Nous avons suivi Yannick Jadot lors de différents déplacements à Paris et en région pour l’interroger sur son programme et sa vision de l’urgence écologique et climatique. Au programme : changement climatique, énergies renouvelables, voiture personnelle, bio et chasse.

« Vous pouvez lui poser toutes les questions que vous souhaitez lors de ses déplacements », nous assure Florence Eckenschwiller, responsable presse de la campagne de Yannick Jadot par téléphone. Alors que depuis plusieurs semaines, nous échangeons avec elle pour trouver un créneau d’interview, il apparaît que le meilleur moyen pour s’entretenir avec Yannick Jadot, candidat EELV à l’élection présidentielle, est de le suivre dans ses déplacements à Paris comme en région. Alors, c’est ce qu’on a fait. Entre Paris et Tours, nous avons pu lui poser toutes nos questions.
Yannick Jadot veut montrer à qui veut bien le rencontrer que son objectif est de donner à l’écologie une stature présidentielle. Pour cela, il arpente la France de long en large en TGV dans le cadre de sa « tournée des possibles ». En attendant son grand meeting à Paris le 27 mars prochain, le géant vert multiplie les petits meetings, au plus près de ses électeurs. Une accolade, un sourire. Yannick Jadot joue la carte de la proximité avec les Français. Et lorsqu’à Tours, une passante le traite de « trotskyste », l’ancien militant de Greenpeace garde son calme. Le candidat écologiste nous dévoile son programme écologique, qu’il veut à la hauteur de l’urgence écologique et climatique.
Natura Sciences : Le GIEC montre à quel point il est urgent de réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter. Comment répondez-vous au défi de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ?
Yannick Jadot : La question du changement climatique est le grand défi de l’humanité, le grand défi pour nos pays, le grand défi pour nos sociétés. Une bonne partie de la très forte hausse des prix des fruits et légumes est liée à l’inaction climatique. La hausse des prix du blé notamment et donc de la baguette, est liée à l’inaction climatique. La hausse des prix de l’énergie, liée à notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, est due à l’inaction climatique.
Notre campagne ne vise pas simplement à éviter le chaos climatique. Elle veut faire de ce combat une formidable source d’innovation économique, de relocalisation des entreprises, de justice sociale, de liberté et d’émancipation. On veut sortir la politique du déni de l’urgence climatique.
Lire aussi : Nathalie Arthaud : « Nous visons l’expropriation de la classe capitaliste »
Notre pays a été capable en un peu plus de vingt ans de construire 58 réacteurs nucléaires. On a été capable d’avoir une politique industrielle comme rarement dans notre pays. Notre ambition est d’avoir la même volonté, la même capacité à innover, la même capacité à en faire une priorité nationale, mais sur les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Je souhaite quand même qu’on recrute des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers dans le nucléaire, parce qu’en responsabilité, il faudra des années et des années pour progressivement en sortir. Nous investirons massivement sur les économies d’énergie. C’est le meilleur bouclier énergétique pour les ménages. Nous investirons massivement sur les énergies renouvelables et au fur et à mesure nous fermerons les réacteurs nucléaires les plus vieux ou les plus vulnérables.
Natura Sciences : Plusieurs candidats qualifient votre écologie de punitive. Sont-ils selon vous dans le déni, voire inconscients par rapport à ces défis écologiques et climatiques?
Yannick Jadot : Vous savez, ceux qui parlent d’écologie punitive sont toujours ceux qui ne veulent pas faire d’écologie. Entre 50.000 et 100.000 morts par an liés à la pollution de l’air : c’est ça qui est punitif aujourd’hui. Ce déni-là est au fond absolument coupable. Il est parfois criminel au regard des dégâts que nous connaissons. Et nous, nous portons la responsabilité. Et parfois j’entends, y compris les attaques sur cette écologie qui serait juste une écologie de bobos. Je trouve ça là aussi totalement irresponsable. Un : c’est avoir une piètre idée des classes populaires que de considérer que la protection de l’environnement, que l’alimentation de qualité sont des sujets qui les dépassent totalement. Et c’est ne pas voir à quel point les classes populaires aujourd’hui sont les premières victimes de la crise écologique.
