Ce lundi 17 avril, Twin Jet ouvre sa toute nouvelle ligne aérienne Lille-Lyon. Sont prévus six vols quotidiens d’une durée de 1h30, à bord d’un petit avion de 19 sièges. Pourtant, ce même trajet s’effectue en train en trois heures. Analyse.
En France, les petites lignes aériennes se multiplient. Vols très courts et appareils proposant peu de places : ces avions se rapprochent plus du jet privé que de l’A380. Pourtant, dès 2019, la convention citoyenne pour le climat avait proposé de supprimer ce genre de lignes. La proposition portait alors sur tous les trajets disposant d’un équivalent en train de moins de quatre heures. En 2021, la loi climat a tranché en établissant cette durée à 2h30.
Twin Jet, entreprise française de transport aérien créée en mai 2001, en profite pour proposer une offre commerciale pour le moins controversée. La compagnie dispose de 13 Beechcraft 1900D Airliner, des avions de seulement 19 places, avec lesquels elle effectue tous ses vols. Ce lundi 17 avril, elle ouvre une toute nouvelle ligne, reliant Lille et Lyon.
90 minutes de vol contre 3 heures de train
La ligne Lille-Lyon est la petite dernière des neuf lignes ouvertes par Twin Jet depuis 2003. L’avion affecté à cette ligne effectuera trois vols allers-retours quotidiens, du lundi au vendredi, entre sa base à Lyon-Saint Exupéry et l’aéroport de Lille-Lesquin. Pour une somme allant de 79 à 410€, selon les vols et les tarifs disponibles, la compagnie promet de relier la capitale des Flandres à celle des Gaules en 1h30.
Cette création a pour but de développer la base lyonnaise de la compagnie, précise Twin Jet dans un communiqué de presse. “Nous sommes persuadés qu’il existe une véritable demande pour les voyageurs qui souhaitent pouvoir faire un aller-retour sur un ou deux jours, en exploitant pleinement leur déplacement, ce que ne permet pas forcément le train ou la voiture”, explique Éric Moret, directeur général de Twin Jet.
Si nous ajoutons le temps nécessaire à l’enregistrement, entre 20 minutes et 1 heure, aux 90 minutes de vol, le trajet proposé par la compagnie aérienne ne prend effectivement que 2h30 au maximum. Toutefois, ce même trajet en TGV peut s’effectuer en environ trois heures. En choisissant le rail, l’usager voyagerait pour moins cher. Par exemple, pour une rotation entre Lille et Lyon le 25 avril, un voyageur devrait débourser entre 75 et 158€.
Une alternative viable ?
Bien que l’avion de Twin Jet permette un gain de temps très limité, la direction de la compagnie défend cette nouvelle ligne bec et ongle. Selon Éric Moret, cette nouvelle ligne est “tout simplement complémentaire aux autres solutions de mobilité, et l’impact carbone de nos lignes est très faible car nous exploitons des avions très économes en carburant”. Pourtant, le développement de ces petites lignes n’est pas une bonne nouvelle d’un point de vue écologique. Pour rappel, selon le ministère chargé des transports, les vols intérieurs étaient responsables de l’émission de 1,1 millions de tonnes de CO2 en 2020, soit 10% des émissions totales liées au trafic aérien en France.
Pierre Leflaive, responsable transports pour Réseau Action Climat, avait déjà réagi à cette question dans notre article sur la compagnie Finnair. “Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que lorsqu’on emprunte l’avion plutôt que le train, on émet 85 fois plus de Co2, explique-t-il. Et là, nous parlons d’un avion de 19 places alors qu’il peut y en avoir 600 à 700 dans un train. On voit bien l’inefficacité en termes de mobilité. De plus, les conséquences sur le réchauffement [climatique] sont très importantes”.
Certains vols Twin Jet sont plus longs que leur trajet équivalent en train
Twin Jet propose également de desservir plusieurs destinations dans le sud de la France. Certaines lignes, comme Marseille-Toulouse ou Lyon-Milan se veulent être des alternatives à des voyages routiers ou ferroviaires de plusieurs heures. Dans ces cas, la compagnie promet des navettes dont le temps de vol avoisine l’heure. Avec son offre commerciale, Twin Jet propose également des solutions de mobilité pour des voyages très longs en train, comme entre Paris et Le Puy-en-Velay. Pour Éric Moret, l’existence d’une ligne aérienne entre ces deux villes est essentiel. “En ce qui concerne la ligne Le Puy en Velay – Paris, nous offrons une véritable solution d’accessibilité qui rentre dans le cadre de l’aménagement du territoire”, assure-t-il.
Si dans ces cas l’alternative peut intéresser les voyageurs pressés, d’autres propositions relèvent de l’ubuesque. Sur le site internet de Twin Jet, il est possible d’acheter un billet Aurillac-Le Puy-en-Velay. Par la route, Aurillac se trouve à environ 150 kilomètres de Puy-en-Velay. En voiture, le trajet prend environ 2h30. Pourtant, la compagnie aérienne propose de relier ces villes par les airs en une durée oscillant entre 4h25 et 6h05. Ce long temps de voyage est lié au trajet de la navette, qui comprend une escale et doit passer par Paris.
Mais bien que ces vols soient ouverts à la vente, Twin Jet n’incite pas les voyageurs à opter pour cette solution. Eric Moret considère que cette offre « traduit tout simplement la limite des sites internet de réservation ». Pour le directeur de Twin Jet, il convient que les consommateurs fassent preuve de bon sens. « Heureusement que l’intelligence humaine peut faire la part des choses », concède-t-il.