À l’occasion de la sortie du film-documentaire « Terra Libre » le 22 septembre dernier, nous avons rencontré le cacique Ninawa et le réalisateur Gert-Peter Bruch. Les deux militants dénoncent un « génocide » des peuples autochtones et pointent la responsabilité des dirigeants politiques.
C’est à Paris, au domicile de Pierre Richard situé dans le 16ème arrondissement, que le cacique Ninawa et Gert-Peter Bruch sont installés. L’acteur et réalisateur français prête sa voix pour la narration de la version française de Terra Libre. Avec un sourire chaleureux, il nous ouvre ses portes et organise un espace d’interview.
30 ans de lutte indigène
Le cacique Ninawa, chef du peuple amazonien Huni Kui, paré de la coiffe de son peuple, s’installe solennellement. Gert-Peter Bruch prend place à ses côtés. « Ce documentaire parle de 30 ans de lutte indigène. Il parle de la crise de notre siècle », martèle le réalisateur. Gert-Peter Bruch s’intéresse à la destruction de l’Amazonie et à la lutte des peuples autochtones pour préserver leurs terres depuis des dizaines d’années.
« Pour moi, tout a commencé lorsque j’ai rencontré le cacique Raoni (Leader indigène et figure emblématique de la lutte pour la préservation de la forêt amazonienne NDLR) l’année de mes 18 ans, grâce à mon chanteur préféré de l’époque, Sting. Il s’était engagé dans la lutte. J’ai milité avec lui. Je l’ai accompagné sur six tournées depuis 1989. Les mobilisations indigènes, leurs actes de bravoures pour préserver la nature, m’ont donné l’envie de prendre ma caméra. Notamment les mobilisations à Brasilia en 2013 », explique-t-il. « Je travaille sur ce documentaire depuis 2014 », ajoute-t-il.
L’Alliance des Gardiens de Mère Nature
Le militantisme de Gert-Peter Bruch a dépassé, depuis longtemps, le cadre de sa caméra. En 2014, avec le cacique Raoni, sous l’égide de l’ONG Planète Amazone, il joue un rôle crucial dans la création d’une alliance inédite de chefs autochtones. Le projet, présenté à la COP21, a permis de poser les fondements d’un plan d’actions pour la protection de la planète, la défense de la forêt, des terres indigènes et de leur culture ancestrale. Ainsi naquit l’Alliance des Gardiens de Mère Nature.
Pour le cacique Ninawa, présent lors de cette grande réunion fondatrice, « l’Alliance est quelque chose d’extrêmement important, car elle porte le message de notre combat », celui de préserver la nature et les traditions face à la destruction.
Lire aussi : Le “jugement du siècle”, une affaire capitale pour les terres autochtones
Le sort des autochtones
Comme le reflète son nom, (« Ninawa » signifie « forêt » en langue Huni Kui), la nature ne fait qu’un avec le cacique. La protection de la nature est la mission qu’il doit mener. Face à lui, et face aux leaders indigènes de la forêt amazonienne, se tient le gouvernement brésilien de Jair Bolsonaro. « Le gouvernement brésilien menace, par de nombreux projets de loi, les terres des autochtones », dénonce le cacique Ninawa. Le président Bolsonaro a en effet prôné l’ouverture des terres indigènes et zones protégées d’Amazonie, pourtant déjà touchées par la déforestation et la prospection minière illégale. Le leader du peuple Huni Kui dénonce les incendies criminels et les attaques incessantes de chercheurs d’or. « C’est un génocide », clame-t-il.
Le 9 août dernier, pour la première fois de l’histoire, les tribus indigènes ont saisi la Cour pénale internationale pour dénoncer la « politique anti-indigène » de Bolsonaro, le cacique Raoni évoquant alors des « crimes contre l’humanité ».
Ambassadeur du film Terra Libre de Gert-Peter-Bruch, le cacique Ninawa milite pour la préservation de ces terres, mais également pour que les traditions autochtones perdurent dans le temps. Les incursions répétées d’intrus exposent les communautés autochtones à de multiples dangers. Elles constituent notamment l’un des premiers facteurs de contamination de ces communautés par la Covid19. Le virus a fait plus de 1100 morts parmi eux depuis le début de la pandémie.
Lire aussi : Les Pygmées, un peuple exclu de leur propre écosystème
La COP26 , « une véritable tromperie«
« Cela fait maintenant 12 ans que je participe aux COP et autres réunions. Depuis Rio +20 », explique le Cacique Ninawa. « Je ne vois pas le changement depuis. Il n’y a aucune garantie pour que la voie des peuples indigènes soit prise en compte pendant la COP », déplore le chef autochtone. « Pour moi, cette COP26, comme les autres, est une véritable tromperie. Il n’y a que les gens innocents et crédules qui y croient encore », dit-il. « La pollution ne fait qu’augmenter, la planète est de plus en plus fragile », alerte-t-il.
Malgré tout, le cacique Ninawa veut profiter de son passage en France pour pousser l’opinion publique à faire pencher la balance du côté de la nature. Car se joue en ce moment-même, le combat du siècle.
Léo Sanmarty