L’huile de palme n’a pas bonne presse. Force est de constater que les tentatives des industriels du secteur pour redorer son image ont fait chou blanc. Depuis 3 ans, de plus en plus d’entreprises s’engagent pourtant pour atteindre « zéro déforestation en 2020 ». Les fournisseurs d’huile de palme adaptent leurs pratiques, selon différents référentiels ; tous ne se valent pas et le chemin reste ardu.
Sur les 3 dernières années, de grandes entreprises définissent des politiques « zéro déforestation » et tentent de les mettre en place. Des forums internationaux se développent pour regrouper ces grandes entreprises. Il y a notamment le « Consumer Goods Forum », qui édicte des règles pour ses membres volontaires afin de décliner cette politique sur différents produits agricoles. Il a défini 4 axes prioritaires : le bois, l’huile de palme, le soja et l’élevage. Mais pour le moment, seules les politiques concernant le soja et le bois ont été définies alors que les consultations multipartites se multiplient notamment pour l’huile de palme.
L’huile de palme : le référentiel RSPO
Les entreprises n’ont néanmoins pas attendu pour commencer à réagir. « Sur l’huile de palme, les entreprises internationales sont quasiment toutes engagées d’une manière ou d’une autre », assure Eric Servat, responsable Développement Marchés Durables Europe du Sud chez Rainforest Alliance, en charge du programme Huile de palme. Face aux désastres sociaux et environnementaux de la culture de l’huile de palme, une garantie pour une huile de palme durable a notamment été créée par la Table ronde pour l’huile de palme durable (dite RSPO). L’engagement des entreprises qui utilisent cette huile vérifiée se fait selon 3 niveaux : « segregated » (ségrégation), « mass balance » (balance de masse) et « book and claim » (réserver et revendiquer).
La garantie « segregated » indique que l’huile de palme utilisée pour fabriquer le produit est tracée et séparée des autres huiles non vérifiées sur toute la chaîne d’approvisionnement. Elle ne s’applique qu’à l’huile de palme 100% « durable ». La garantie « mass balance » veut que l’huile de palme utilisée soit majoritairement durable, mais sans séparation le long de la chaîne d’approvisionnement. Ainsi, le produit contient un mélange d’huile de palme durable et non durable, et donne aussi droit à une étiquette « verte ». Enfin, pour la garantie « book and claim », le fabricant achète simplement des certificats Green Palm, indépendemment de la chaîne d’approvisionnement réelle. Le logo RSPO est réservé aux produits contenant de l’huile de palme durable « segregated » et « mass balance »; ceux contenant de l’huile « book and claim » ne peuvent qu’indiquer « participe à la lutte contre la déforestation ».
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Greenpalm : la durabilité à bas prix
Dans le cas de la garantie « book and claim », les producteurs d’huile de palme « durable » enregistrent leur production auprès du programme GreenPalm. Un certificat leur est attribué pour chaque tonne d’huile produite. Ces certificats sont ensuite vendus sur une plateforme de négoce en ligne aux fabricants et détaillants intéressés. En parallèle de l’achat de ces certificats, les fabricants peuvent néanmoins traiter et acheter leur huile de façon habituelle.
GreenPalm s’engage en contrepartie à reverser quelques dollars par tonne pour la lutte contre la déforestation. Ce niveau de garantie représente actuellement près de 70 % de l’huile de palme vérifiée par la RSPO.
Selon Eric Servat, les industriels n’auraient parfois pas d’autres choix que de recourir à la garantie « book and claim ». « La ségrégation est possible quand les chaînes sont courtes et les usines de fabrications intermédiaires flexibles, explique-t-il. Les chaînes d’approvisionnement sont courtes pour les entreprises commercialisant huiles, margarines, savons qui peuvent donc s’engager en ségrégation RSPO et ou SAN, mais longues pour les dérivés comme ceux utilisés par l’industrie de la cosmétique qui souvent a recours au Mass Balance ou Book & Claim ».
RSPO : des critères à consolider !
Dans leur forme actuelle, les critères de la RSPO ne donnent que des lignes directrices trop vagues pour viter l’assèchement des zones humides. Il n’y a pas non plus pour l’instant de critères concernant les émissions de gaz à effet de serre causées par la production d’huile de palme. Ses principes et critères garantissent cependant que les droits fondamentaux des précédents propriétaires terriens, des travailleurs sur les plantations, des cultivateurs et de leurs familles sont respectés et pris en compte. Ils assurent également qu’aucune forêt primaire ou zone protégée n’a été détruite depuis novembre 2005 pour laisser la place à des exploitations d’huile de palme. Mais la déforestation secondaire n’est pas toujours prise en compte et quelques certificats delivrés par RSPO sont aujourdhui contestés en Asie.
« L’industrie s’est engagée sur ce standard, même si elle reconnaît qu’il est un point de départ en vue d’une amélioration continue, assure Eric Servat. Il y a un gros débat technique aujourd’hui et certains acteurs voudraient aller plus loin, mais l’industrie n’anticipe pas de changement important avec RSPO avant 2017-8 soit 2 ans avant la date butoir des engagements pris pour 2020 ».
Certaines entreprises ont donc développé des critères internes pour aller plus loin en matière de lutte contre la déforestation. Elles peuvent également avoir recours à la certification Rainforest Alliance, dont les normes sociales et environnementales respectent les standards du Sustainable Agriculture Network (SAN). « Il en va ainsi de la protection des forêts secondaires, des tourbières toutes couvertes par le standard SAN/Rainforest Alliance, se félicite Eric Servat. Rainforest Alliance présente le double intérêt de vérifier les critères des entreprises de façon indépendante et de préparer les producteurs à une certification qui couvre aussi les trois piliers environnementaux, sociaux et économiques ». De plus, « SAN/Rainforest Alliance est le seul standard imposant des activités de restauration en cas de déforestation entre 1999 et 2005, défend-il. Le zéro net déforestation est envisagé au niveau d’un territoire de concert avec des juridictions locales: si vous déforestez à Bornéo, ce n’est pas pour aller faire de la compensation au Gabon ».
Par ailleurs alors que les petits producteurs représentent 40 % de la production mondiale d’huile de palme, peu sont couverts et ou motivés par les initiatives de durabilité et/ou le standard dominant RSPO. « Les entreprises leaders en alimentaire et cosmétique contactent donc de plus en plus Rainforest Alliance qui de par son expérience accumulée depuis 1987 – 1,2 millions de petits producteurs – est à même d’inclure ces fermiers et communautés notamment dans des programmes d’amélioration de la productivité, notamment sur des terres dégradées, d’élimination des pesticides nocifs et de la protection de la vie sauvage, prévient Eric Servat. Il y a une urgence sur des territoires où la déforestation continue, notamment en Afrique qui constitue le nouvel el dorado », énonce Eric Servat.
En 2013, la production mondiale d’huile de palme était de 56 millions de tonnes. 8,7 millions de tonnes, soit 16% de la production mondiale était certifiée RSPO. 0,21 million de tonnes était certifiée Rainforest Alliance et 38 000 tonnes certifiées bio, soit respectivement 0,4 % et 0,06 % de la production mondiale. Le chemin à accomplir d’ici 5 ans reste donc considérable et le changement ne pourra s’opérer que si une vérification et ou certification rigoureuse et transparente des moulins transformateurs d’huile de palme par des organismes tierce partie est décidée et financée par les grand opérateurs mondiaux.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com