Quand vous allez dans les quartiers populaires ou dans des zones rurales où les gens sont isolés, ils ne vous disent pas « merci d’être là, je suis écologiste ». Mais ils vous disent : on a froid l’hiver, on a très chaud l’été, nos enfants sont plus malades que la moyenne, notre alimentation en eau fuit, nos gamins sont en surpoids ou en obésité à cause de la malbouffe. Et on est content qu’ils aillent à la cantine parce qu’ils ont un repas de qualité. Et donc la réponse écolo, c’est la réponse de justice sociale. C’est la réponse sur les dépenses contraintes. C’est la réponse sur le pouvoir d’achat, mais de manière responsable. Être dans le déni aujourd’hui sur la malbouffe, moquer le combat contre le trop sucré, trop salé, trop gras, je trouve que c’est profondément choquant et assez irresponsable. C’est aussi une forme de mépris par rapport aux classes populaires qui n’est pas le nôtre.
Natura Sciences : Les classes populaires justement dénoncent le fait que cette alimentation de qualité n’est pas à leur portée. Comment rendre le bio plus accessible ?
Yannick Jadot : La première question qu’il faut se poser, c’est : qu’est-ce qu’il y a dans le prix du conventionnel aujourd’hui ? Est-ce qu’on intègre la précarisation des paysans ? Entre un tiers et 40 % des paysans vivent avec moins de 350 € par mois. Est-ce qu’on intègre l’isolement, l’endettement et les suicides des paysans ? Est-ce qu’on intègre la pollution des sols, la pollution des organismes ? Et est-ce qu’on intègre la malbouffe et les maladies chroniques ? Non !
Donc l’enjeu n’est pas que le bio coûte aussi peu cher que le conventionnel qui n’intègre aucune des externalités. C’est de faire en sorte qu’en ayant réduit les consommations sur le logement, les dépenses sur le logement, sur le chauffage, sur l’électricité, sur les transports, en ayant augmenté les revenus, en ayant mis en place le revenu citoyen, on permette à tout le monde de s’acheter une alimentation de qualité qui intègre tous les coûts externes. Et puis nous mettrons la TVA sur le bio à 0% pour le faire baisser.
Natura Sciences : Plusieurs candidats tirent à boulet rouge sur les éoliennes pour mettre en avant le nucléaire. Au contraire, vous mettez en avant les énergies renouvelables en réponse au changement climatique. Qu’auriez-vous à leur répondre ?
Yannick Jadot : Pour nous, il n’est pas question de remplacer le nucléaire et la capacité de production du nucléaire par l’équivalent en éoliennes. Ça n’a jamais été le sujet des écologistes. Nous, nous voulons à la fois économiser l’énergie et nous voulons ce que l’on appelle un mix d’énergies renouvelables.
Vous savez, je suis toujours surpris d’entendre ces candidats qui sont des candidats de la panne électrique. Ce sont les candidats du black-out. Quand vous entendez des candidats de droite ou d’extrême droite dire qu’ils vont démonter les éoliennes, écoutez simplement RTE. RTE dit que si vous enlevez les éoliennes, c’est shutdown sur le système électrique français. C’est totalement irresponsable. Et les mêmes qui prétendent défendre les paysages, je ne les ai jamais vus s’interroger sur les 100.000 pylônes de lignes à très haute tension ou sur les panneaux et les zones commerciales qui défigurent l’entrée de nos villes.
Natura Sciences : Comment améliorez-vous l’acceptabilité des éoliennes?
