L’exposition au bruit, venant principalement des transports, a un « coût social » de plus de 155 milliards d’euros par an en France, notamment en termes de conséquence sanitaires indirectes. C’est ce qu’estime un rapport publié le 22 juillet, qui recommande de coupler la lutte contre ce fléau à celle contre la pollution de l’air.
« L’impact du bruit représente un coût très élevé pour la société française dans son ensemble » concluent les auteurs de l’étude intitulée « Le coût social du bruit en France » dans un communiqué. Publiée le 22 juin, elle a été réalisée en collaboration par le Conseil National du Bruit (CNB) et l’Agence de la Transition écologique (ADEME).
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pollution sonore constitue en effet le deuxième facteur environnemental provoquant le plus de dommages sanitaires en Europe, juste derrière la pollution de l’air. Cette dernière est responsable de 40 000 décès prématurés par an en France. 20% de la population européenne, soit plus de 100 millions de personnes, est exposée de manière chronique à des niveaux de bruit préjudiciables à la santé humaine.
Le but de l’étude est d’estimer globalement le coût des effets de la pollution sonore. Ce « coût social » est attribué à trois familles de sources de bruit : le transport, le voisinage et le milieu du travail. D’autres dépenses transversales de surveillance, d’information, d’études et de recherche s’ajoutent à ce coût.
Les chercheurs ont ensuite analysé quatre mesures permettant à la fois de lutter contre le bruit et la pollution de l’air. Elles concernent le transport routier, les établissements scolaires et les chantiers. « L’étude illustre aussi toute la pertinence des mesures d’évitement du bruit, les bénéfices sociaux apportés étant très largement supérieurs aux coûts des investissements nécessaires« , écrivent les auteurs.
155,7 milliards d’euros par an
En France, cette étude estime le coût social du bruit à 155,7 milliards d’euros par an (Md€/an). 68,4% de ce coût social, soit 106,4 Md€/an, correspond au bruit des transports. Dans ce secteur, le bruit provenant du transport routier est le plus coûteux puisqu’il représente 51,8% du coût total. Viennent ensuite le bruit aérien et le bruit ferroviaire, qui représentent respectivement 9,4% et 7,2% du coût total.
Les auteurs évaluent le coût social lié au bruit de voisinage à 26,3 Md€/an, soit 16,9% du total. Il concerne les bruits émis par les particuliers (11,4%), les chantiers (3,4%) et la pollution sonore générée dans l’environnement par les activités professionnelles (2,1%). Enfin, dans le milieu du travail, les auteurs estiment le coût social du bruit à 21 Md€/an, soit 13,5% du total. Il inclut le bruit en milieu scolaire.
L’étude a délimité deux types de coûts pour réaliser ces évaluations. D’abord, il y a les coûts marchands, correspondant aux dépenses directement quantifiables. Ensuite, les coûts non marchands. Ils sont estimés par la valorisation des années de vie en bonne santé perdues. Ils prennent également en compte la mortalité prématurée du fait de la pollution sonore.
Des effets multiples sur la population
Les auteurs ont distingué deux types d’effets de la pollution sonore sur la population française. Il y a d’abord les effets sanitaires induits par le bruit. Il peut entraîner gênes, perturbations du sommeil, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, troubles de la santé mentale, difficultés d’apprentissage, médication, hospitalisation, maladies et accidents professionnels.
C’est la gêne occasionnée par le bruit qui coûte le plus cher en France (45,3 Md€/an). Les perturbations du sommeil la suivent (36,4Md€/an). Plus insolite, l’obésité induite par le bruit coûte 18Md€/an. Au total, les effets sanitaires du bruit sur la population coûtent 134,3Md€/an, soit 86% du coût total.
Le deuxième type d’effets de la pollution sonore délimité par les auteurs concerne les effets non sanitaires. Ils représentent les pertes de productivité et la dépréciation immobilière provoquées par le bruit. Ces effets, qui n’impactent pas directement la santé de la population, représentent seulement 14% du coût total du bruit. Les pertes de productivité comptent pour 16,1 Md€/an sur les 21,4Md€/an que coûtent ces effets non sanitaires.
Des mesures aux bénéfices économiques, sanitaires et écologiques
« Une part importante des coûts sociaux du bruit peut être évitée en exploitant les co-bénéfices avec d’autres enjeux écologiques, comme la réduction de la pollution atmosphérique« , écrivent les auteurs. Ils prévoient pour cela quatre mesures permettant à la fois de réduire le bruit et la pollution de l’air. Pour évaluer leur portée, les auteurs ont mis en place un ratio bénéfices/coûts. Il représente le rapport entre les bénéfices sociaux qui pourraient découler de la mesure ainsi que les coûts évités, et le coût de la mise en œuvre de cette mesure.
Les auteurs proposent ainsi de réduire la vitesse de circulation de 10 km/h sur les voies rapides en zone urbaine. Le ratio bénéfices/coûts sur 10 ans est égal à 685 pour cette mesure. Ils ont aussi étudié une autre mesure de développement des « zones à faible émission », prévue dans la nouvelle loi climat. Elle aurait un ratio bénéfices/coûts de 13 sur 4 ans.
Les auteurs envisagent également la création d’une charte « chantier propre ». Ils prévoient un ratio bénéfices/coûts annuel de 3. Enfin, les auteurs plaident pour la rénovation acoustique des bâtiments scolaires. Une mesure qui aurait un ratio bénéfices/coûts annuel de 10.
Jérémy Hernando