Dans le cadre du Paquet Energie-Climat adopté le 23 janvier 2008 par la Commission européenne, l’Union européenne a instauré une politique énergétique européenne en faveur d’une énergie plus verte. Ainsi, ce plan d’actions a notamment pour ambition de porter la proportion d’énergies renouvelables à 20% dans le mix énergétique européen, contre 13 % en 2011. Cette transition énergétique n’est néanmoins pas sans difficulté pour le marché électrique européen qui doit faire face à de nombreux défis.
Au-delà de ces décisions politiques européennes, des phénomènes conjoncturels ont profondément révolutionné le parc énergétique européen ces dernières années, à l’image de la crise financière qui, en diminuant l’activité économique, a engendré une chute de la consommation d’électricité.
L’accident nucléaire de Fukushima a également engendré la mise en place d’un plan de sortie du nucléaire en Allemagne, qui ambitionne désormais de se passer de cette ressource énergétique au profit d’un développement massif des énergies renouvelables. Or, le caractère intermittent de ces filières, qui ne peuvent être sollicitées que lorsque les conditions climatologiques sont réunies (solaire, éolien…), peut poser problème tant que ces énergies ne sont pas massivement adoptées. En effet, l’électricité produite ne pouvant pas encore être stockée en grand volume, elle doit toujours correspondre à la demande sous peine d’être produite à perte (surproduction) ou, au contraire, d’être insuffisante pour alimenter le réseau électrique….et ainsi provoquer un blackout européen.
De plus, l’essor du gaz de schiste aux Etats-Unis a permis l’exportation massive de charbon à bas prix vers l’Europe, où il concurrence férocement les autres énergies fossiles, notamment le gaz. Moins sollicitées, plusieurs centrales à gaz qui ne produisent plus assez pour couvrir leurs coûts fixes sont ainsi progressivement amenées à fermer. Cette évolution explique que, très paradoxalement, la houille connait elle aussi un fort développement en Europe, au côté des énergies renouvelables. C’est ainsi l’ensemble de l’architecture énergétique européenne qui s’est transformé dans la dernière décennie au profit des énergies renouvelables (et du charbon) et au détriment du nucléaire et du gaz.
Un risque pour la stabilité du réseau
Cette évolution en profondeur du mix énergétique européen en faveur des énergies renouvelable est éminemment souhaitable et bénéfique en termes environnementaux. Néanmoins, l’Union européenne doit prendre garde aux effets indésirables, en négociant également un plan de sortie du charbon. Seule une transition énergétique bien négociée permettra d’assurer la stabilité du réseau.
Le développement des énergies renouvelables n’est pas sans coût et sans risque pour le réseau électrique européen. Puisque la production éolienne et photovoltaïque est intermittente, la production renouvelable fluctue au gré des conditions climatologiques. Or, la fermeture des centrales à gaz entraîne, dans le même temps, une réduction des capacités de production de pointe. Il y a donc un risque que le réseau électrique ne puisse pas faire face à la demande lors des pics de consommation. A contrario, lorsque les conditions climatologiques sont optimales, à l’occasion d’un week-end où soleil et vent sont réunis tandis que les industries produisent peu par exemple, le prix de l’énergie sur les marchés de gros peut devenir négatif du fait d’une production supérieure à la demande.
Ainsi, le défi de la politique énergétique européenne est désormais de pouvoir adapter la demande au caractère fluctuant des productions d’électricité renouvelable et non plus de faire seulement correspondre l’offre à la demande, sous peine de voir le réseau électrique européen disjoncter. Le véritable enjeu des prochaines années est donc de déterminer comment augmenter la part des énergies renouvelables, tout en préservant la qualité, le prix des services et la sûreté du réseau européen.
Ce risque est toutefois à relativiser !
Le risque de blackout lde l’Europe lié à un écoulement de fréquence, régulièrement brandi par la presse et les grands opérateurs électriques est à relativiser au regard des mécanismes déjà mis en place tant à l’échelle européenne que nationale. En effet, les acteurs politiques semblent avoir pris (en partie) la mesure du défi qui les attend en amorçant une réflexion sur le renouveau de l’architecture de l’ensemble du système énergétique européen.
Pour éviter tous ces incidents, plusieurs moyens de suivi sont mis en place. Le plus important est de pouvoir anticiper la consommation et la production sur le réseau, ainsi que les échanges aux interconnexions. Il faut avoir des prévisions de production à chaque instant pour regarder en permanence l’état du système électrique, détecter des zones à risques et activer des leviers pour éviter les problèmes. Cela commence plusieurs années à l’avance et finit en temps réel, dans la salle de contrôle du dispatching national de RTE à Saint-Denis. Le centre reçoit plus de 50 000 informations en temps réel, rafraichies toutes les 10 secondes.
Ainsi, le marché de capacité, prévue par la loi NOME, devrait être effectif dès 2016. Dans ce cadre, de nouveaux opérateurs et intermédiaires apparaîtront: les agrégateurs de flexibilité. Ils vous proposeront d’effacer quelques-unes de vos consommations pour diminuer la demande de pointe. Ainsi, pour mieux gérer les énergies intermittentes et optimiser la production et la consommation d’électricité, dans la plupart des états membres de l’Union européenne des réseaux intelligents ou « smartgrid » sont en cours d’installation. Cette technologie permet, à l’image des compteurs communicants Linky qui ont commencé à être déployés sur le territoire français, d’ajuster en temps réel l’offre et la demande électrique. En effet, ces systèmes permettent de hiérarchiser les besoins de consommation en fonction de leur urgence et de décaler certaines consommations en dehors des pics de demande.
On voit aussi se développer de plus en plus de moyens de production et de gestion de l’énergie directement au niveau des bâtiments afin que, d’ici 2020, certains puissent s’auto-suffire, ou même, puissent produire plus d’énergie sur l’année que celle qu’ils consomment en moyenne. Il s’agit des bâtiments et des quartiers à énergie positive.
Par ailleurs, au-delà même de l’évolution de l’architecture énergétique européenne, l’Europe doit garder à l’esprit que, quelle que soit l’origine de l’électricité produite, celle qui coûte le moins cher et qui pollue le moins est celle qui n’est pas consommée. Amélioration de la performance énergétique et maîtrise de la consommation doivent donc, elles aussi, figurer au premier rang du plan d’action européen.