Yannick Jadot : Dans notre projet, nous voulons passer pour notre pays de 9.500 éoliennes aujourd’hui à 12.000. Parce que la réalité, c’est qu’une bonne partie des éoliennes que l’on voit sur le territoire, sont des éoliennes qui produisent 2 mégawatts de puissance. Aujourd’hui, puisque ça va très vite en efficacité, on est déjà passé à 6 mégawatts en capacité. En fait, on peut fortement progresser en électricité d’origine éolienne sans forcément installer beaucoup plus de mâts.
Et nous voulons changer totalement la politique en matière d’installations et de projets éoliens. On arrête au fond de laisser entendre qu’on pourrait faire de l’éolien partout sauf autour de nos radars. Et donc il y a des entreprises qui arrivent avec des projets dans des zones, même parfois des réserves naturelles, où l’on sait parfaitement que l’on n’implantera jamais d’éoliennes. Cela crée légitimement des résistances locales. Cela crée des polémiques, alors qu’au fond, ce n’est pas là qu’il faut les mettre.
Notre stratégie sera de définir là où l’on peut faire de l’éolien, de faire avec les populations, parce qu’en réalité, toutes les enquêtes le prouvent : une très grande majorité des Françaises et des Français sont favorables à l’éolien, y compris à côté de chez soi. À ce moment-là, on accélérera toutes les démarches. Le nucléaire que propose Emmanuel Macron est deux fois plus cher que les renouvelables que nous proposons. Et ce que nous proposons est installé quatre fois plus vite, quatre fois plus vite ! Donc notre projet répond au manque de production d’électricité qui génère les prix très hauts de l’électricité dans notre pays et notre pays encore une fois répond aux enjeux du climat et des entreprises.
Natura Sciences : La place de la voiture personnelle reste très importante en France, notamment dans les zones rurales. Quelles solutions alternatives leur proposez-vous?
Yannick Jadot : Il y a des millions et des millions de Françaises et de Français, qui sont contraints de prendre l’automobile. Et la question n’est pas de les culpabiliser. La question, c’est de leur offrir des solutions. Nous voulons réouvrir des gares, quand c’est possible, pour qu’il y ait des trains du quotidien. Mais une de mes propositions, c’est le covoiturage gratuit quand on va au boulot. Vous savez que vous avez des bassins d’entreprises. On peut s’organiser pour partager la voiture. Et par exemple, on rendra gratuit le covoiturage pour alléger, parfois jusqu’à 1000 euros par an, la facture de carburant des Françaises et des Français.
Ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas une solution unique pour tous les Français et toutes les Françaises. Les territoires sont différents et nous avons au cœur de notre projet la volonté que chacune et chacun éloigné ou pas des centres urbains puissent se déplacer librement sans grever le pouvoir d’achat.
Lors d’une rencontre organisée par le MEDEF à Paris, Yannick Jadot a répondu à plusieurs questions sur la chasse :
On est le pays où on chasse le plus longtemps en Europe. On est le pays où l’on chasse le plus d’espèces. Vous savez que plusieurs fois par an l’état et Emmanuel Macron autorisent des chasses qui sont immédiatement interdites par les tribunaux, donc ce n’est pas vrai. La chasse dans notre pays n’est pas assez encadrée et moi je ne me résigne pas à ce que des familles, à ce que des personnes, soient tuées ou blessées lorsqu’elles vont se balader le week-end. On a une jeune femme de 25 ans qui est morte simplement parce qu’elle se promenait et ce n’est pas la première. Est-ce qu’à un moment donné on peut arrêter l’inacceptable dans notre pays ?
Il est inadmissible que les Françaises et les Français ne puissent pas profiter de la nature le week-end et pendant les vacances scolaires. Les chasseurs peuvent aussi en profiter, mais ils laissent les fusils à la maison. Ils auront le reste de la semaine pour chasser. Dans beaucoup de pays européens, vous le savez, il y a plusieurs jours de chasse interdits pendant la semaine. Je veux que ça devienne aussi le cas de la France.
Propos recueillis par Chaymaa Deb et Léo Sanmarty
Images/montage : Chaymaa Deb, Léo Sanmarty et Matthieu Combe