En 2009, ce ne sont pas moins de 50 millions d’hectares de terres arables qui ont été cédés dans le monde et des dizaines de millions d’autres sont sur le point de l’être. Cette surface équivaut quasiment à l’intégralité du territoire français métropolitain !
Les acheteurs sont aussi bien des entreprises que des Etats qui achètent ou louent des terres dont les cultures sont destinées à l’exportation d’aliments ou d’agrocarburants. Depuis la crise alimentaire de 2008, des spéculateurs se sont greffés au marché. Deux ONG s’intéressent de près à ce phénomène : Grain et Farmlandgrab. Les sites internet de ces ONG dressent la liste des projets en cours.
Un petit atlas Google Maps non exhaustif (consultable ici) donne également une idée de cet accaparement des terres arables dans le monde.
Deux raisons principales à ce business
Les pays ont peur pour leur sécurité alimentaire. Les prix sont de plus en plus volatils sur les marchés internationaux de produits agricoles. Ils veulent donc se protéger en assurant des importations supplémentaires de l’étranger. Une autre raison provient des programmes de développement des biocarburants. Ces programmes sont ambitieux pour les pays développés alors que ceux-ci n’ont plus de terres arables disponibles en quantité suffisante. En Europe, il est prévu que les biocarburants représentent 20% des carburants routiers en 2020. Il est donc compréhensible qu’environ un quart des terres louées soit consacré à des cultures visant la production d’agrocarburants.
La Chine accapare les terres agricoles du Sénégal
En Afrique, les chinois investissent les travaux publics, mais le véritable enjeu pour eux est la terre. La Chine à besoin de nouvelles terres cultivables pour assurer sa sécurité alimentaire. Ils misent ainsi sur les terres sénégalaises Le problème est que le Sénégal manque déjà de terres cultivées pour nourrir son propre peuple. Il n’est en effet pas auto-suffisant du point de vue alimentaire, puisqu’il exporte 85% de son aliment de base : le riz.
Pour justifier son plan d’actions, le président de la république du Sénégal, Abdoulaye Wade, affirme « nous voulons une association avec des gens qui ont des capitaux qu’ils viennent investir au Sénégal, qui s’associent avec les sénégalais qui ont la terre et qui gardent la terre mais qui vont bénéficier d’un apport de technologies, de connaissances et d’encadrement ». De plus, « c’est l’exportation qui nous permet d’avoir des devises, lesquelles vont nous permettre d’importer du matériel de l’étranger que nous ne pouvons pas fabriquer ici ». Pékin envoie des agronomes pour former les agriculteurs. Ils doivent montrer qu’ils aident le Sénégal. En Afrique, la Chine a déjà mis en place plusieurs centres de recherches pour trouver des moyens d’augmenter la productivité de la culture du riz et des céréales. Mais dans la pratique, ces activités ne bénéficient pas toujours aux populations locales d’après les ONG.
Un accaparement des terres qui menace la souveraineté alimentaire
Aujourd’hui, les demandes de droit d’utilisation des terres concerneraient plus de 4,8 millions d’hectares au Mozambique, soit près d’un hectare sur sept de terre arable disponible dans le pays. Cela constitue une menace réelle pour la sécurité et la souveraineté alimentaire des populations africaines. En effet, dans les communautés rurales, des centaines de milliers de petits producteurs ne possèdent pas de titres de propriété et risquent de se faire expulser. Ce phénomène s’observe alors même que ces communautés parvenaient déjà à peine à produire leur nourriture de base en suffisance. Ces pays deviennent alors encore plus dépendants des marchés internationaux.
Les habitants n’ont alors souvent, pour une unique solution, que de se faire employer dans ces grandes plantations industrielles. Le travail se fait dans des conditions de quasi esclavage : travail forcé plus de 10 heures chaque jour payé moins de 2 euros, habitations insalubres sans accès à l’eau potable ni aux soins médicaux…
Les revenus reçus par les gouvernements en échange de ces terres ne bénéficient pas toujours à la population locale. Pour y remédier, il est nécessaire d’instaurer une relation triangulaire entre le chef de l’état, les investisseurs et les populations locales. Un autre risque important réside dans le fait que les méthodes utilisées par les investisseurs étrangers ne pas durables et ne se soucient guère des impacts à long-terme des cultures développées…
Le documentaire Planète à vendre s’intéresse de près à cette problématique, présentant notamment les investissements indiens en Ethiopie et au Soudan, ainsi que la nécessité pour l’Arabie Saoudite de louer des terres à l’étranger.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com