En automne et en hiver, les fruits et légumes importés hors saison d’Espagne ou d’ailleurs n’ont à vrai dire aucun goût. Les concombres et tomates sont encore sur nos étals fin février, mais également les poivrons, haricots verts et courgettes alors qu’ils ne devraient réapparaître que l’été prochain. Lumière sur l’intérêt des circuits courts en hiver.
Direction El Ejido, dans la province d’Almería en Espagne. L’endroit présente la plus importante concentration de serres au monde avec ses 17 000 hectares, soit 1,7 fois la taille de Paris intra-muros. Les serres, longs tunnels de plastique blanc, se succèdent à perte de vue. A l’intérieur, 80 000 travailleurs immigrés, dont presque la moitié est sans-papiers, travaillent pour quelques euros par jour et vivent dans des conditions déplorables. Leurs cabanes, les chabolas, sont construites en matériaux récupérés et en plastique provenant d’anciennes serres. Ils n’ont ni électricité ni eau courante et personne ne ramasse leurs ordures. Sans autre solution, ils brûlent ces dernières à ciel ouvert.
Ces travailleurs de l’ombre n’intéressent personne : d’autres les remplaceront s’ils sont mécontents de leur sort. La région s’enrichit pourtant grâce aux exportions de fruits et légumes dans l’Europe entière, été comme hiver.
Les méthodes de culture des serres bio y sont souvent très proches de celles des serres conventionnelles. À une différence près : ils n’utilisent ni pesticides ni engrais chimiques. La récolte est faite grâce aux mêmes immigrés clandestins vivant dans des conditions particulièrement précaires. Alors que la bio paysanne cherche à assurer un bon équilibre entre environnement, économie et social, ces exploitations sacrifient l’aspect social à l’autel du profit.
El Ejido, grenier à produits hors-saison
À El Ejido, les fruits et légumes sont cultivés hors-sol et sous serres. Les plants poussent sur un plastique noir, reçoivent une irrigation qui transporte des engrais en quantités parfaitement dosées en permanence et sont récoltés avant maturité. Paradoxalement, ces produits consomment peu d’eau. Ils nécessitent à la place beaucoup de pétrole. Une fois la récolte terminée, le transport et l’entreposage nécessitent aussi des traitements particuliers supplémentaires pour que les denrées arrivent à destination en bon état.
Pour ceux qui seraient tentés par des produits cultivés en France hors saison, sachez que le chauffage des serres y est essentielement assuré par des combusibles fossiles : fuel, gaz et charbon. Ceux-ci produitsent de l’eau chaude à 80°C, qui circule ensuite à l’intérieur des serres dans des tubes métalliques aériens. Dans les exploitations de cultures sous serres chauffées, le chauffage est le deuxième poste de dépenses après la main-d’oeuvre, soit 20 à 35% des charges de production directes. Avec le printemps très froid de 2013, le chauffage des serres de tomates françaises a pu coûter jusqu’à 100 000 euros à l’hectare !
Des produits de saison et des circuits courts !
Il est facile de comprendre l’intérêt de consommer local et de saison : on limite le gaspillage d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre associées au transport, à l’entreposage et au chauffage des serres. Les circuits courts permettent ainsi de réduire l’impact écologique du secteur agricole. Ils aident également au maintien des petites et moyennes exploitations en France.
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Les produits de saison répondent également à des besoins physiologiques bien déterminés. Grossièrement, les fruits et légumes gorgés d’eau permettent de lutter contre la déshydratation en été. Leur teneur en bêta-carotène contribue également à protéger la peau contre les rayons du soleil. En hiver, les légumes riches en matière sèche et amidon fournissent de l’énergie pour lutter contre le froid et les maladies hivernales.
On conseillera de privilégier les circuits courts issus de l’agriculture biologique. Ils permettent d’agir concrètement pour la qualité de l’eau, de l’air et des sols, pour la préservation des ressources naturelles, pour la biodiversité et pour les paysages. Pour changer vos habitudes cet hiver, voici quelques exemples de circuits courts : les amap, les paniers bio, la Ruche qui dit oui!, les fermes cueillettes, les marchés de producteurs ou encore les ventes directes à la ferme.
Aller plus loin :
- El Ejido, la loi du profit, documentaire de Jawad Rhalib , 1h20
- Un bio de plus en plus industriel à éviter
- Circuits courts, l’avenir de l’agriculture ?
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com