Le témoignage d’un ex-salarié de la ferme dite des « 1000 vaches » paru sur le site Reporterre le 8 juin est édifiant. Des salariés exploités, des surmortalités élevées, un cheptel de 796 vaches au lieu des 500 autorisées… Point sur cette nouvelle polémique.
Le témoignage de l’ex-salarié de la ferme-usine dite des 1000 vaches, à Drucat dans la Somme, a mis le feu au poudre. Selon ce tégmoignage, les animaux seraient en très mauvaise santé : « Dans le troupeau, il y a au moins 300 vaches qui boitent. Elles sont fatiguées, maigres. Elles ont des ongles trop longs ou des sabots qui pourrissent. Elles marchent à longueur de journée dans leurs excréments. D’habitude, on nettoie tous les deux jours dans ce type d’élevage, là c’est tous les quinze jours. Les vaches sont sales. » rapporte Reporterre. Résultat : « Il y a au moins deux ou trois vaches qui meurent chaque semaine, c’est beaucoup quand même. Les responsables disent que c’est normal que les vaches soient malades parce qu’il y en a beaucoup. » Joint par Reporterre, Michel Ramery, entrepreneur qui a lancé la ferme-usine des 1000 vaches, reconnait la présence surnéméraire de vaches, mais nie la maltraitance envers les animaux.
La ferme des 1000 vaches est devenue le symbole de l’industrialisation de l’élevage et du sacrifice du bien-être animal. Les centaines de vaches sont agglutinées dans d’immenses entrepôts, sans aucun accès à l’extérieur et sont traitées trois fois par jour, élevées comme de simples supports de production.
Lire aussi : Des animaux d’élevage en manque de bien-être
L’escroquerie des 1000 vaches
Suite à ces révélations, une inspection menée en urgence par la Direction Départementale de Protection des Populations (DDPP), en charge des contrôles sanitaires sur les troupeaux, a eu lieu le 9 juin à la ferme des 1000 Vaches. Elle a confirmé un effectif de 796 vaches laitières, soit un dépassement de 296 vaches (59,2 %) par rapport à l’autorisation d’exploiter qui vaut pour 500 vaches. L’arrêté préfectoral du 1er février 2013 est en effet catégorique : pour l’heure, l’autorisation d’exploiter vaut pour 500 vaches. En avril 2015, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll avait expliqué que toute nouvelle augmentation du cheptel ne pourrait se faire qu’avec une enquête publique préalable. Michel Ramery a donc joué un jeu dangereux et pourrait perdre ses derniers défenseurs.
Pour faire la lumière sur les accusations de maltraitante, dans un communiqué en date du 10 juin, Nicole Klein, préfète de la région Picardie, préfète de la Somme rapporte que « l’état corporel général des vaches laitières est satisfaisant, à l’exception d’une dizaine de vaches à l’infirmerie, qui sont pour certaines maigres à très maigres », « l’alimentation est présente et de qualité », mais « sur une des 4 aires de stationnement des animaux, le système d’évacuation des urines et des excréments n’est pas satisfaisant » et « la litière est de qualité mais est insuffisante dans certaines logettes pour les vaches adultes ».
Lire aussi : Le foie gras : une torture haut de gamme
Une obligation de ramener le cheptel à 500 vaches
Pour le moment, la seule sanction prévue est une mise en demeure de l’exploitation. Le communiqué de la Préfète de la Somme précise que l’exploitation dispose d’un délai maximum de 7 jours pour faire part de ses observations quant à l’inspection qui lui est notifiée. « A l’issue de ce délai, il lui sera notifié un arrêté préfectoral de mise en demeure visant à respecter les prescriptions de l’arrêté préfectoral du 1er février 2013 en abaissant les effectifs de vaches laitières à hauteur de 500 vaches dans les plus brefs délais ». Par « plus brefs délais » Reporterre raporte que la Préfète a assuré « ne pas vouloir laisser plus de trois semaines à M. Ramery pour ramener son troupeau à 500 vaches ».
Les opposants de la première heure au projet se sentent enfin confortés dans leur démarche. Suite à ces révélations, l’association L214 a décidé de déposer une plainte pour mauvais traitements auprès du Procureur de la République d’Amiens. Elle demande aux autorités d’agir pour que la fermeture de cette usine intervienne au plus vite. La Confédération Paysanne appelait également le ministre à la « fermeture immédiate » de la ferme-usine et a fait connaître son intention de porter plainte.
Mercredi 17 juin, 9 militants de la Confédération paysanne doivent être jugés à Amiens pour avoir démonté symboliquement une partie de l’étable de cette ferme-usine en septembre 2013. Certains des inculpés risquent des peines de prison avec sursis. Ces nouvelles données joueront-elles en leur faveur en tant que lanceurs d’alerte?
Selon un sondage réalisé par IFOP pour Agir pour l’Environnement, 68% des Français sont opposés aux projets de fermes-usines ( 38% « tout à fait opposés » et 30% « plutôt opposés »). 6% des personnes interrogées indiquent être « tout à fait favorables » à de tels projets et 16 % sont « plutôt favorables ». A noter que 10% des sondés n’ont pas d’opinion, montrant que la réalité des fermes-usines reste encore méconnue.
Lire aussi : Choisir ses œufs pour éviter les massacres de poussins