L’interdiction de broyage des poussins mâles dans la filière poules pondeuses est désormais inscrite au Journal Officiel. Comme alternative au broyage, les couvoirs optent majoritairement pour l’ovosexage, pratique permettant de déterminer le sexe de l’embryon avant éclosion.
Le décret mettant fin à l’élimination du broyage des poussins mâles est paru dimanche 6 février au Journal Officiel. Promis en 2019 par l’ancien ministre de l’Agriculture Didier Guillaume et prévu initialement pour la fin 2021, ce projet a connu un retard de calendrier. Les cinq couvoirs concernés dans la filière poules pondeuses ont jusqu’au 1er mars 2022 pour commander les appareils nécessaires à leur transition. Ils auront jusqu’au 31 décembre 2022 pour adapter leurs méthodes. Tous doivent également prouver, d’ici le 1er juin leur engagement dans la fin du broyage des poussins. L’interdiction s’avère toutefois immédiate pour tout nouveau couvoir.
La fin du broyage des poussins mâles était très attendue par les anciens ministres en charge de l’agriculture, mais également par les associations de défense pour le bien-être animal. Parmi elles, la CIWF se félicite « qu’un cadre soit enfin établi sur une promesse du précédent ministre de l’Agriculture ». Elle exprime néanmoins plusieurs regrets, comme « un âge d’élimination dans l’œuf trop tardif », « l’absence de propositions plus ambitieuses pour le long terme », ainsi que le manque d’engagements sur « l’élimination des millions de canetons femelles de la filière foie gras ».
Mettre fin au broyage de 50 millions de poussins
Chaque année, environ 50 millions de poussins mâles sont broyés en France, car ils ne pondent pas. La filière poules pondeuses ne peut désormais plus procéder à leur broyage. Le décret présente toutefois des dérogations. La recherche scientifique, notamment en matière de reproduction des poussins, en fait partie. Il en va de même pour les animaux présents dans des zones réglementées soumises à une maladie animale, ou lorsque ces poussins sont destinés à l’alimentation des rapaces dans les parcs animaliers.
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Au total, cinq couvoirs spécialisés dans la fourniture de poules pondeuses aux éleveurs sont concernés. Ceux-ci avaient présenté leur projet dans le cadre du plan France Relance au cours de l’été dernier, et certains ont déjà commencé à changer leurs pratiques. Ils se sont généralement tournés vers l’ovosexage, une pratique visant à déterminer grâce à des machines industrielles le sexe de l’embryon et éliminer les poussins mâles avant éclosion. « Les exploitants justifient du respect de la mise en œuvre de l’interdiction (…) par la mise en place de matériels permettant de déterminer le sexe de l’embryon au plus tard le quinzième jour d’incubation, ou par tout autre moyen apportant des garanties équivalentes », précise le décret.
Il existe d’autres alternatives pour ne pas éliminer les poussins mâles. C’est pas exemple le développement de la filière de coquelets (appelés « les frères des poules ») ou encore la conservation des mâles en plus des femelles pour faciliter la reproduction pour la chair et les œufs.
Un accompagnement financier pour l’équipement de machines
Ce remplacement du broyage par d’autres méthodes sélectives exige de lourdes transformations, notamment l’installation d’appareils relatifs à l’ovosexage. Pour répondre à cette transition, le gouvernement a prévu, dans le cadre du plan France Relance, un soutien financier. Le décret précise que ces machines « ne peuvent être considérées comme techniquement obsolètes pendant une période de cinq ans ».
Ces installations entraîneront une hausse de quelques centimes du prix des œufs. Un surcoût annuel a d’abord été estimé par la profession à 64 millions d’euros, soit 4% du chiffre d’affaire par la filière. Cette somme a ensuite été ramenée à 47 millions d’euros. La filière poules pondeuses cherche à définir un accord interprofessionnel pour fixer les modalités de prise en charge de ces surcoûts, et définir un système de cotisations, réparti entre la distribution et les couvoirs, sans effet pour les éleveurs.
La France et l’Allemagne veulent montrer la voie aux autres européens
L’ambition de mettre fin du broyage des poussins mâles a été partagée avec l’Allemagne. Le pays a mis en place son interdiction dès le début de l’année 2022. Les deux pays visent à étendre ce projet au niveau européen. En effet, la réglementation de l’Union Européenne autorise encore le broyage de poussins mâles. Toutefois, plusieurs textes portant sur le bien-être animal vont être revus au sein de la Commission Européenne d’ici fin 2023. Le Ministère de l’Agriculture espère faire avancer le sujet à cette occasion.