Pour Greenpeace, il est temps que les vols courts soient remplacés par des alternatives telles que le train. L’association souhaiterait voir l’État profiter du déclin du trafic aérien causé par la Covid-19 pour instaurer de nouvelles pratiques.
Faudra-t-il prochainement abandonner les vols domestiques et leur préférer les voyages en train pour lutter contre le réchauffement climatique ? C’est exactement ce que suggère Greenpeace, ONG qui milite pour la préservation de l’environnement. Dans un rapport publié le 21 janvier, l’association appelle à « la nécessaire réduction du trafic aérien ». Elle estime que la croissance du transport aérien est très problématique face aux enjeux climatiques actuels. « Si on laisse le trafic aérien repartir sur les mêmes niveaux et rythmes de croissance après la crise du Covid, on va dans le mur d’un point de vue climatique », prévient Greenpeace.
Selon les données de la Banque mondiale, le trafic aérien a considérablement augmenté au cours des dernières années. Au niveau mondial, le nombre de voyageurs a doublé passant de 2,1 milliards en 2006 à 4,2 milliards en 2018. En France, la tendance est similaire. 172 millions de Français ont pris l’avion en 2018 contre 87 millions en 1998. Selon le ministère de la Transition écologique, le transport aérien français a généré en 2019 23,4 millions de tonnes de CO2. Ce chiffre était inférieur de 17% en 2010. L’augmentation de ces émissions s’explique par une hausse de 18% des trajets internationaux. Dans le même temps, les émissions liées aux vols intérieurs sont restées stables.
« Pas de solution miracle »
Selon l’Insee, 26 millions de voyageurs aériens ont transité dans des vols intérieurs en 2018. Mais bien que les vols internationaux soient plus polluants, Greenpeace considère qu’il ne faut pourtant pas dédouaner les vols courts. « Dans un contexte où il nous faut rapidement et drastiquement réduire nos émissions, cela ne saurait être un prétexte pour ne pas réguler les vols intérieurs pour lesquels des alternatives moins polluantes existent ou sont possibles », indique l’ONG. Or, elle déplore que le gouvernement et le secteur aérien espèrent que le trafic reprendra vigoureusement en sortie de crise.
Quant à la promesse d’un avion « vert » qui fonctionnerait à l’hydrogène, Greenpeace ne veut pas en entendre parler. L’ONG rappelle que ce type d’appareils ne serait pas opérationnel avant 2035. Or, l’urgence climatique appelle des actions immédiates. « De plus, quel que soit l’avion vert qu’on nous propose, il n’apportera pas de solution miracle pour absorber le volume et la croissance du trafic aérien que nous avons connus avant la crise du Covid », ajoute Greenpeace. C’est pourquoi l’association estime que la seule solution valable serait que l’État privilégie les correspondances ferroviaires aux vols courts.
Interdire les vols courts, le « greenwashing » de l’État
Afin d’estimer quels seraient les avantages du rail, Greenpeace a comparé les émissions carbones d’un voyage entre Paris et Marseille en train et en avion. L’association fait le constat édifiant selon lequel le voyage en avion émet 53 fois plus d’équivalent CO2 qu’en train. Ainsi, un voyageur en avion émettrait pour ce trajet 85 kilos de CO2. En revanche, pour parcourir les 800 kilomètres qui séparent les deux villes en train, il n’en émettrait que 1,6 kilo. La traversée aérienne entre les deux villes a généré 127.000 tonnes de CO2 en 2019 avance Greenpeace. En France, deux autres lignes aériennes intérieures causent de lourdes émissions de CO2. Ce sont les vols Paris-Nice, et les Paris-Toulouse.
Afin d’endiguer ce phénomène, le gouvernement a annoncé au printemps 2020 l’interdiction des vols intérieurs pour lesquels existent des trajets équivalents en moins de 2h30 en train. Ainsi seraient concernées les correspondances entre Paris et Lyon, Nantes, ou encore Bordeaux. Pour Greenpeace, cette décision n’est que du « greenwashing ». « Elle feint de reprendre la proposition de la Convention citoyenne pour le climat de fermer progressivement les vols intérieurs pour lesquels existe une alternative en train en moins de quatre heures. En réalité, elle la vide entièrement de sa substance et annule, de ce fait, le bénéfice climat », assène l’association.
De plus, une modélisation réalisée par le Réseau Action Climat montre que les bénéfices d’un scénario à 2h30 ne seraient que limitées. Sur les quinze connexions les plus utilisées en 2019, seules trois seraient concernées par l’interdiction. Or, Greenpeace rappelle qu’un trajet en train entre Paris et Marseille, par exemple, ne prend que 3h02. L’association estime donc que cette alternative est tangible. Et les Français semblent être du même avis. Selon un sondage BVA pour Greenpeace, 58% d’entre eux se disent favorables à la suppression des vols intérieurs pour lesquels existent des alternatives en train de moins de six heures.
Chaymaa Deb