Les scandales dans les élevages ou les abattoirs révélés par l’association L214 se suivent et se ressemblent. L’élevage bio peut-il être une solution pour contrer ces dérives? Si les conditions d’existence s’améliorent considérablement, des dérives sont toujours possibles, d’où l’importance de connaître ses producteurs.
Le cahier des charges de l’agriculture bio est clair : le gavage y est interdit. Il sera donc impossible de trouver des produits bio tels que des foies gras, des magrets ou des confits. L214 qui considère le foie gras comme « une torture haut de gamme« , appréciera.
Un accès obligatoire à l’extérieur en élevage bio
En bio, les animaux bénéficient d’un accès permanent à des espaces de plein air. Les volailles doivent être élevées au sol, les cages sont interdites. Chaque bâtiment peut compter un maximum de 3.000 poules pondeuses pour une surface de 500 m2 soit une densité de 6 poules au m2. Elles ont en plus à leur disposition un espace en plein air de 4 m2 en rotation par tête. Le nombre de bâtiments n’est néanmoins pas limité. Ces chiffres sont à opposer aux 100.000 poules en cage que peut enfermer un bâtiment d’élevage industriel conventionnel, avec 13 poules au m2. La France applique cette réglementation à la lettre. En revanche, certains pays du Nord développent des bâtiments à étage. En ayant douze poules pondeuses là où la France n’en a que six, ils gagnent en compétitivité, mais perdent en bien-être animal.
Les poulets de chair bio évoluent entre 10 et 16 par m2 respectivement si les bâtiments sont fixes (200 ou 400 m²) ou mobiles (en général de 75 à 120 m²). Des surfaces extérieures de 4 et 2,5 m2 sont disponibles en rotation par poulet respectivement pour les installations fixes et mobiles. La réglementation bio impose un maximum de 4.800 poulets par bâtiment avicole et une surface totale des bâtiments de 1.600 m2. Les poulets ne peuvent généralement pas être abattus avant 81 jours. C’est peu mais c’est toujours mieux qu’en élevage conventionnel où ils sont tués deux fois plus tôt. En production de poulets standards, le bâtiment a généralement une superficie de 1.000 m2 et plus.
Un bien-être animal plus respecté ?
Le bien-être animal est l’une des conditions du cahier des charges de l’agriculture biologique, découlant du règlement européen (834/2007 CE). Il certifie que le bio « respecte des normes élevées en matière de bien-être animal» et que « toute souffrance […] est réduite au minimum pendant toute la durée de vie de l’animal, y compris lors de l’abattage ». Cela est majoritairement vrai lors de la période d’élevage, grâce à une densité plus faible, un accès à l’extérieur et une meilleure prise en compte de leurs besoins naturels. Mais cela est plus difficilement vérifiable lors du transport vers l’abattoir et l’abattage qui s’en suit. Le scandale de l’abattoir du Vigan, petit établissement de proximité tourné vers les circuits courts et dont 5 % de la production est bio, montre que le bio n’est pas à l’abri de graves souffrances animales lors de la mise à mort.
Par ailleurs, dans les entreprises d’accouvage, des milliers de poussins à destination d’élevages de poules pondeuses ou de poulets de chair éclosent. À la naissance, les poussins sont triés et « sexés ». Les femelles de type « pondeuse » sont conservées tandis que les poussins mâles de la même souche sont écartés et traités en déchets. Les poussins faibles ou mal-formés subissent le même sort. En effet, dans ces élevages, les poussins mâles des poules pondeuses sont inutiles pour une raison simple : ils ne pondent pas. Ils ne conviennent pas non plus pour être élevés comme poulets de chair. Ils sont donc exterminés juste après la naissance. Quelle que soit l’origine des œufs – conventionnel, plein air ou bio –, le sort des poussins mâles sera le même.
Lire aussi : Choisir ses œufs pour éviter les massacres de poussins
Traitements médicaux : des règles claires en élevage bio
En bio, tous les antibiotiques, même ceux d’origine naturelle, sont limités. La prévention est à privilégier à travers le bien-être animal, une alimentation de qualité, l’accès aux pâturages et une densité réduite. Cette limitation ne comprend pas les vaccinations, les antiparasitaires ou les traitements dans le cadre de plans d’éradications obligatoires. Les traitements par médicaments chimiques de synthèse ou antibiotiques sont définis par groupe d’animaux, mais ne dépassent jamais trois par an. Les médicaments allopathiques chimiques de synthèse autorisés et comptabilisés comme un traitement sont les médicaments immunologiques sauf vaccins, aspirine, vitamine autres que A, D et E non naturelle, antibiotiques sur prescription vétérinaire, mono propylène glycol, hormone en traitement curatif sur ordonnance et acides aminés à titre curatif sur prescription. Les produits phytothérapiques et homéopathiques, certains minéraux, vitamines et oligo-éléments sont utilisés de préférence aux médicaments précédents à condition d’avoir un réel effet thérapeutique.
Les traitements allopathiques de synthèse ne peuvent être que curatifs ; tout traitement préventif est proscrit. Ils sont autorisés en cas de maladie ou de blessure d’un animal nécessitant un traitement immédiat. Les médicaments, hormones de croissance ou toute autre substance destinée à stimuler la croissance ou la production sont également interdits.
Des règles également pour les effluents en élevage bio
En élevage biologique, l’alimentation des herbivores est bio à 100 %. La réglementation oblige à se procurer au moins 50 % des aliments pour les animaux dans l’exploitation où ils sont élevés ou dans d’autres exploitations biologiques de la même région. [2] « De la même région » signifie « provenant de la région administrative, ou à défaut, des régions administratives les plus proches, y compris situées dans un autre Etat membre ». Tout le reste – soja biologique compris – peut être importé sans frontières.
Puisque plus y en a, moins c’est bon, la quantité totale d’effluents sur l’exploitation ne doit pas dépasser 170 kg d’azote par an et par hectare de surface agricole utilisée. La densité de peuplement total est donc limitée pour ne pas dépasser ce plafond. Le fumier naturel formé par les déjections animales peut ainsi être épandu sur les terres de l’exploitation sans risquer de surcharger les sols en nitrates. À l’inverse, les exploitations conventionnelles exclusivement spécialisées dans la production de viande ou d’œufs se retrouvent avec des quantités astronomiques de déjections pour lesquelles il n’y a pas de débouchés. Le bio diminue ainsi les risques de pollution des eaux liés aux nitrates et ce, d’autant plus que le pourcentage d’autoproduction est important !
Lire aussi : Lisier de porc et eutrophisation bretonne
Pour aller plus loin : Règlement (CE) n°834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et Règlement (CE) n°889/2008 de la Commission du 05/09/2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n°834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com