À l’occasion du second tour des législatives, le programme économique de la NUPES divise la toile. Ses propositions restent soutenues par une part des économistes français tandis que l’opposition met en garde contre des promesses infaisables. Maria-Eugenia Sanin, maîtresse de conférences en économie à l’Université Paris Saclay, estime pour sa part que ce programme serait une réponse favorable à la crise climatique.
À l’occasion du second tour des législatives, Natura Sciences s’est penché sur le programme économique de la NUPES. Les propositions soulevées par la coalition de gauche font débat, séduisant une part des économistes français, mais considérées comme « dangereuses » par les partis de droite. Maria-Eugenia Sanin, maîtresse de conférences en économie à l’Université Paris Saclay, estime que les financements prévus pour l’écologie entrent en adéquation avec les besoins économiques des Français.
Les promesses de la Nupes sont nombreuses. 200 milliards d’euros sur cinq ans pour la bifurcation écologique, baisse de la TVA sur les transports, augmentation des moyens financiers pour l’Office national des forêts avec augmentation des salaires, construction de 200.000 logements par an… Est-ce réaliste ou trop ambitieux aujourd’hui ?
Ce programme n’est pas trop ambitieux, car la fin du monde et la fin du mois se complètent. Par rapport à la question de la baisse des émissions, nous n’avons pas le choix. Nous devons rester cohérents avec les objectifs fixés par l’Accord de Paris, mais aussi via le Plan climat européen [soit réduire les émissions de 55% d’ici 2030 : NDLR]. Si l’on se fie au rapport du Giec, nous sommes en retard sur la diminution des gaz à effet de serre et nous avons jusqu’en 2025 pour inverser la tendance des émissions. Mais ce n’est pas uniquement pour sauver la planète.
Des économistes ont évalué combien coûterait l’adaptation au changement climatique. Et effectivement, le coût du dérèglement climatique serait plus élevé que le coût d’agir. Si ce n´était pas le cas, nous ferions seulement de l’adaptation au changement climatique au lieu de réduire les émissions. Certains investissements, comme l´isolation des bâtiments, présentent par exemple des avantages pour mitiger les émissions, en consommant moins d’énergie en climatisation et en chauffage, en plus de s´adapter aux températures extrêmes. [En plus de cela, l’inaction climatique viendrait accroître les inégalités entre les classes populaires et les plus aisées selon des économistes de l’Institute for Policy Integrity de l’université de New York, / NDLR] .
Si l’on comprend pourquoi le climat entre dans les débats, toutes les dépenses qui vont dans le sens de la diminution des émissions et de l’adaptation liée à la transformation des activités économiques tendent vers un modèle plus soutenable. Même la République en Marche (LREM) semble y croire en proposant une planification écologique.
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Natura Sciences: Dans son programme, la NUPES propose de nombreux financements pour répondre à la crise climatique. Est-ce que cela n’impacterait pas »le pouvoir d’achat », maître mot de la campagne?
Maria Eugenia Sanin: Dans les discours que l’on entend aujourd’hui, il y aurait une opposition entre le pouvoir d’achat et la transition écologique. Ou, si l’on reprend l’expression, une opposition entre la fin du mois et la fin du monde. Dans le contexte actuel, cette position s’avère plutôt fausse car nous sommes dans une situation d’inflation. Cette inflation dépend de l’importation d’énergies fossiles d’un pays fournisseur avec lequel nous sommes en guerre. Toutefois, nous pouvons diminuer ses impacts.
Pour cela, plusieurs alternatives existent. La Nupes propose une régulation sur le prix du gaz européen, ce qui est une bonne réponse à la crise climatique et constitue un avantage économique pour les Français [mais n’incite pas non plus au changement de comportement, NDLR]. Car sans une régulation des prix, notamment en ce qui concerne l’essence, on rencontre d’autres problèmes. Aujourd’hui, une contribution de 18 centimes est distribuée à tout le monde, aussi bien à celui qui roule en Ferrari qu’à l’infirmière libérale qui utilise sa voiture quotidiennement. Ce n’est pas très équitable.
Un mandat de cinq ans suffirait-il à mettre l’ensemble de ce programme en place ?
Il est difficile de répondre à cette question. Il y a certaines interrogations, notamment sur le développement des énergies renouvelables. À quelle vitesse peut-on les déployer ? Sur le nucléaire, que mettra-t-on à la place ? Que fait-on avec les déchets ? Il y a des détails qui nécessitent d’être approfondis alors que les partis membres de la NUPES ne s’accordent pas tous sur ces questions. L’important est de ne pas tarder à agir car il y a une dégradation climatique.
Sur l’intégralité du programme économique de la NUPES, Elisabeth Born a déclaré sur France 2 mercredi soir qu’il s’agit d’un « projet massif de taxes et d’impôts, dangereux pour notre économie ». Qu’en pensez-vous ?
Ce qui serait véritablement dangereux, ce serait d’attendre encore davantage pour trouver des solutions aux problématique climatiques. Mais en termes d’impôts sur le revenus, tous les économistes affirmeront qu’une division des tranches d’impôts permet un système plus équitable. Chacun paierait par rapport à ses moyens. C’est ce que propose la NUPES. Leur programme économique implique de changer les impôts au lieu de les augmenter. En revanche, si la somme d’impôts payés est plus élevée avec la Nupes qu’avec LREM, ce n’est pas très intéressant. Il faut parvenir à une progression plus efficace, en faisant en sorte que l’État soit mieux financé et que la classe moyenne paie moins. Pour améliorer l’impôt sur le revenu , il faut que la progression se face doucement.
La Nupes propose une progression sur le taux d’imposition sur le revenu. Sur cela, les classes moyennes vont un peu moins payer. Cela ne veut pas forcément signifier que les plus riches paieront plus. Tout dépend de ce que l’on considère comme « riche ». Si le taux d’imposition prend cette considération des différentes tranches de revenus, ce serait effectivement quelque chose de plus intéressant pour la société dans son ensemble.
Propos recueillis par Sophie Cayuela