La proposition de loi contre la maltraitance animale arrive ce jeudi au Sénat. Proposée par des parlementaires engagés, la proposition de loi a été pensée avec une coalition d’associations de protection animale. À la suite d’amendements, plusieurs parties prenantes espèrent retrouver une proposition de loi plus ambitieuse.
La commission des affaires économiques du Sénat a adopté mercredi la proposition de loi contre la maltraitance animale. Votée le 29 janvier par l’Assemblée nationale, certaines de ses principales mesures ont été modifiées. Des changements que dénoncent certaines associations de protection animale, qui ont collaboré avec les parlementaires pour porter la proposition à terme. Le texte prévoit un ensemble de dispositions concernant aussi bien les animaux domestiques que la faune sauvage captive. La chambre Haute le discutera, puis le votera, en séance publique le 30 septembre et le 1er octobre.
Selon un sondage réalisé par l’Ifop pour le site d’information animalière Woopets, 90% des sondés se disent favorables à la loi de lutte contre la maltraitance animale. Une loi qui est ainsi attendue par bon nombre de citoyens et d’associations qui militent pour des mesures concrètes, comme le fait de punir davantage les abandons d’animaux domestiques.
Une proposition de loi historique
En septembre 2020, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili annonçait des mesures en faveur du bien-être de la faune sauvage captive. Notamment l’interdiction progressive des animaux sauvages dans les cirques. Depuis, « il n’y a eu aucun acte concret du gouvernement pour appuyer ces annonces », estime la présidente de l’association Code Animal. « L’année dernière, pour faire pression, on avait demandé à Cédric Villani, député de l’Essonne, de déposer une proposition de loi. Ce qui nous a permis de faire pression sur LREM pour qu’ils déposent la proposition finale », explique Alexandra Morette.
« Les principales ONG ont travaillé main dans la main pour faire valoir leurs causes », raconte Nikita Bachelard, chargée d’affaires publiques pour la LFDA, Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences. Comme elle l’explique, les sujets abordés avaient « fait l’objet d’une concertation du ministère de l’Environnement en 2019. »
En matière de protection animale, c’est une première proposition de loi « historique » selon Alexandra Morette, qui précise qu’il « n’y en avait jamais eu du groupe majoritaire. » Les principales mesures concernent les animaux de compagnie et la faune sauvage captive. Cependant, la présidente de l’association rappelle que la proposition ne couvre pas tous les sujets : « tous les pans concernant les animaux utilisés dans l’agroalimentaire et de la chasse ne sont pas discutés. »
Animaux de cirque et cétacés en danger
En septembre 2020, Barbara Pompili avait pourtant annoncé l’interdiction progressive des animaux sauvages dans les cirques. Mais la sénatrice de Seine-et-Marne Anne Chain-Larché, rapporteure au Sénat, tranchait : « si les conditions de détention et d’itinérance permettent d’assurer que les besoins de l’animal sont remplis, il n’y a pas de motif pour les interdire. »
Une prise de position que regrette l’association Code Animal. « Sur le cirque, il est sourcé et fondé de demander l’interdiction des animaux. Tout le chapitre 3 sur l’interdiction des animaux sauvages est une grosse blague, un désastre absolu. »
Pour l’association de défense des cirques de famille, « censurer les spectacles présentant des animaux, c’est tuer les cirques. » Soutien de la rapporteure au Sénat Anne Chain-Larché, l’association estime qu’interdire les animaux de cirque revient à « tuer le seul spectacle accessible à la ruralité. »
Si la Fondation Droit Animal est généraliste, elle s’intéresse particulièrement aux cirques et aux delphinariums. « On s’inquiète énormément du sort de ces dispositions à l’issue de l’examen du Sénat. Il y a eu amendement du Sénat la semaine dernière, plutôt dans le mauvais sens », rapporte Nikita Bachelard. Elle précise également qu’il n’y aura plus d’interdiction des cétacés dans les delphinariums.
Par ailleurs, l’interdiction d’animaux dans les cirques ne concernera que certaines espèces. « C’est un gros problème dont on est très mécontent. Pour cette histoire de liste d’espèces, c’est hors de question de laisser des espèces sur le carreau. Le ministère pensait à la possibilité de laisser certains oiseaux, des rapaces ou des perroquets qui resteraient dans les cirques. Il s’agirait de listes établies par décret », dénonce Nikita Bachelard.
Un manque d’écoute sur le sujet
Auditionnée par les rapporteurs de l’Assemblée nationale et par la rapporteure au Sénat, la Fondation Droit Animal déplore « ne pas avoir été entendue sur le sujet de la faune sauvage captive. » Même son de cloche pour l’association Code Animal, qui estime que « malgré le fait de nous avoir auditionnés à plusieurs reprises, Madame Chain-Larché n’a toujours pas compris l’enjeu. On a eu trois auditions, mais jamais vraiment sur le thème des cirques. »
La présidente de l’association estime que « le sujet est très politique. Le gouvernement n’était pas forcément d’accord avec tous les articles de la PPL. Tout est très détricoté par le Sénat qui est revenu sur l’interdiction de tous les animaux de cirque. Il a repris l’amendement du gouvernement qui interdit seulement certaines espèces. »
« On va se battre pour que la loi redevienne ambitieuse. »
Concernant le Sénat, l’association Code Animal attend de voir comment se passent les débats en séance publique. « On espère que la rapporteure va remettre en question le texte en Commission. Derrière, on va se battre pour que la loi devienne ambitieuse, notamment en commission mixte paritaire pour que les députés puissent reprendre nos amendements », déclare Alexandra Morette.
Heureusement, les échanges entre parlementaires et associations étaient « plutôt positifs », d’après Alexandra Morette. Au sein du groupe Les Républicains, « Arnaud Bazin, en charge de la thématique Animal et Société, était très réceptif », rapporte la présidente de Code Animal. Lui et d’autres sénateurs étaient « présents pour essayer de revenir sur le texte d’origine et son ambition », confie-t-elle.
La Fondation Droit Animal espère un amendement de la proposition de loi « dans le bon sens, avec de vraies interdictions en ce qui concerne les cirques et les delphinariums. » Concernant les animaux domestiques, les sénateurs ont annulé l’interdiction de la vente de chats et chiens en animalerie, et prônent un meilleur encadrement.
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Mais Nikita Bachelard craint que la situation s’enlise. « La problématique principale, c’est que le Sénat change beaucoup le texte et fait perdre du temps sur l’adoption de la PPL. Car lorsque le Sénat n’est pas d’accord, la discussion repart à l’Assemblée nationale. Le risque étant que la PPL ne voit jamais le jour, ce qui nous inquiète. »
Jeanne Guarato