La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) prévoit la généralisation du tri à la source, de la collecte séparée et de la valorisation des biodéchets d’ici fin 2023. Mais les collectivités sont-elles passées à l’acte ? Natura Sciences fait le point.
Le compte à rebours est lancé. Dans trois mois et demi, au 31 décembre 2023, toutes les collectivités locales devront avoir déployé un système de tri à la source des biodéchets pour leurs concitoyens si elles veulent respecter la loi. Cette obligation provient de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) qui prévoit la généralisation du tri à la source des biodéchets pour l’ensemble des ménages et des professionnels à cet horizon. Le défi concerne avant tout les déchets alimentaires, les systèmes de collecte dédiés ou d’apports en déchèterie pour les déchets verts étant plus souvent répandus dans de nombreux territoires, notamment ruraux.
Les collectivités restent libres de déployer la méthode de collecte des biodéchets alimentaires de leur choix en vue de les valoriser en compost ou en biogaz. Elles peuvent ainsi choisir une collecte séparée en porte-à-porte ou point d’apport volontaire. Elles peuvent aussi préférer une gestion de proximité. Cela peut se faire en composteur individuel, en composteur partagé au sein d’un immeuble ou collectif au niveau du quartier. Cette obligation sera-t-elle respectée par les collectivités locales fin 2023 ? Dur à dire, car la loi Agec ne donne aucun objectif de collecte ni de seuils de population à couvrir. On fait le point.
Où en est-on de la collecte des biodéchets alimentaires par les collectivités ?
En apparence, les collectivités locales semblent avoir préparé les choses. « Sur les 1200 collectivités locales ayant la compétence collecte des déchets, une centaine sont engagées dans la collecte séparée des biodéchets alimentaires et plus de 800 se déclarent être actives sur la gestion de proximité », partage Muriel Bruschet, référente nationale de l’Ademe sur les biodéchets. Ainsi trois quarts de ces collectivités locales s’intéresseraient au sujet.
Pourtant, selon la dernière synthèse de l’ADEME d’octobre 2022, la collecte séparée des biodéchets alimentaires provenant des ménages ou des producteurs assimilés couvrait 6,3% de la population française. Dans plus de 90% des cas, il s’agit de collecte en porte-à-porte. L’Ademe souligne toutefois un développement récent de collecte en apport volontaire et des collectivités combinant les deux modes de collecte.
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Si une majorité de collectivités déclarent soutenir des actions de compostage de proximité, elles desservent une minorité de leur population. Dans sa synthèse, l’Ademe souligne que les solutions de compostage de proximité des biodéchets alimentaires couvrent entre 9 et 38% de leur population. Au niveau français, les collectivités déclaraient proposer une solution à seulement 5,3% de la population en 2019.
Une solution sur le terrain pour un Français sur deux
Si la loi Agec impose aux collectivités de proposer une solution à leur population fin 2023, les Français n’ont pas attendu pour agir à leur échelle. Ainsi, 34% de la population française déclarait pratiquer un compostage de proximité de leurs biodéchets alimentaires, selon un sondage grand public mené par l’Ademe en 2020. « Seulement un tiers de ces 34% ont été équipés par leur collectivité », précise Muriel Bruschet. En fin de compte, entre 5,3% et 34% des Français pratiquaient donc un tel compostage de proximité entre 2020 et 2021. Avec un telle incertitude sur les chiffres, l’Ademe souligne l’importance d’améliorer le suivi des données.
Entre 2021 et 2022, le plan de relance a permis d’accompagner environ 450 dossiers de demande d’aides supplémentaires pour la mise en place de solutions de proximité et de collecte séparée. « Cela représente environ 7% de la population supplémentaire », calcule Muriel Bruschet. En 2023, les collectivités ont déposé 350 dossiers via le fonds vert. Ces dossiers sont toujours en cours d’instruction les préfets de région annonceront prochainement les lauréats. Notons toutefois que ces nouveaux projets nécessitent souvent entre trois et quatre ans pour voir le jour sur le terrain. Dans ces conditions, « au 1er janvier 2024, environ un quart des Français auront une solution de tri à la source grâce à leur collectivité, autour de la moitié en prenant en compte les solutions individuelles », prévoit Muriel Bruschet.
Les collectivités respectent-elles la loi Agec?
Pour pouvoir évaluer l’application de la loi, il faudrait savoir à partir de quand on peut considérer que le tri à la source est mis en place par une collectivité. En ce sens, l’association Zero Waste France souligne via communiqué « la nécessité d’un décret et/ou d’un arrêté d’application pour préciser comment ce tri à la source des biodéchets doit être assuré par les collectivités, avec des objectifs quantitatifs clairs de détournement des biodéchets de la poubelle d’ordures ménagères résiduelles ». L’association défend des objectifs contraignants, avec une obligation de moyens et de résultats dans la mise en œuvre du tri à la source. Des discussions sont en cours au ministère de l’écologie sur ce sujet.
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Quels seuils définir ? Comment s’organiser et mobiliser les collectivités encore hésitantes ? La question sera au coeur des Assises des Déchets les 27 et 28 septembre prochains à Nantes. L’Ademe partagera des enseignements complémentaires sur les clés et les contraintes pour relever le défi de la généralisation du tri à la source des biodéchets, aux côtés de la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (Fnab), de SUEZ Organique, du Réseau Compost Citoyen et du Syndicat mixte d’ordures ménagères de la Vallée de Chevreuse (Siom).