Alors que les jeunes peinent à bien s’alimenter, l’OMS appelle les États à prendre des actions contre le marketing alimentaire les ciblant. Et cela pourrait commencer à l’école.
En mars 2024, une étude Toluna Harris Interactive, commandée par l’Institut du goût et le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, estimait que 20% des jeunes de 15 à 24 ans ne savent pas reconnaître une courgette et la confondent avec un concombre. 15 % ne font pas la distinction entre orange et pamplemousse. Dans la foulée, Olivia Grégoire, alors ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation appelait le gouvernement à lancer un plan national d’éducation alimentaire à l’école, dès le primaire et jusqu’au lycée. « L’éducation alimentaire est un sujet de société qui structure durablement nos habitudes de consommation et façonne l’avenir de nos enfants« , soulignait-elle. Bien que des mesures concrètes soient encore attendues, cette déclaration reflète une volonté politique de renforcer cette éducation.
Car sensibiliser au marketing alimentaire au lycée est capital pour construire des citoyens aguerris. « Le marketing alimentaire demeure une menace pour la santé publique et continue d’affecter négativement les choix alimentaires des enfants, les choix prévus et leur apport alimentaire, partage l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Cela influence également négativement le développement des normes des enfants en matière de consommation alimentaire.« Cette recommandation date de juillet 2023, lors de la publication d’une nouvelle directive qui appelle les pays à mettre en œuvre des politiques plus strictes pour protéger les enfants de tous âges du marketing d’aliments et de boissons non alcoolisées riches en acides gras saturés, en acides gras trans, en sucres libres et/ou en sel.
Le marketing alimentaire à l’école
L’éducation à l’alimentation commence dans les écoles françaises. Depuis la fin du XIXe siècle, les écoles ont été des zones interdites à toute forme de communication marchande. Cependant, cette barrière s’est progressivement érodée au cours du siècle dernier, jusqu’à ce que le Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 5 avril 2001 légalise certaines formes de partenariats entre les entreprises agroalimentaires et les écoles, à condition que celles-ci servent des objectifs pédagogiques, rappelle un article de The Conversation.
Le site Eduscol propose des ressources éducatives pour favoriser l’éducation à l’alimentation et au goût. Mais des outils encore plus poussés existent, sous la forme de kits pédagogiques fournis par des entreprises. Prêts à l’emploi, gratuits et facilement accessibles, ces kits visent à éduquer les élèves à la nutrition à travers divers matériaux attractifs tels que des diaporamas, jeux, livrets, coloriages et fiches pédagogiques. Ce phénomène a récemment été accentué par le développement de compétences transversales concernant notamment des attitudes plus responsables, notamment en matière de développement durable et d’alimentation.
Les risques du marketing alimentaire
Les entreprises agroalimentaires exploitent ces opportunités pour améliorer leur image, et cela soulève des questions. Peut-on expliquer le marketing alimentaire ou la bonne alimentation à l’aide de kits fournis par les entreprises dont on dénonce les pratiques ? Permettent-ils de déconstruire les logiques marchandes et éduquer les élèves de manière critique ? La réponse réside dans l’utilisation qui en est faite par les enseignants. S’ils disposent d’une liberté totale dans le choix d’utiliser ou non ces kits, ils ont la responsabilité de vérifier leur qualité pédagogique et de veiller aux messages publicitaires implicites.
Le « Code de bonnes conduites des interventions des entreprises en milieu scolaire » stipule que ces collaborations sont acceptables si elles sont motivées par des finalités philanthropiques et non commerciales. Cependant, le ministère de l’Éducation nationale n’impose pas l’anonymat de ces actions, permettant aux entreprises d’afficher leur statut de partenaire sur les outils éducatifs, ce qui introduit subtilement un discours publicitaire implicite dans le cadre éducatif.
Une occasion de décrypter la communication des marques
Des associations, comme FoodWatch accusent les actions de marketing alimentaires d’aggraver le surpoids et l’obésité habitudes, et de participer aux mauvaises habitudes alimentaires. Selon l’association, les produits « trop gras, trop salés, trop sucrés », font toujours l’objet de publicités attrayantes ciblant les plus jeunes. Alors, l’école ne pourrait-elle pas être le lieu d’expliquer les ressorts de ces campagnes publicitaires ?
Au cours de son enquête, l’organisme a passé au crible 228 boissons et aliments ciblant les enfants et les adolescents dans leur marketing. « Les enfants manquent du recul critique nécessaire pour distinguer un contenu informatif d’un contenu commercial et deviennent donc une cible de choix pour le profit des entreprises« , argumente Foodwatch. L’école doit donc les aider à y voir plus clair.
Si les apports d’entreprises agroalimentaires peuvent enrichir les ressources pédagogiques, elles nécessitent une vigilance accrue des enseignants, des parents et des responsables éducatifs pour garantir que ces initiatives servent avant tout l’intérêt pédagogique des élèves, tout en favorisant une consommation et une citoyenneté critiques. Trois campagnes publicitaires ont particulièrement attiré l’attention de Foodwatch et pourraient servir d’entrée pour éduquer les élèves au marketing alimentaire. Tout d’abord, une publicité pour l’Oasis Tropical, une boisson très sucrée prisée des enfants, avec la participation du rappeur Jul. Ensuite, une campagne de marketing de la marque Monster Munch visant l’univers du gaming, très populaire auprès des adolescents. Enfin, la marque Pitch (Pasquier), qui offre des espaces de jeux sur les plages françaises. Car l’OMS est clair : »Restreindre le pouvoir de persuasion du marketing alimentaire implique de limiter l’utilisation de dessins animés ou de techniques qui plaisent aux enfants, comme l’inclusion de jouets avec des produits, la publicité avec des chansons et les mentions de célébrités« .