Parfois présentés comme opposés sur le terrain, voire comme de farouches adversaires, les acteurs de la filière forêt-bois et les membres des associations environnementales parviennent parfois à s’entendre et à collaborer de manière harmonieuse et fructueuse. C’est notamment le cas dans le Massif forestier des Landes de Gascogne. Avec un objectif commun : protéger la forêt.
Parfois, le « vivre ensemble » n’est pas plus évident à la campagne qu’en ville. Affrontements entre chasseurs et collectifs anti-chasse, désaccords sur la gestion de telle ou telle parcelle, émotions autour des « coupes rases », etc. : les forêts françaises sont souvent les spectatrices silencieuses de l’opposition entre professionnels du bois et associations de défense de l’environnement. Tous partagent pourtant un objectif commun : le bon état, à long terme, des arbres et massifs forestiers. Et ils parviennent parfois à dépasser ce qui les oppose pour mettre leurs énergies en commun au service de la forêt.
C’est le cas par exemple en Nouvelle-Aquitaine, où coopèrent étroitement Fibois Landes de Gascogne et l’association environnementale Sepanso. D’un côté, se trouve l’interprofession composée notamment de la coopérative forestière Alliance Forêts Bois, du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest (Sysso) et de la Fédération des Industries du Bois de Nouvelle-Aquitaine (FIBNA). De l’autre, une association environnementale dont la mission est de « protéger au maximum la biodiversité tout en permettant la multifonctionnalité de la forêt ».
Une ambition commune qui transcende les clivages
Comme l’explique au journal Sud-Ouest Eric Dumontet, le secrétaire général du Sysso : « si nous avons des oppositions, nous arrivons à nous retrouver sur certains sujets ». Les deux structures se sont notamment rapprochées pour défendre, ensemble, les ripisylves. Il s’agit des formations végétales – arbres, arbustes, buissons… – qui se trouvent le long des cours d’eau. Ces ripisylves jouent un rôle majeur dans la qualité de l’eau, le maintien des berges, servent de corridor et d’habitat à la biodiversité.
Philippe Barbedienne, président de la Sepanso Gironde, énumère dans La Tribune les atouts de ces ripisylves : « couloir de biodiversité, créatrice de parfums naturels, filtration de l’eau, maintien de la fraîcheur, sols humides pour ralentir, voire stopper, les incendies quand ils sont de faible intensité ». Ces espaces fragiles qui étaient soumis à une exploitation trop intensive sont désormais au cœur des préoccupations communes des écologistes comme des forestiers, qui œuvrent aujourd’hui de concert pour restreindre les coupes rases, conserver les peuplements d’arbres originels et éviter qu’ils ne soient remplacés par des forêts de résineux, « comme ça a été le cas pendant des décennies », regrette-t-on à la Sepanso.
C’est donc à un travail de sensibilisation et de changement des mentalités que s’attellent ensemble l’association et les acteurs de la filière forêt-bois. Au-delà de la seule préservation des ripisylves, cette coopération inédite illustre le changement à l’œuvre dans les pratiques forestières. Fibois Landes de Gascogne encourage ainsi les forestiers et gestionnaires à faire évoluer leurs pratiques d’exploitation dans ces milieux, en favorisant par exemple le choix d’espèces feuillues (chênes, aulnes, tilleuls, etc.) quand il s’agit de reboiser. Un changement de logiciel synthétisé par Stéphane Vieban, directeur général de la coopérative Alliance Forêts Bois : « dans les ripisylves, que des coupes d’amélioration, pas de coupes rases », et de nouveaux prélèvements uniquement centrés sur les pins maritimes.
Une filière en constante adaptation
On assiste donc, en Nouvelle-Aquitaine comme ailleurs dans l’Hexagone, à une grande mise à jour des pratiques forestières, particulièrement – mais pas uniquement – le long des cours d’eau. Ce processus d’évolution est indiscutablement accéléré par le réchauffement climatique et la prise de conscience environnementale. S’il n’est pas possible de sanctionner financièrement les propriétaires de parcelles boisées qui ne se conformeraient pas à ces nouvelles préconisations, Fibois prévient que ceux-ci encourent, en cas de contrôle, la perte du label de certification durable (PEFC/Programme de reconnaissance des certifications forestières). Quoiqu’il en soit, la filière porte d’une seule voix des propositions qui s’inscrivent dans une perspective plus vaste et de long terme.
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Cette évolution ne se fait néanmoins pas toujours sans incompréhension ni accroches. « Aujourd’hui, la sylviculture que l’on mène suscite des interrogations, voire de vives inquiétudes, concède François Guiraud. Face à cela, nous devons préserver la qualité environnementale des terres et mener des processus de concertation pour aboutir à une vision partagée de la biodiversité dans le cadre de la sylviculture de production ». Cette ambition commence à prendre forme, comme en témoigne la publication récente, par les équipes de Fibois et de la Sepanso, d’un document commun exposant une série de conseils sur la manière de replanter les parcelles dévastées par les spectaculaires incendies de l’été dernier.