Il est possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole de 50% en 2050. C’est ce qu’affirme le rapport thématique sur l’agriculture et l’alimentation du Haut Conseil pour le climat. Alors que les manifestations des agriculteurs battent leur plein, ce rapport dévoile les mesures à adopter pour une agriculture moins émettrice.
Alors que les mobilisations d’agriculteurs s’étendent dans toute la France, le Haut Conseil pour le climat (HCC) publie, ce 25 janvier, son rapport thématique sur l’agriculture et l’alimentation. L’organisme indépendant chargé d’évaluer l’action publique en matière de climat y dresse un constat “de l’empreinte carbone alimentaire et une analyse des politiques alimentaires et agricoles à l’aune des enjeux climatiques”. Le HCC ajoute également des recommandations permettant aux secteurs alimentaire et agricole d’atteindre la neutralité carbone pour 2050.
Selon le rapport du HCC, les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation se trouvent “en première ligne des défis climatiques”. En effet, ces deux secteurs subissent une augmentation des dommages causés par le dérèglement climatique. Entre autres, les épisodes de sécheresse, les vagues de chaleur et les inondations ont un effet dévastateur sur les récoltes et les troupeaux. Si l’agriculture et l’alimentation sont victimes du dérèglement climatique elles comptent également parmi ses causes.
Des secteurs d’émissions de gaz à effet de serre importants
L’agriculture est le “deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre (GES) en France”, explique Corinne Le Quéré, climatologue franco-canadienne et présidente du Haut Conseil pour le climat. Avec 77 millions de tonnes d’équivalent CO2, la filière a produit 18 % des émissions nationales en 2021. Le HCC note néanmoins que ces émissions baissent un peu trop lentement. Entre 2015 et 2021, elles auraient diminué de 7,9%, “pour un objectif 2030 de -22%”, précise Corinne Le Quéré.
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Au total, le secteur de l’alimentation, comprenant également la production agricole, avec ses 140 millions de tonnes d’équivalent CO2, représente “22% de l’empreinte carbone globale des Français”, détaille la présidente. Cela équivaut à 2,1 tonnes de CO2 équivalent par personne. “Cette empreinte inclut les émissions de la production agricole et des autres composantes du système alimentaire ainsi que celles générées hors de France par la production, la transformation et le transport”, précise le HCC. D’après les dernières données du HCC, les émissions de ce secteur baissent encore plus lentement que l’agriculture : – 4% entre 2010 et 2018.
Des recommandations…
Dans ce rapport, le HCC détaille plusieurs recommandations permettant d’adapter l’agriculture au dérèglement climatique. Il conseille particulièrement l’adoption de l’agriculture « climato-intelligente » et de l’agroécologie. La première de ces méthodes “mobilise principalement les technologies et constitue un premier niveau d’adaptation mais reste insuffisante face à l’ampleur des impacts attendus”, explique Corinne Le Quéré. Pour sa part, l’agroécologie “désigne un ensemble de pratiques issues de l’écologie scientifique et utilisées en faveur de la production agricole”, détaille-t-elle.
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Sept recommandations viennent s’ajouter à l’adoption de ces deux méthodes. Par exemple, l’accélération de la transition vers un système alimentaire bas carbone, résilient et juste ou encore l’intégration des enjeux climatiques dans le suivi et l’évaluation des politiques alimentaires et agricoles. “Le Haut Conseil pour le Climat émet des recommandations qui visent à réduire la vulnérabilité aux chocs climatiques, à renforcer la souveraineté alimentaire de la France, à réduire l’empreinte carbone de l’alimentation et, par conséquent, à atteindre la neutralité carbone en 2050 pour limiter les risques climatiques tout en protégeant l’avenir des agriculteurs et les consommateurs, surtout les plus vulnérables”, explique la présidente du HCC.
…pour réduire les émissions de 50% en 2050
Les recommandations du HCC s’articulent autour de deux calendriers. Tout d’abord, les objectifs pour l’année 2030. Ils “sont imminents puisque, par rapport à 2015, nous sommes à mi-chemin”, commence Corinne Le Quéré. Pour la présidente, “nous sommes sur une trajectoire de diminution des émissions et donc, une trajectoire positive. Cette trajectoire doit cependant accélérer maintenant”. En effet, si nous sommes à mi-chemin entre 2015 et 2030, seulement un tiers des objectifs ont été accomplis. Une accélération de la mise en place des mesures est donc nécessaire.
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“Par contre les objectifs de 2050 demandent d’aller beaucoup plus en profondeur, à la fois pour s’adapter, pour avoir une agriculture beaucoup plus résiliente, en particulier à la demande d’eau et résiliente aux impacts climatiques”, ajoute Corinne Le Quéré. Le HCC considère néanmoins que ces objectifs peuvent être atteints. Pour “réduire les émissions agricoles de 50% d’ici 2050”, le HCC recommande par exemple de réduire la consommation de viande de 30%, au minimum, ou de diminuer l’utilisation d’engrais azotés de 40 à 100%. “Cette trajectoire se fait sur un plus long terme, cependant elle doit commencer dès maintenant car nous avons besoin d’avoir un engagement des acteurs tout le long de la chaîne du système alimentaire”, précise Corinne Le Quéré.
Un nouveau casse-tête pour les agriculteurs ?
Pour le HCC, aujourd’hui, “des verrous et freins limitent l’adoption de pratiques agricoles et alimentaires bas-carbone et résilientes« . Cependant, le Haut conseil montre aussi que plusieurs opportunités contribuent au renouvellement de la filière. Notamment, les nouvelles générations, la prise de conscience de la nécessité d’une agriculture durable ou le développement de nouvelles compétences.
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Toutefois, les agriculteurs manifestent, entre autres, contre le casse-tête administratif que deviennent les nombreuses régulations du secteur. Par exemple, Sébastien Sachet, éleveur de veaux breton, déclarait ce mardi à Ouest France, “passer “environ une heure chaque jour” à remplir et classer des documents”. Le HCC juge avoir pris en compte ce ras-le-bol. Pour l’e HCC’organisme, “[Toutes ces recommandations] renouvellent pas mal de pratiques. Cela demande des formations mais ça ne compliquera pas la vie des agriculteurs et des éleveurs. Il y a une marge de manœuvre qui peut être technique, qui peut être d’investissement et donc qui ne complique pas la vie réglementaire”, explique Marion Guillou, spécialiste de l’alimentation et membre du HCC.