit BNEF.
Par ailleurs, les batteries des véhicules électriques contribueront à assurer l’équilibre du réseau. Et pour cause: les véhicules électriques consommeront 13% de la production électrique en Europe et 12% aux Etats-Unis. Charger intelligemment leurs batteries lorsque les énergies renouvelables génèrent de l’électricité et que les prix sur le marché de gros sont bas, aidera le réseau à s’adapter à l’énergie solaire et au vent intermittent. Le développement du véhicule électrique s’accompagnera d’une baisse des coûts des batteries lithium-ion de 73% d’ici 2030.
Nouvel équilibre à prévoir en Europe
En 2040, la moitié de la production électrique européenne viendra d’énergies renouvelables intermittentes. Et cela posera des défis importants pour le réseau. Car les centrales thermiques sous-utilisées seront la norme. 97% d’entre elles serviront en effet surtout à assurer l’équilibre lors des pics de demande. La production intermittente offre des opportunités pour 103 GW de nouvelles capacités flexibles, dont 56 GW de batteries.
Le gaz va bénéficier d’une vague d’abandon de centrales au charbon et de centrales nucléaires. Mais elle n’atteindra plus son niveau record de 2008. L’utilisation du nucléaire recule de 50%, le charbon de 87%. Cela réduira les émissions de gaz à effet de serre du secteur de 7%. Loin devant les 4% mondiaux.
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Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com