Le 16 janvier, Ségolène Royal a lancé un chantier important : celui de l’évolution des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables. Les grandes lignes sont dictées par la Commission Européenne, et reprises dans les articles 23 et 24 du projet la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Il faut désormais construire les textes d’application de ces articles d’ici septembre 2015. L’éolien n’est pas logé à la même enseigne que les autres filières grâce à un arrêté tarifaire récent pris en urgence à cause des anti-éoliens.
L’arrêté tarifaire éolien du 17 novembre 2008 avait été attaqué par la fédération d’associations anti-éolien « Vent de colère ». Estimant que les mesures allaient permettre un développement trop important de l’éolien sur le territoire, la fédération avait cherché un moyen de le dénoncer. Elle trouva et s’engouffra dans la brèche : le Gouvernement avait oublié de notifier cet arrêté à la Commission européenne, alors qu’il s’agissait d’une aide d’Etat. Cette notification était pourtant obligatoire.
Suite à cette dénonciation, cet arrêté tarifaire avait été annulé par le Conseil d’Etat le 28 mai 2014. Mais Ségolène Royal avait pris de suite un nouvel arrêté offrant le même tarif d’achat, sans oublier cette fois-ci de le notifier à la Commission. Sans le savoir, les anti-éoliens venaient de donner un beau sursis aux éoliennes !
De l’obligation d’achat à la vente directe sur le marché
La Commission européenne a émis des lignes directrices qui obligent les états membres à une évolution des modes de soutien aux énergies renouvelables à partir du 1er janvier 2016. L’obligation d’achat assurait aux producteurs de voir leur production achetée à un tarif déterminé par l’Etat et spécifique à chaque filière. Les pays doivent s’orienter progressivement d’un système basé sur ces tarifs d’obligation d’achat à un système de vente directe sur le marché européen de l’électricité associé à une prime, soit un complément de rémunération défini, selon la filière, pour atteindre un prix cible. Ce nouveau système un peu plus complexe doit permettre d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale en 2020 et 32 % en 2030 en soumettant ces énergies aux règles du marché européen de l’électricité.
Juridiquement, « comme le tarif [d’obligation d’achat éolien] a été notifié et approuvé par la Commission européenne avant l’entrée en vigueur des nouvelles lignes directrices, il pourra être maintenu pendant 10 ans à compter de son approbation par la Commission européenne », a assuré Ségolène Royal le 16 janvier devant les acteurs de la filière des énergies renouvelables. Elle a néanmoins précisé aux professionnels que ce mécanisme devrait évoluer avant 10 ans, sans préciser de délais pour le moment. La priorité sera donc donnée pour le moment aux discussions portant sur l’évolution des modes de soutien aux autres énergies renouvelables.
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Comment va évoluer le soutien aux énergies renouvelables ?
Toute installation, hors éolien, d’une puissance supérieure à 1 MW au 1er janvier 2016 et à 500 kW au 1er janvier 2017 se verra sortir du système d’obligation d’achat. Pour les plus petites installations d’énergies renouvelables, le système d’obligation d’achat sera maintenu. Ces dispositions sont inscrites aux du projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte. Elles ne devraient évidemment a priori pas être rétroactives.
Selon les lignes directrices de la Commission Européenne, seront aussi concernées les installations éoliennes supérieures à 3 MW ou 3 unités de production. « Cela vise, il me semble, à ne pas appliquer les lignes directrices à des petits projets éoliens participatifs, de petits porteurs de projets qui auraient des difficultés à vendre l’électricité sur le marché », analyse Damien Mathon, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Mais, comme nous l’avons vu, l’éolien français échappe à cette disposition pour quelques années : les tarifs d’obligation d’achat seront maintenus pour tous les projets éoliens, quelle que soit leur taille.
« Il revient aux décrets et aux arrêtés de fixer les détails de dimensionnement de la prime, la façon et la fréquence dont elle sera attribuée et de ses modalités concrètes », prévient Damien Mathon. Cela est important car, selon la façon de faire, cette prime pourrait devenir très défavorable aux énergies renouvelables. En France, Ségolène Royal s’oriente vers une prime dite « ex-post ». « Dans ce système, on détermine un niveau cible de rémunération qui garantit la rentabilité de l’installation, comme pour un tarif d’achat. Ensuite, les producteurs vendent leur électricité sur le marché et il y a une prime qui arrive ex-post, pour compenser le différentiel entre le niveau cible et le prix du marché », nous éclaire le délégué général du SER. « Ce choix est plutôt une bonne nouvelle, même s’il reste encore beaucoup de travail sur le dimensionnement du niveau cible, la fréquence d’attribution de la prime, la marche à suivre en cas de prix négatif… », poursuit-il. Cette prime sera donc variable en fonction du prix du marché.
Ce nouveau système devrait sensibiliser les producteurs à la réalité du marché, à l’équilibre offre-demande, tout en leur garantissant un revenu cible. Il permettra aussi de développer le métier d’agrégation pour les petits exploitants. Ces acteurs contractualiseront de nombreux producteurs et gèreront l’interface avec le marché de l’électricité.
Le calendrier est serré. Lorsque le projet loi de transition énergétique pour la croissance verte sera promulgué, les projets de décrets élaborés en consultation avec les acteurs au deuxième trimestre 2015 seront examinés par le Conseil supérieur de l’énergie et le Conseil d’Etat à l’été 2015. La Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) fera enfin valider les dispositions retenues en septembre 2015 auprès de la Commission européenne. L’intérêt sera de vérifier que les décrets et arrêtés d’application de la loi sont conformes aux lignes directrices de la Commission.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com