« C’est dit, c’est fait », se félicite Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie et de l’Energie, à l’occasion de la publication du décret programmant la fermeture des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim d’ici 2019 au Journal Officiel. Les écologistes et les associations dénoncent un « enfumage » et un nouveau renoncement pour François Hollande.
C’était une promesse de François Hollande, maintes fois répétées: fermer la centrale Fessenheim avant la fin de son quinquennat. Une centrale située à 30 kilomètres de Mulhouse, à l’est du département du Haut-Rhin (68). Finalement,cette fermeture ne sera pas effective à la fin de son mandat. Et elle pourra être remise en cause par le futur locataire de l’Elysée.Nombre d’acteurs doutent de la solidité juridique du décret publié dimanche au Journal Officiel. Car il se base sur la délibération du Conseil d’administration d’EDF. Mais le gouvernement n’a pas attendu la demande officielle d’abrogation qui doit lui être transmise par l’énergéticien. Et il ne le fera que six mois avant la mise en service de l’EPR de Flamanville, au plus tôt en 2019.
Une fermeture d’ici 2019? Pas sûr.
Le Conseil d’administration d’EDF avait imposé deux nouvelles conditions à cette fermeture le 6 avril dernier. Si EDF la qualifie d’ « irréversible et inéluctable », ses conditions imposent une réalité différente. Sa première demande est que la fermeture n’intervienne qu’à partir de la mise en service de l’EPR de Flamanville. Soit pas avant 2019. Mais rien ne garantit que l’EPR sera mis en service à cet horizon. Trop d’incertitude pèsent sur la qualité de la cuve du réacteur. Des défauts de construction ont été découverts sur le couvercle et le fond de la cuve en avril 2015. La décision d’autorisation de l’ASN est attendue pour septembre 2017.
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Fermer Fessenheim ou une autre centrale? C’est encore possible.
La seconde condition rend cette fermeture encore plus incertaine. Celle-ci n’interviendra que si elle est « nécessaire » au respect du plafond de la capacité de production d’électricité d’origine nucléaire installée en France. Soit son niveau actuel de 63,2 gigawatts (GW). Une plafond inscrit dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte votée en août 2015.
La mise en service de l’EPR de Flamanville (1650 MW) est ainsi conditionnée à l’arrêt, à la même date, d’une capacité de production nucléaire équivalente. A savoir les deux Réacteurs à Eau sous Pression (REP) de Fessenheim, d’une puissance unitaire de 900 MW, ou d’autres réacteurs… Autrement dit, si EDF ne met jamais en service l’EPR ou si l’énergéticien préfère fermer d’autres réacteurs, la décision devient caduque. C’est une crainte soulevée par le Réseau Sortir du Nucléaire.
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Fessenheim : une centrale démodée?
L’un des deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim est à l’arrêt depuis mai 2015, suite aux révélations de falsifications à l’usine Creusot Forge. « Une anomalie grave y a été détectée », précise Ségolène Royal. Par ailleurs, il s’agit de la plus ancienne centrale française en fonctionnement depuis 1977. Ses systèmes de prélèvement et de rejet direct de l’eau de refroidissement dans le canal du Rhin ne sont plus aux normes des nouvelles centrales. Et elle se situe en zone sismique, sous le niveau du Grand Canal d’Alsace .
« Cette fermeture n’entraîne aucune suppression d’emplois par EDF car un vaste chantier industriel de démantèlement va pouvoir démarrer », assure Ségolène Royal. Mais le maire UDI de Fessenheim, Claude Brender, ne l’entend pas ainsi. Il rappelle que la centrale représente près de 1.000 emplois directs, 1.200 indirects et fait vivre 5000 personnes. Claude Brender assure que le démantèlement n’emploiera que 200 personnes, loin de compenser les emplois actuels. Par ailleurs, la centrale contribue à plus de 80 % du budget de la commune. Et si l’Etat prévoit d’indemniser EDF à hauteur de 446 millions d’euros minimum, il ne propose aucune compensation à la commune. La Région, le Département, la Communauté de communes de Pays Rhin-Brisach et la commune de Fessenheim ont indiqué ce jour qu’ils allaient déposer un recours conjoint la semaine prochaine au tribunal administratif contre le décret.
Fermera ou ne fermera pas durant le prochain quinquennat?
« Avec ce décret, il y a une interprétation mensongère de la Loi de transition énergétique qui fait du plafond de production maximum de 63,2 gigawatts du parc nucléaire un seuil à atteindre », affirme Yannick Jadot, Député Européen Europe-Ecologie-Les-Verts à Marianne. N’importe quel candidat pourra revenir sur ce décret s’il le souhaite. C’est notamment le cas de François Fillon et Marine Lepen.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte est mise à mal. En effet, pour respecter une part de 50% d’électricité d’origine nucléaire en 2025, il faudrait fermer au moins 23 réacteurs. Pour le moment, la potentielle fermeture de Fessenheim est seule sur la table. De quoi se demander si les objectifs sont atteignables.
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Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com