Le modèle agricole est au cœur des débats aux élections régionales bretonnes. Si des aspirations grandissantes à une agriculture plus raisonnée se font entendre, les candidats n’oublient pas le poids économique historique du secteur.
Treize listes se présentent aux régionales en Bretagne, prévues les 20 et 27 juin. Des élections marquées par la question sensible de l’agriculture. La première région agricole française a commencé à tourner le dos à son modèle agricole intensif développé dans les années 1960. Mais il n’est pour autant pas question de « sacrifier les Bretons », répète le président socialiste Loïg Chesnais-Girard, candidat à un nouveau mandat.
Le secteur agricole et agroalimentaire représente 142.000 emplois directs en Bretagne. Si le bio progresse, l’agriculture conventionnelle domine toujours. La région a franchi le cap des 3.000 fermes bio en 2020, mais elles ne représentent que 11,5% des 32 000 exploitations. « Nous avons des savoir-faire dans l’alimentation, dans l’agroalimentaire, c’est une force, et une force ça ne s’abandonne pas », martèle le président sortant. Pour faire face au défi climatique, Loïg Chesnais-Girard a fixé un objectif de 1.000 installations par an dans son programme. « Nous voulons plus d’emplois et moins de carbone », résume le président socialiste. Thierry Burlot, son rival LREM et ex-vice-président en charge de l’environnement, défend quant à lui « plus de cohérence entre l’économie et l’écologie ».
Élections régionales en Bretagne : l’agriculture en priorité
Passer au non-labour, semer de nouveaux mélanges d’espèces, revoir les rotations des cultures… Voici quelques-unes des mesures prévues par l’agriculteur Olivier Allain, vice-président sortant de la région chargé de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Le candidat milite pour une « agro-écologie », qui permettrait un meilleur respect de l’environnement tout en restant compétitif.
Pour la candidate EELV Claire Desmares-Poirrier, agricultrice bio, la priorité est ailleurs : « produire des aliments pour nourrir d’abord la Bretagne, avoir une vision sur la question des agriculteurs, leurs niveaux de revenus. » La candidate rappelle que, si la Bretagne est la première région laitière de France, elle n’a toujours pas d’AOP (appellation d’origine contrôlée). « Cela fait 20 ans que les agriculteurs se battent pour vendre le lait au moins à leur prix de revient », souligne-t-elle.
Pour Gilles Pennelle, c’est surtout contre l’ « agribashing » qu’il faut faire campagne. Le candidat RN (Rassemblement national) estime que la « transition » est en route. « Stop à l’agribashing » martèle aussi Isabelle Le Callennec (LR), qui rappelle qu’ « un emploi dans l’agriculture c’est 7 emplois induits ».
Le sujet explosif des algues vertes
Effet visible de l’agriculture intensive, les algues vertes sont devenues un « sujet de crispation« , observe la tête de liste du Parti breton, Joannic Martin. L’affaire Morgan Large en témoigne. Cette journaliste avait subi des pressions à la suite d’un documentaire dénonçant les effets délétères de l’agriculture intensive sur l’environnement. Un rapport du Sénat est venu mettre le sujet sur la table des régionales. Il s’interroge sur des avancées « très largement insuffisantes » depuis 20 ans dans cette région gérée par le PS depuis 2004.
Un constat partagé par la candidate EELV Claire Desmares-Poirrier. La Bretagne a « dépensé des moyens considérables qui ont été détournés de leur objectif. On paie les subventions, et les conséquences sur l’environnement ce sont des personnes qui ne peuvent pas boire l’eau potable », dénonce-t-elle. Les candidats sont pourtant confrontés « aux demandes des nouveaux arrivants en termes d’écologie », observe Joannic Martin. La tête de liste du Parti breton veut « réconcilier les deux camps, agriculteurs et habitants ».
Samedi, à Lorient, des manifestants ont symboliquement mis la tête dans le sable. Ils dénonçaient « la politique de l’autruche » des élus et de l’État face à ce fléau. Les algues vertes dénaturent certains secteurs des côtes bretonnes depuis plus de 40 ans.
Régionaliser les aides de la PAC
Autre thème de campagne : la régionalisation des aides de la PAC (Politique agricole commune). Celle-ci est défendue par le PS et EELV, rejoints plus tard par LREM. Ils militent pour la pleine gestion de l’enveloppe européenne. La Bretagne touche environ 500 millions d’euros par an des 9 milliards attribués à la France.
Aujourd’hui, les régions ne peuvent peser que sur une petite partie du budget : les aides non corrélées aux surfaces agricoles. Une pleine gestion permettrait d’accompagner la transmission des fermes. EELV rappelle en effet qu’à peine 700 agriculteurs se sont installés en 2020 pour quelque 2000 départs.
Jérémy Hernando avec AFP