La France est le premier pays producteur de bioéthanol en Europe. Sur les 43,4 millions d’hectolitres (MhL) produits en 2011 en Europe, 12 MhL ont été produits sur le territoire français. Le bioéthanol y est produit à 58 % à partir de céréales, 38 % à partir de betterave et 4 % à partir d’éthanol vinique. La betterave tient donc une place privilégiée en France par rapport au reste de l’Europe où elle ne représente que 24 % de la production de bioéthanol.
En Europe, la culture de la betterave est encadrée par des quotas pour la transformation en sucre alimentaire. Cela signifie que les quotas de production à usage alimentaire doivent être atteints pour mettre en œuvre toute autre production hors quota. Le sucre hors quota doit être exporté ou servir au non alimentaire, sauf autorisation de la Commission Européenne. Il n’existe donc pas en Europe et en France de conflit entre la production de cultures à usage alimentaire et celles destinées au développement du bioéthanol pour la betterave. Elle reste un débouché complémentaire pour l’agriculture.
La récolte 2012 de betteraves s’élève à 33,1 millions de tonnes (Mt) en France. 20,3 Mt seront écoulés via le système de quotas pour le sucre alimentaire. Ainsi, hors quota, 7,4 Mt serviront pour l’alcool et le bioéthanol et 2 Mt pour l’industrie chimique. Restent 3,4 Mt excédentaires… 2,4 Mt seront exportés vers les pays tiers. 1 Mt devrait tout de même être autorisée par la Commission Européenne pour le sucre alimentaire de l’Union Européenne.
En 2011, 7 Mt excédentaires avaient dû être écoulées via la maximisation des exportations à hauteur de 4,1 Mt. La transformation sous quota DOM était écoulé à hauteur de 1,9 Mt et la reclassification pour le marché alimentaire de l’UE à 1 Mt. « Il reste donc beaucoup de marge de main-d’œuvre pour le développement du bioéthanol à base de betterave », affirme Alain Jeanroy directeur général de la Confédération Générale des Planteurs de Betteraves (CGB),
Lire aussi : D’où vient le bioéthanol du SP95-E10 et autres essences ?
Vers une pause dans le développement des biocarburants
En 2011, l’éthanol était incorporé à hauteur de 5,6 % en moyenne dans le SP95-E10, contre 5,9 % en 2010. L’objectif de 7 % en vigueur depuis 2010 n’est donc pas atteint. Cela ne devrait pas trop changer. La Commission européenne propose de limiter à 5 % la contribution des biocarburants provenant des cultures alimentaires au titre de l’objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans les transports en 2020. De son côté, à l’occasion de la Conférence environnementale, le gouvernement français a indiqué vouloir un plafond à 7 % d’incorporation pour les agrocarburants de 1ère génération. Cette décision est motivée par le renchérissement des denrées alimentaires mondiales. L’objectif est de limiter la hausse que pourrait engendrer une transformation excessive de denrées alimentaires en biocarburants.
Selon certains observateurs, il ne faudrait pourtant pas trop jouer sur la rentabilité de la filière. Car il ne faut pas oublier que les acteurs de la 2e et de la 3e génération seront globalement les mêmes que ceux de la première. « Si on tire trop fort sur la rentabilité, nous manquerons d’acteurs pour financer la 2e génération. On ne peut pas espérer faire financer la R&D de la 2e génération par d’autres acteurs que ceux de la 1ère génération quand on voit les filières économiques en place », rappelle Marcel Deneux, sénateur de la Somme intéressé par ce dossier.
La filière l’affirme : les agrocarburants de 2e et 3e génération ne permettront pas d’atteindre les objectifs de 2020. Pour elle, les objectifs établis par le paquet Energie Climat, seront inatteignables sans la 1ère génération. Elle invite donc à garder les objectifs initiaux et à développer rapidement la distribution du SP95-E10 sur le territoire. Mais aussi relancer le développement du superéthanol E85. Le bioéthanol à base de betterave peut jouer un rôle important car « on fait 3 fois plus d’éthanol à l’hectare de betterave qu’à partir de blé ou de maïs et d’autre part on n’a pas le problème alimentaire/non alimentaire avec la betterave », estime Alain Jeanroy.
Un carburant encore trop peu distribué
Fin octobre 2012, le SP95-E10 était proposé par 35 % des stations françaises pour environ 6 centimes de moins que le SP95. Il représentait alors plus de 26 % des ventes de supercarburant, soit plus que la part de marché du SP98. Et pourtant, en 2012, plus de 78 % du parc automobile français équipé de moteur à essence peut fonctionner au SP95-E10. Garantie des constructeurs automobiles à l’appui. Pour l’E85, le marché est encore faible, 300 stations distribuant le carburant sur le territoire. Il n’y a encore que 30 000 voitures Flex Fuel, capables de le supporter.
Il est impossible de différencier le bioéthanol à base de betterave de celui à base de céréales dans nos réservoirs. Notamment, l’Europe importe chaque année 11,6 MhL d’éthanol, dont une grande partie de bioéthanol brésilien. De plus, les impacts environnementaux peuvent être nombreux pour d’autres agrocarburants. Il ne faut pas non plus oublier les besoins d’irrigation et d’intrants chimiques (engrais et pesticides). L’Europe ne consacre qu’1% de sa SAU au développement des biocarburants. Mais on assiste de plus en plus à l’accaparement de terres agricoles dans les pays du Sud leur production.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com