Le 18e colloque annuel du Syndicat des énergies renouvelables s’est tenu le 31 janvier à Paris. Si les énergies renouvelables connaissent « un élan mondial », les investissements sont en berne.
Chaque année, de plus en plus d’installations électriques fonctionnant aux énergies renouvelables sont installées dans le monde. Néanmoins, les investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ont baissé de 18% en 2016 ! Ils passent ainsi de 349 milliards de dollars (Mds$) en 2015 à 287,5 Mds$ en 2016, selon un rapport de Bloomberg New Energy Finance (BNEF). Dans le détail, les investissement dans le solaire ont totalisé 116 Mds$. Ceux dans l’éolien 110 Mds$ et ceux dans les technologies d’efficacité énergétique 42 Mds$. Les autres sources – biomasse, biocarburants, petites centrales hydroélectriques, services à faible teneur en carbone et énergies marines – ont attiré 19,5 Mds$ d’investissements.
La bonne nouvelle, c’est que malgré des investissements en baisse de 32% dans le solaire, il y a eu une hausse de 25% des nouvelles capacités installées. Ainsi, 70 gigawatts (GW) de solaire ont été installés l’an dernier, contre 56 GW en 2015. Cela, en grande partie grâce à la baisse des coûts par mégawatt. Dans l’éolien, les prix sont plus stables. Avec une baisse de 11,% des investissements, il y a eu 11,5% de capacités installées en moins. Soit 63 GW d’éolien, contre 56,5 GW l’année précédente. A l’opposé, les investissements dans technologies d’efficacité énergétique ont bondi de 29%.
Les énergies renouvelables fournissent désormais près de 24% de la consommation électrique mondiale. Cette part devrait atteindre 28% en 2021, selon l’AIE. « Cet élan réel est encore insufisant pour atteindre les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique », plaide pourtant Jean-Louis Bal, Président du Syndicat des énergies renouvelables.
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Plus d’énergies renouvelables installées mais moins d’investissements !
Pour BNEF, la baisse des investissements est due à la diminution des prix des équipements, en particulier dans le photovoltaïque. L’éolien et le photovoltaïque sont désormais compétitifs dans de nombreuses parties du monde. Jean-Louis Bal rappelle qu’« il est courant d’entendre des prix de l’ordre de 30 à 40 dollars par mégawattheure pour les grands champs éolien terrestre ou solaire dans les zones où les ressources sont les plus favorables ». En 2016, cela a notamment été le cas au Chili pour le photovoltaïque et au Maroc pour l’éolien terrestre. En Europe, les derniers appels d’offres éolien se situent plutôt entre 80 et 90 €/MWh, raccordement compris.
La deuxième explication avancée est l’irrégularité des investissements dans le monde. Si plusieurs pays ont sensiblement maintenu leur niveau d’investissements, à l’instar des Etats-Unis, du Brésil et de l’Inde, cela n’a pas été le cas dans les deux marchés clés que sont la Chine et le Japon. La Chine est de loin le premier investisseur dans les énergies propres au monde et pousse le marché. Ainsi, les investissements chinois dans les énergies renouvelables sont en baisse de 26% par rapport au niveau record de 119,1 Mds$ atteint en 2015. Egalement, les investissements japonais ont chuté de 43% à 22,8 Mds$. Dans l’ensemble de la région Asie-Pacifique, l’investissement a chuté de 26% à 135 Mds$, soit environ 47% du total mondial.
« Après des années d’investissements records, poussés par certains des tarifs d’achat les plus généreux au monde, la Chine et le Japon réduisent la construction de nouveaux projets de grande envergure », précise Justin Wu, responsable Asie de BNEF. La Chine et le Japon passent désormais à la digestion des capacités déjà mises en place. « Le gouvernement [Chinois] se concentre maintenant sur l’investissement dans les réseaux et la réforme du marché de l’électricité afin que les énergies renouvelables installées puissent générer leur plein potentiel. Au Japon, la croissance future ne viendra pas des projets à grande échelle, mais des systèmes solaires installés par les consommateurs, attirés par l’économie de plus en plus favorable de l’autoconsommation », analyse-t-il.
Des investissements en baisse presque partout !
Les investissements ont baissé dans plusieurs pays émergents et en développement. Ils ont par exemple reculé de 76% en Afrique du Sud, à 914 millions de dollars. Et de 80% au Chili, à 821 millions de dollars. Les investissements mexicains ont chuté de 59%, à 1 Mds$, et ceux de l’Uruguay de 74%, à 429 millions de dollars. En revanche, la Jordanie a dépassé pour la première fois la barre des 1 Mds$. Son investissement a augmenté de 147% et atteint 1,2 milliard de dollars en 2016.
En Europe, l’investissement a progressé de 3% à 70,9 Mds$. Principalement grâce à l’énergie éolienne offshore et au complexe offshore Fosen de 1 GW. Le Royaume-Uni a mené le champ européen pour la troisième année consécutive, avec un investissement de 25,9 Mds$, en hausse de 2%. L’Allemagne a terminé deuxième à 15,2 Mds$, en baisse de 16%. La France a investi 3,6 Mds$, en baisse de 5%, et la Belgique, 3 Mds$, en hausse de 179%.
Au final, il y a eu plus de capacités installées en 2016 qu’en 2015, tout en dépensant moins. C’est une bonne nouvelle. Mais il faudrait plutôt profiter de ces prix bas pour faire exploser la dynamique. D’autant plus que nous sommes loin d’atteindre les objectifs de lutte contre les changements climatiques. « Pour atteindre l’objectif des 2°C, il faudrait rapidement atteindre un investissement de 600 milliards de dollars par an dans les énergies propres », prévient Michael Liebreich, fondateur de BNEF. Soit doubler les investissements actuels. Pour l’agence internationale des énergies renouvelables, il faudrait même les tripler pour atteindre environ 900 Mds$ par an en 2030.
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com