La crise sanitaire a confirmé la prise de conscience : pour 93% des Français, il faut revoir tout ou une partie de notre modèle économique. Parmi eux, 52% déclarent qu’il faut le repenser entièrement et sortir du mythe de la croissance infinie. Voici l’un des enseignements majeurs du Baromètre de la consommation responsable de Greenflex et de l’Ademe. Celui-ci invite à repenser le modèle économique de la société.
La société traverse une grave crise de valeurs et les citoyens rejettent de plus en plus un modèle basé sur la consommation. Voici l’un des enseignements principaux du 14e Baromètre de la consommation responsable de Greenflex et de l’Ademe. En effet, 82% des sondés pensent que la société contient de moins en moins de repères et de valeurs. Et 88% trouvent que l’ont vit dans une société qui nous pousse à acheter sans cesse. « Beaucoup de Français souhaitent que l’on réoriente en profondeur les activités économiques vers les questions qui préservent l’environnement, la santé, la cohésion sociale », prévient Valérie Martin, cheffe du service Mobilisation Citoyenne et Médias de l’Ademe.
À en croire les résultats du baromètre, les Français seraient devenus anticonsuméristes. Les Français associaient encore récemment la consommation responsable au fait de consommer « autrement » et de privilégier des produits « durables ». Mais ils sont de plus en plus à privilégier le « consommer moins ». Ils sont désormais 61% (+3% vs 2019) à considérer que consommer de manière responsable, c’est avant tout supprimer le superflu ou réduire sa consommation en général. Ce baromètre a interrogé un échantillon représentatif de 1008 répondants français de 18 ans et plus.
Un paradoxe entre conscience et changement de comportement réel
Il faut évidemment relativiser ces résultats. « Il y a une dichotomie entre le déclaratif et le changement réel de comportement : nous restons encore fortement ancrés dans une société de consommation, parce qu’il y a un rapport à l’objet, à la propriété, de qualité de vie », insiste Valérie Martin. Les immenses queues devant plusieurs enseignes de biens manufacturés à la sortie du premier confinement devraient nous interpeller. « Les gens aspiraient à revivre «normalement » », rappelle-t-elle. Et en l’occurrence, revivre normalement signifie consommer. Les premières images à la sortie de ce troisième confinement ne sont guère plus rassurantes.
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Face aux risques liés au changement climatique et à l’épuisement des ressources, la société doit rapidement trouver un nouveau modèle de développement. « Il y a un paradoxe entre un modèle économique qui pousse à la consommation et à la croissance économique et de l’autre côté l’urgence à agir contre le changement climatique, souligne Valérie Martin. La transformation effective est en marche, mais pas encore mise en œuvre de façon massive. »
La Convention 21, pour accélérer la transition de l’économie
Pour espérer une réelle action contre le changement climatique, il faut s’attaquer rapidement à ce paradoxe. Car si la prise de conscience est bien réelle, cela ne suffit pas. Les Français reconnaissent la nécessité de consommer moins et mieux mais encore trop d’entre eux demandent en même temps aux élus de produire de la croissance économique. « Il faut qu’on invente des modèles qui permettent de concilier l’intérêt général et les contraintes de l’économie et des entreprises », avance Virginie Raisson-Victor, géopolitologue, directrice du Laboratoire d’études prospectives et d’analyses cartographiques (Lépac).
C’est pour cela que Virginie Raisson-Victor a fondé la Convention 21. « C’est un processus participatif inédit qui veut fédérer les acteurs du monde économique et de la société civile autour d’un objectif commun : accélérer la transition de l’économie pour mettre un place un modèle qui soit durable pour tous, pour la biosphère mais aussi pour les entreprises », explique-t-elle. La mission de ces entreprises : « décarboner l’économie, régénérer la biosphère et mettre en œuvre une économie compatible avec les limites planétaires », peut-on lire sur le site officiel.
Le modèle est similaire à celui de la Convention citoyenne pour le climat. La Convention 21 propose à 150 entreprises tirées au sort de formuler 100 propositions d’actions prioritaires pour engager cette transition. À l’automne prochain, la convention commencera par une consultation de l’ensemble des parties prenantes. De janvier à mai 2022, ces entreprises délibéreront selon trois collèges (salariés, dirigeants et investisseurs). Enfin, dès juin 2022, les 100 propositions seront présentées à l’ensemble du monde économique et politique. En espérant que ces propositions aient un avenir plus radieux que celles des 150 citoyens.
Matthieu Combe