Cette semaine, ça bouge du côté de la réutilisation ! Lundi, les acteurs de la livraison de repas ont signé une charte d’engagements pour favoriser le réemploi et les emballages recyclables. Et ce mercredi la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Climat et résilience lance ses auditions. Moïra Tourneur, responsable du plaidoyer de Zero Waste France, fait le point concernant les sujets liés à la réutilisation.
Ce lundi, 19 organisations ont signé avec le ministère de la transition écologique une Charte de réduction de l’impact environnemental des emballages et du développement du réemploi dans le secteur de la restauration livrée. La Charte structurée autour de 10 engagements rassemble les acteurs les plus importants de la livraison de repas.
L’engagement volontaire regroupe ainsi des plateformes comme Uber Eats et Deliveroo. On trouve aussi des « restaurants virtuels », fonctionnant à partir d’une cuisine centrale, à l’instar de Frichti, Nestor et Popchef. Des porteurs de solutions de réemploi du secteur, comme Uzaje et Green Go, sont au rendez-vous. Tout autant que des fabricants et fournisseurs d’emballages ou de contenants comme Metro et Pyrex. Enfin, trois ONG suivent la charte : Zero Waste France, Sufrider Foundation et la Fondation Tara Océans.
En parallèle, les ONG continuent de clamer le manque d’ambition du projet de loi Climat et Résilience issu des propositions de la Convention Citoyenne pour le climat. Pourtant, la majorité parlementaire envisage de recourir au temps législatif programmé. Ce choix fixerait à l’avance la durée de l’examen du texte.
Moïra Tourneur, responsable du plaidoyer de Zero Waste France, nous explique les enjeux de cette charte, ainsi que ceux portant sur le réemploi du projet de loi Climat et Résilience.
Natura Sciences : La nouvelle charte d’engagements est-elle suffisante pour faire évoluer le secteur de la livraison à domicile?
Moïra Tourneur : Il y a du concret, les engagements sont objectivement plutôt intéressants. Ils s’organisent autour des trois axes « réduire, réemployer et recycler ». Cela se construit dans l’esprit de la hiérarchie des modes de traitement des déchets que nous défendons. Des expérimentations vont débuter dès cette année et il y a un comité de suivi avec le ministère. Ce dernier se réunira régulièrement, avec un suivi des engagements tous les 6 mois. On peut donc dire que cela va dans le bon sens sur le papier. Maintenant, l’enjeu est de mettre en œuvre ces engagements.
Concernant les objectifs de réduction, les échéances sont assez proches. La charte vise 50 % de réduction des plastiques à usage unique au 1er janvier 2022, 70 % en 2023. D’ici mars, elle prévoit la fin de la livraison systématique des couverts et des sauces. Du côté des emballages réemployés, les acteurs s’engagent à mener des actions assez rapidement aussi. D’une part, une expérimentation vise à accepter les contenants des consommateurs lorsqu’ils viennent chercher leurs plats au restaurant. D’autre part, une expérimentation visera les systèmes de consigne lors de la livraison en entreprise.
Dans le même esprit que le projet de décret 3R qui veut réduire les emballages en plastique à usage unique de 20% d’ici 2025, la totalité des emballages utilisés à partir du 1er janvier 2022 devront être recyclables et avoir une filière de recyclage effective. Dès juillet de cette année, les acteurs s’engagent à bannir les résines plastiques les plus problématiques à recycler : le PVC, le polystyrène, le PET opaque et les emballages complexes.
Les acteurs, notamment Uber Eats et Deliveroo, vont mener des expérimentations en 2021 sur les solutions de réemploi. En fonction des résultats, ils pourraient les porter à plus grande échelle ensuite avec l’enjeu de recourir à 100% de contenants réemployés livrés sur les lieux de restauration en entreprises en 2023.
Concernant la loi Climat et Résilience, quels sont les sujets importants à suivre sur le réemploi?
Moïra Tourneur : Les trois sujets qui nous intéressent le plus chez Zero Waste France sont la consigne, la vente en vrac et le dispositif « Oui pub ». Sur ce dernier point, l’idée n’est plus d’avoir un auto-collant « stop pub » pour demander à ne pas recevoir des publicités. Par principe, vous ne recevrez plus de publicité. Vous devrez apposer un autocollant « oui pub » si vous souhaitez en recevoir.
Sur le « oui pub », la loi prévoit une expérimentation de 3 ans dans les collectivités locales définies par décret. L’article est assez détaillé et précise le but de l’expérimentation. Il va dans le bon sens, mais pour le renforcer, on pourrait aussi prévoir les conditions de la généralisation si l’expérimentation est probante.
La Convention citoyenne pour le climat demandait de généraliser les systèmes de consigne pour les emballages en verre à partir de 2023. En l’état, le projet de loi dit que l’on « pourra » généraliser des systèmes de consigne sur le verre en 2025. Ce « pourra » est problématique.
Sur la vente en vrac, les citoyens demandaient que l’on ait des surfaces dédiées au vrac dans les grandes surfaces pour permettre la démocratisation de cette vente. Le projet de loi dit que l’action de l’Etat « tend » à faire en sorte que l’on ait 20% des surfaces de vente dans les grandes surfaces concernées en 2030. Là encore, cela reste assez flou.
L’enjeu est donc de préciser ces dispositifs pour que l’on ait des décisions opérationnelles. Il faut dire que la consigne « sera » généralisée et non qu’elle « pourra » l’être et commencer à l’organiser de façon opérationnelle. Aussi, il faut avoir une obligation de reprise des contenants dans les grandes surfaces. Et enfin, il faut dire que les grandes surfaces « auront » 20% de surfaces en vrac en 2030.
Les critiques des ONG à l’égard du texte sont nombreuses et plusieurs députés regrettent un examen accéléré. Quelle est votre position ?
Moïra Tourneur : En l’état actuel, le texte manque de concret. On a mis les mots « vente en vrac » et « consigne sur le verre pour réemploi », mais cela ne va pas changer grand chose par rapport à l’état actuel des choses. Cela veut simplement dire qu’on en rediscutera en 2025.
Les délais sont effectivement très restreints. La commission spéciale a été nommée hier et la date limite de dépôt des amendements est fixée au 3 mars pour un début d’examen le 8 mars. Il s’agit de délais très contraints pour une loi qui fait 65 articles et touche tous les secteurs de la vie courante. Les députés ont 15 jours pour travailler sur le texte. C’est vraiment très court et plusieurs députés ont alerté sur le fait qu’en matière de vie démocratique ce n’était pas normal d’avoir des délais aussi restreints. Et ce, d’autant plus que la semaine prochaine est normalement une semaine de vacances parlementaires et que les députés ne sont pas censés siéger.
Propos recueillis par Matthieu Combe