Face à la crise agricole et au dérèglement climatique, la question d’adapter les modèles agricoles s’impose dans le débat public. Pour répondre aux défis, plusieurs types d’agriculture s’affrontent. Dans son rapport thématique, le Haut Conseil pour le Climat recommande notamment l’agroécologie et l’agriculture climato-intelligente. Mais ces deux modes font-ils la paire ?
Plus de 50 associations écologistes ont rejoint les mouvements de manifestations des agriculteurs. Elles affirment partager le combat des manifestants contre le système agricole actuel. “Il faut aujourd’hui des réponses concrètes et ambitieuses de la part du gouvernement sur ces points, pour une transformation du système agricole, et non des mesures palliatives”, déclare ainsi Greenpeace dans un communiqué.
Afin d’adapter l’agriculture au dérèglement climatique, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) vient justement de publier son rapport thématique sur l’agriculture et l’alimentation. Selon ce rapport, “Les principales options d’adaptation relèvent de l’agriculture climato-intelligente et de l’agroécologie”. Mais la différence entre ces deux types d’agriculture n’est pas toujours évidente.
Agroécologie : un changement global du système alimentaire
Selon le rapport du HCC, “l’agroécologie désigne un ensemble de pratiques et de connaissances issues de l’écologie scientifique utilisées en faveur de la production agricole”. Parmi les méthodes agroécologiques se trouve, par exemple, la diversification des cultures ou le choix de variétés culturales plus résistantes. D’après le Réseau Action Climat, cette agriculture ”a pour fondement l’approche systémique basée sur le fonctionnement des écosystèmes naturels”. En somme, l’agroécologie vise à baser les pratiques agricoles sur le respect de la biodiversité et de l’environnement.
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L’ONG affirme qu’il est “nécessaire d’amorcer une transition des systèmes vers des pratiques agroécologiques« . En effet, celles-ci sont « riches en emplois, créatrices d’activité sur les territoires, respectueuses du climat, de l’environnement, de la biodiversité et du bien-être animal”. Cependant, d’après le HCC, “l’agroécologie fait partie des approches qui peuvent contribuer à une démarche d’adaptation transformationnelle mais nécessite un changement du système alimentaire dans son ensemble”. Pour mettre en place ce changement, le Haut Conseil préconise donc d’allier l’agroécologie à des techniques d’agriculture climato-intelligente.
Agriculture climato-intelligente : objectif ou méthode ?
L’agriculture climato-intelligente est mentionnée pour la première fois par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en 2010. Elle la définit comme “une agriculture qui augmente la productivité et la résilience (adaptation) des cultures de manière durable, favorise la réduction/élimination des gaz à effet de serre (atténuation), améliore la sécurité alimentaire nationale et contribue à la réalisation des objectifs de développement du pays”. Plutôt qu’un ensemble de méthodes, l’agriculture climato-intelligente serait donc une série d’objectifs à atteindre pour adapter l’agriculture au dérèglement climatique.
Le rapport du HCC spécifie que “l’agroécologie mobilise plutôt les services des sols et de la biodiversité”. Selon ce même rapport, “l’agriculture climato-intelligente mobilise plutôt les technologies (sélection génétique, services climatiques et alertes précoces, agriculture de précision et digitale)”. Ainsi, ici, le terme d’agriculture climato-intelligente se rapporte davantage aux méthodes basées sur la technologie pour gérer les exploitations agricoles. Celles-ci peuvent, par exemple, permettre de baisser la consommation d’engrais en les limitant au strict nécessaire. “Ces technologies, dites climato-intelligentes, permettent surtout une implantation incrémentale, sans changer les systèmes de production. Cependant, elles ne permettent pas de faire face à l’ampleur des impacts du changement climatique à venir”, précise le Haut Conseil.
Selon le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), plusieurs méthodes d’agriculture, comme l’agroécologie, l’agriculture numérique ou l’agriculture industrielle peuvent se revendiquer d’agriculture climato-intelligente. Cependant “la simultanéité entre adaptation, atténuation et sécurité alimentaire apparaît plus facile à atteindre par les principes de l’agroécologie que par ceux de l’agriculture industrielle”, précise-t-il.
Allier agroécologie et agriculture climato-intelligente, une solution d’avenir ?
D’après le HCC, “les systèmes climato-intelligents et les systèmes fondés sur l’agroécologie ne sont pas exclusifs et de nombreuses options d’adaptation combinent les principes des deux systèmes (ex. agroforesterie climato-intelligente)”. Cet avis est partagé par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Le Programme et équipements prioritaires de recherche sur l’agroécologie et le numérique, lancé par le gouvernement prévoit un scénario similaire. Selon ces deux organismes, l’agriculture numérique peut favoriser le déploiement d’une agriculture moins polluante et plus agroécologique.
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Cependant, d’après Les Amis de la Terre, l’agriculture de précision et l’agroécologie ne peuvent pas s’allier. “L’agriculture de précision demande plutôt de faire des investissements sur des grandes surfaces et sur des cultures peu diversifiées. Aujourd’hui, les logiciels ne sont pas faits pour la diversité”, explique Marion Cubizolles, chargée de communication chez Les Amis de la Terre. Ainsi, selon l’association, l’agroécologie et la monoculture sur de grandes surfaces sont incompatibles. “En aucun cas [l’agriculture de précision] ne favorise une évolution du modèle agricole actuel vers un modèle agroécologique. Celui-ci est pourtant nécessaire pour répondre aux objectifs de la transition écologique et sociale”, prévient le Réseau Action Climat.