Lors d’une conférence de presse mondiale, Airbus a dévoilé trois concepts d’avion zéro émission carburant à l’hydrogène. Un pari pour le constructeur aéronautique qui espère ainsi montrer que l’aviation a un avenir malgré la lutte contre le changement climatique.
Les avions ZEROe ne voleront jamais. « Comme il existe des « concept cars », nous présentons aujourd’hui des « concept planes« , avance Jean-Brice Dumont, directeur de l’ingénierie chez Airbus. Mais grâce à l’évaluation de ces technologies, Airbus entend développer rapidement son avion zéro émission. Un premier vol de démonstration est prévu en 2023, ce qui permettra de retenir la technologie la plus performante d’ici 2024. Les trois concepts présentés reposent sur l’utilisation d’hydrogène comme carburant, obtenu par électrolyse de l’eau à partir d’énergies renouvelables. L’hydrogène est la solution privilégiée, les performance des batteries demeurant insuffisantes pour des vols commerciaux long-courrier.
Avions hydrogène : des défis pour repenser l’architecture
Comment fonctionne un avion à hydrogène ? « Nous voyons trois usages clés autour de l’hydrogène, détaille Grazia Vittadini, directrice technologique d’Airbus. L’hydrogène peut être brûlé directement dans des turbines à gaz modifiées, l’hydrogène peut être converti en énergie électrique grâce à des piles à combustible et l’hydrogène combiné à du CO2 peut être utilisé pour produire du kérosène synthétique. Il est important pour nous de combiner les deux premières solutions. » L’avion à hydrogène d’Airbus combinera ainsi la combustion directe d’hydrogène et un moteur électrique alimenté par des piles à combustibles.
Mais l’utilisation de l’hydrogène affecte fortement l’architecture de l’avion. C’est ici qu’intervient l’utilité des trois « concept planes » d’Airbus. L’entreprise entend lancer un premier démonstrateur au sol en 2021 pour évaluer la façon la plus sûre de stocker de l’hydrogène à bord d’un avion. « L’hydrogène a le même niveau énergétique que le kérosène avec un tiers du poids », explique Grazia Vittadin. Mais le problème repose dans le volume nécessaire pour stocker l’hydrogène et la température de stockage. À température ambiante, l’hydrogène est gazeux. Il doit être refroidi et stocké à -253°C pour être liquide. Et pour la même quantité d’énergie, « l’hydrogène occupe un volume quatre fois plus grand que le kérosène », ajoute Grazia Vittadin.
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Trois concepts d’avion pour imaginer l’avion à hydrogène
Le défi fondamental repose dans le design du réservoir et son intégration dans l’avion. « La solution typique est de l’inclure dans le fuselage, ce qui nous amène à des avions plus longs et plus larges, avec des impacts sur l’aérodynamisme, détaille Grazia Vittadin. Il faut trouver le bon équilibre. » Ainsi, les concepts embarqueront moins de passager. Entre 20 et 200 pour le concept de turboréacteur, capable d’effectuer des vols intercontinentaux de plus de 3500 km. Et jusqu’à 100 passagers pour le concept de turbopropulseur pour les moyens-courrier, jusqu’à 1800 km. Dans ces deux cas, les réservoirs d’hydrogène liquide se trouvent à l’arrière de l’appareil.
Le troisième concept est le plus original. Pouvant aussi voler jusqu’à 1800 km, il repense complètement et la configuration de l’appareil, tant pour le stockage de l’hydrogène que pour l’aménagement de la cabine.« Nous avons 3 architectures d’avion différentes, mais il est trop tôt pour prédire laquelle sortira gagnante », prévient Jean-Brice Dumont, directeur de l’ingénierie chez Airbus.
L’entreprise espère ainsi montrer qu’une autre voie est possible pour l’aviation malgré la lutte contre le réchauffement climatique. Grâce à l’hydrogène, elle espère ainsi amorcer la transition d’un secteur de plus en plus remis en cause par les discours écologistes. Glenn Llewellyn, vice-président d’Airbus pour les avions zéro émission, rappelle que toutes les prédictions climatiques appellent à des changements majeurs d’ici 2035 pour respecter l’Accord de Paris. Selon Airbus, l’hydrogène aurait le potentiel de réduire les émissions de CO2 de l’aviation de 50%.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura Sciences