Une proposition de loi envisage d’instaurer une taxe sur les produits issus des entreprises de la mode en ligne, comme Temu ou Shein. Un texte fragile, mais encore trop peu ambitieux pour les ONG. Car c’est bien le secteur tout entier qu’il faudrait repenser.
Le législateur français va-t-il imposer une taxe de 10 euros sur chaque vêtement vendu par Shein, Temu ou encore Primark ? La proposition de loi « visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile » sera débattue ce jeudi 14 mars à l’Assemblée nationale. Mais de nombreuses voix, comme la coalition « stop fast-fashion », appellent déjà les parlementaires à se saisir de ce texte pour viser l’ensemble de l’industrie de la mode, collectivement responsable d’alimenter un système de surproduction mortifère pour la planète. La coalition regroupant 8 organisations, dont les Amis de la Terre et Zero Waste France demande aux députés « un texte ambitieux qui cible toutes les enseignes de fast-fashion ».
Les défenseurs d’une mode plus éthique espèrent ainsi « fixer des critères ambitieux pour freiner le renouvellement permanent des collections ». En ce sens, ils demandent à ce que la proposition de loi portée par la députée Anne-Cécile Violland (Horizons) s’applique « à toutes les plateformes de commerce en ligne ». En plus, ils enjoignent les députés à ne pas réduire les dérives du secteur de la mode à l’existence d’une seule grande enseigne comme Shein, mais à globaliser la problématique à toutes les marques surfant sur les mêmes stratégies de vente et de production. Ainsi, cela reviendrait à ce que « toutes les marques qui proposent plus de 5 000 modèles par an soient considérés comme relevant de la fast-fashion ». Dans le collimateur des ONG, les marques comme Zara, Primark, H&M ou Action ainsi que des plateformes comme Amazon. Mais peut-être aussi les géants du luxe comme LVMH et Kering, qui font face à un problème de stock excédentaire de plusieurs milliards de dollars.
L’industrie de la mode, 4e pollueur mondial
Les ONG veulent notamment s’attaquer au gaspillage et aux émissions de gaz à effet de serre du prêt-à-porter, alors que le secteur est le quatrième plus gros émetteur mondial. Selon l’Ademe, l’industrie de la mode émet environ 4 milliards de tonnes de CO2, soit environ 10% des émissions mondiales. L’industrie de la mode a ainsi un rôle important à jouer pour mettre fin à la crise climatique et écologique actuelle. Au-delà des émissions de gaz à effet de serre, les impacts à réduire englobent la perte de biodiversité, la pollution de l’eau et la déforestation. La faute à un système reposant sur la suproduction, mais aussi sur une absence globale de filière de recyclage des textiles.
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Les débats politiques autour de la fast-fashion occultent largement cette réalité. Pourtant, alors que des secteurs comme l’agriculture, les transports ou l’énergie entament une lourde et difficile mutation pour adopter des modèles plus écologiques, le prêt-à-porter ne peut se contenter d’ajustements à la marge. Et comme le prix pousse le consommateur à privilégier les produits à bas prix, charge au législateur d’encadrer plus sévèrement l’ensemble du secteur, sur des critères plus étendus.
30% de la production mondiale finit en invendus
Le 4 mars dernier, l’Agence Européenne de l’Environnement révélait des chiffres alarmants : entre 4 et 9% des produits textiles mis sur le marché européen sont détruits sans jamais avoir été utilisés. Cette pratique ne se limite pas aux frontières de l’Europe. Un rapport de septembre 2023 indique que, globalement, 15% à 30% de la production mondiale finit en invendus. Ces derniers sont souvent détruits par incinération ou finissent enfouis, notamment dans des décharges en Afrique ou en Amérique du Sud. Depuis janvier 2022, la loi anti-gaspillage pour la croissance verte a toutefois interdit en France la destruction de leurs invendus aux marques de textile, linge de maison et chaussures.
Ces chiffres témoignent d’un modèle économique à réinventer pour lutter contre la crise écologique. Ce modèle, basé sur la prévision des ventes et la production en excès, entraîne inévitablement la création d’invendus. En septembre 2023, un article de Vogue UK révélait que « vendre tous les produits coûte en réalité plus cher à une entreprise que d’avoir un excédent de produits qui finira par être soldé ». Et cette logique commerciale, tout en maximisant potentiellement les profits, se fait au détriment de l’environnement.